Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, une partie de l’opinion publique pense que la menace terroriste passera vite. C’est une erreur profonde.
Les chiffres dont M. le Premier ministre a fait état à cette tribune sont vrais : le nombre de Français qui partent pour la Syrie ou pour l’Irak ne cesse de s’accroître, de même que le nombre de ceux qui meurent dans ces pays, notamment dans des attentats suicides. De plus en plus nombreux sont aussi les réseaux, très sophistiqués, qui incitent les jeunes et les moins jeunes à s’engager pour des œuvres de mort. Telle est la réalité, qui nous commande de nous engager et de nous mobiliser.
On a fait observer que tous les dispositifs qui existent n’ont pas permis d’empêcher les attentats du mois de janvier dernier. Cela est vrai, mais quelles conséquences faut-il en tirer ? Qu’il ne faudrait rien faire, qu’il faudrait se résigner, que rien ne serait utile ? Je ne suis pas du tout d’accord. Nous savons bien, pourtant, que c’est grâce aux services de renseignement français que des attentats ont été déjoués !
De même que nous devons affirmer que la sécurité est une liberté, et que pour cette raison nous devons faire preuve de la plus grande vigilance, de même nous devons affirmer, comme nombre d’orateurs viennent de le faire, qu’un juste équilibre doit être trouvé entre la sécurité nécessaire et les indispensables libertés. Car la plus grande victoire des terroristes serait que nous renoncions à nos libertés !
Un travail important a été accompli, successivement, par le Gouvernement, l’Assemblée nationale et la commission des lois du Sénat. Nous sommes d’accord avec nombre des amendements que M. le rapporteur Philippe Bas et M. le rapporteur pour avis Jean-Pierre Raffarin ont présentés.
Madame la garde des sceaux, je me réjouis profondément que notre commission ait adopté un amendement présenté par le groupe socialiste, et par d’autres en même temps, à l’effet d’exclure le ministère de la justice du champ des services de renseignement, à quelque titre que ce soit. Ce principe est très important, car, comme vous l’avez fort bien expliqué, c’est l’identité du ministère et ses missions qui sont en cause. Il ne sera pas dit que Mme la garde des sceaux aura été mise en minorité sur ce point par la commission des lois du Sénat, comme elle l’a malheureusement été dans l’autre assemblée.
Il n’y a que deux ou trois amendements de M. le rapporteur avec lesquels nous sommes en désaccord. En particulier, monsieur Bas, nous regrettons que la commission des lois ait, sur votre initiative, inséré à l’article 1er un alinéa 21 aux termes duquel l’administration pénitentiaire pourrait demander aux services de renseignement de mettre en œuvre une technique de renseignement.
Soyons très clairs : si j’estime normal que les personnels du ministère de la justice, particulièrement ceux de l’administration pénitentiaire, puissent signaler des faits aux services de renseignement, nous considérons qu’il n’est pas de leur rôle de solliciter ou de mettre en œuvre une technique particulière. Je crains en effet que le maintien de cette disposition ne ruine les effets de la suppression de la référence au ministère de la justice à l’alinéa précédent.
Le renseignement pénitentiaire, le rapport de la commission d’enquête sur l’organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe en affirme clairement la nécessité. Seulement, cette activité ne doit aucunement porter atteinte à la spécificité des personnels pénitentiaires, garantie par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, que le Sénat a adoptée. Ce qui, bien entendu, n’interdit nullement des coopérations et des échanges d’informations en vue du bien commun. Nous reviendrons sur ces questions.
Pour le reste, nombre d’amendements touchent aux données personnelles ; ils sont précieux pour le respect de la vie privée et visent à préciser que la finalité du projet de loi est la lutte contre le terrorisme, à l’exclusion de toute autre finalité.