Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi d’emblée de saluer le travail de nos services de renseignement, intérieurs comme extérieurs, qui veillent au quotidien à la sécurité des Français et à la défense de nos intérêts vitaux. Les attentats de janvier dernier, la montée plus générale de la menace terroriste, le départ de centaines, peut-être bientôt de milliers, de Français pour combattre dans les rangs de Daech réaffirment la nécessité pour la France d’être dotée de services de renseignement efficaces avec des moyens à la hauteur de leurs objectifs.
Je considère que le projet de loi relatif au renseignement va dans la bonne direction, dans la mesure où il vise à moderniser les moyens de ces services et à placer leurs missions dans un cadre légal. S’il suscite des débats aussi animés dans l’opinion publique et au Parlement, c’est pour la simple et légitime raison qu’il touche à des enjeux très sensibles : notre liberté et notre sécurité.
Si la liberté est en tête de notre devise républicaine, la sûreté est, comme la liberté, consacrée au rang de droit naturel et imprescriptible de l’homme par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Trouver le bon équilibre permettant de consacrer ces deux droits n’est pas chose facile. C’est pourtant l’objectif que doit, in fine, atteindre ce texte.
En plaçant les activités des services de renseignement dans un cadre légal, le projet de loi renforce leur légitimité et leur efficacité, garantes de notre sécurité. En effet, le spectre légal des techniques pouvant être mises en œuvre par les services a été élargi, leurs missions plus clairement définies et la protection des agents renforcée.
Alors même que la France est l’une des dernières démocraties occidentales à ne pas disposer d’un tel cadre légal et que les menaces auxquelles notre nation est confrontée sont de plus en plus diverses et transnationales, un tel renforcement me paraît nécessaire. Outre le terrorisme, nous devons faire face aux dangers posés par les États faillis, la prolifération nucléaire, le crime organisé, les cyberattaques, pour ne citer que quelques exemples.
Un tel dispositif est d’autant plus nécessaire que la France est aujourd’hui, rappelons-le, le pays européen réellement engagé sur des théâtres d’opérations extérieures. Cet engagement fait de nous un acteur important et crédible sur la scène internationale, mais aussi une cible privilégiée, voire une cible de premier rang par rapport à d’autres pays.
Vient alors la question de notre liberté. Il est essentiel que les citoyens français aient confiance en nos services de renseignement ; il est essentiel qu’ils sentent leurs droits, leurs libertés et leur vie privée protégés autant que faire se peut. Cette liberté est essentielle à notre démocratie, consacrée par l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme. Il est du rôle du Parlement de veiller à ce que ces droits soient respectés. Pour ce faire, nous devons nous assurer que les activités des services de renseignement respectent deux principes essentiels : la nécessité et la proportionnalité.
Si la rédaction initiale du projet de loi n’était pas satisfaisante sur ce point, les débats parlementaires, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, sont allés et vont dans le bon sens. Aussi je salue à mon tour le travail du rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et du rapporteur de la commission des lois.
Le recours aux différentes techniques de renseignement est désormais mieux encadré, répondant ainsi aux craintes de nombreux citoyens, par exemple s’agissant de l’utilisation d’algorithmes ou du recueil des données de connexion par les IMSI catchers. Je ne crois pas, à ce titre, que le texte instaure la « surveillance de masse » souvent annoncée. S’il est vrai que davantage de données seront recueillies par les services, leur exploitation est limitée et encadrée. Le débat parlementaire permettra en outre d’apporter des clarifications. Soyons nets : nos services n’ont de toute façon ni les moyens d’établir un scénario à la Orwell ni intérêt à le faire.
Les travaux parlementaires ont également permis de renforcer les modalités de contrôle du recours à ces techniques par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement et par le Conseil d’État. L’indépendance, la légitimité et l’efficacité de ce contrôle ont en effet été renforcées. Sur ce point, la proposition de loi organique de nos collègues Jean-Pierre Raffarin et Philippe Bas relative à la nomination du président de la CNCTR permettra de renforcer, à juste titre, le pouvoir législatif.
Ainsi, sur le sujet essentiel et sensible que représente l’activité de nos services de renseignement, je considère que le projet de loi, sous le bénéfice des amendements qu’auront adoptés nos deux assemblées et des compléments et améliorations qu’elles y auront apportés, est acceptable. Le débat qui l’accompagne est nécessaire. Néanmoins, il doit s’agir non pas de choisir entre notre liberté et notre sécurité, mais bien d’établir un juste équilibre entre ces deux droits, tous deux essentiels à notre démocratie.