La plupart des acteurs de la communauté éducative entendus par notre commission ont exprimé de fortes inquiétudes quant à cette réforme : certains en demandent même l'abrogation.
Je ne conteste pas la nécessité d'améliorer la situation, puisque 20 à 30 % des entrants en sixième ne maîtrisent pas les fondamentaux et que certains élèves sortant de troisième ont des difficultés à résoudre des exercices de mathématiques de niveau CM2.
Parmi les 150 000 élèves qui sortent du système sans diplôme, la moitié a éprouvé des difficultés dès le premier cycle, conséquence du déterminisme social. À sept ans, l'avenir des élèves est déjà largement déterminé. Il est nécessaire de prendre le problème à la racine, dès l'école élémentaire, pour faire en sorte que tous les élèves sachent lire, écrire et compter à leur entrée en sixième. Nous pensons que vous devez aller plus loin. Quel est votre point de vue sur ce sujet ?
La méthode et la philosophie de la réforme suscitent elles aussi des interrogations. L'école mérite mieux que des prises de position politiciennes, dans un jeu où droite et gauche se renverraient le « référentiel bondissant » ! Pourquoi supprimer les classes bilangues et les sections européennes ? Leur utilité a été rappelée par un récent rapport de l'inspection générale soulignant que leur présence « participe indéniablement à une meilleure attractivité du collège, facteur de mixité sociale pour les établissements classés en éducation prioritaire ».
La deuxième langue vivante en cinquième est une mesure louable, mais son enseignement, trop superficiel, risque de fragiliser les élèves en difficulté, comme les enseignants des collèges qui l'ont expérimentée l'ont relevé.
Le latin et le grec sont injustement taxés d'élitisme ; votre réforme n'offre pas la possibilité de les étudier sérieusement, elle propose un enseignement au rabais dans le cadre des EPI. L'arrêté crée, en plus, un enseignement de complément sans dotation horaire dédiée. Certes, un programme est en projet, mais qu'en sera-t-il sans volume dédié ? Ce sont pourtant des fondements de notre culture.
Je m'interroge sur la pertinence des EPI, qui sont créés au détriment de l'enseignement disciplinaire. Rappelons-nous les expériences, peu concluantes, des travaux personnels encadrés (TPE) et des itinéraires de découverte (IDD).
L'orientation, maintenant. La réforme met fin à l'option de découverte professionnelle en troisième au profit du parcours individuel d'information et de découverte du monde économique et professionnel (PIIODMEP), mais sans horaires spécifiques. Le temps de cet enseignement sera nécessairement pris sur le temps disciplinaire. L'avenir de la classe de troisième prépa-pro est tout aussi incertain, en l'absence de précisions sur le volume horaire qui lui sera attribué. Le Président de la République veut favoriser les filières professionnelles et l'apprentissage ; pourquoi ne pas individualiser davantage les parcours ? Enfin, le devenir des sections d'enseignement général et professionnel adapté (SEGPA) au collège reste flou. Quelles orientations prévoyez-vous ?
Sans revenir sur le caractère facultatif de l'enseignement de certaines périodes historiques, je déplore le charabia ridicule utilisé dans certains programmes ; ainsi des éléments explicatifs au programme de français de cycle 4 : « L'élève questionne et expérimente à travers l'écriture, l'oral et la lecture le sens du cheminement qui mène l'être aussi bien au-delà de lui-même vers l'inconnu qu'en lui-même à la recherche de l'énigme qu'il est » ! Va-t-on enfin appeler un chat un chat ? Ce langage prêterait à sourire, s'il n'était pas insultant pour les jeunes et les parents dont le vocabulaire est limité.
J'avais proposé qu'avant les arbitrages budgétaires le Parlement puisse débattre au-delà des deux heures attribuées pour discuter votre budget, autant que pour celui des Monnaies et médailles !