Or à quoi nous invite Alexis de Tocqueville ? À rechercher des solutions d’équilibre ! C’est précisément ce qui a inspiré la commission, laquelle a retenu une position en définitive assez radicale puisqu’elle a décidé de rejeter tous ces amendements !
Je voudrais m’en excuser auprès de leurs auteurs, à qui je dois des explications.
La voie d’équilibre consiste à permettre à nos services de renseignement d’assumer l’intégralité de leurs missions, tout en rendant possibles, en contrepartie, des contrôles suffisamment étendus pour garantir à nos concitoyens qu’il n’y aura pas d’excès de pouvoir dans la mise en œuvre des techniques de renseignement et que, s’il y en avait, le Conseil d’État, conformément au rôle que lui attribue la Constitution, monsieur le rapporteur pour avis, pourrait censurer ces abus.
C’est pourquoi, au chapitre de la reconnaissance de l’intégralité des missions qui sont actuellement celles de nos services de renseignement, comme, d’ailleurs, celles des services de renseignement des États se trouvant en compétition avec la France, nous souhaitons que soient maintenus les alinéas 10 et 11 de l’article 1er dans leur version issue des travaux de la commission.
Ces alinéas, je le rappelle, précisent simplement que les services de renseignement ont, parmi les finalités que la loi leur assigne, les intérêts essentiels de la politique étrangère et les intérêts économiques et scientifiques essentiels de la France. La commission ne souhaite pas que nos services de renseignement se voient interdire de contribuer à ces missions qui, il faut bien le reconnaître, sont tout à fait majeures.
Certains des amendements présentés, en visant à élargir encore la liberté d’action de ces services, vont en réalité à rebours de cette préoccupation.
Dans notre recherche de la bonne mesure, nous avons effectivement considéré que, si nous ne qualifions pas les intérêts de la politique étrangère ou les intérêts économiques et scientifiques, la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement comme le Premier ministre ne disposeront pas de suffisamment de critères légaux pour permettre au contrôle de légalité de prendre toute son importance.
Par conséquent, j’assume totalement l’idée selon laquelle, en qualifiant d’« essentiels » - ou de « majeurs », comme d’autres le souhaitent - les intérêts que les services de renseignement peuvent défendre et promouvoir, nous assurons un meilleur contrôle des décisions et évitons que le pouvoir du Gouvernement en matière de renseignement soit, en quelque sorte, discrétionnaire.
Il nous reste à choisir entre « essentiels » et « majeurs »… Comme toujours quand il s’agit d’adjectifs, il y a matière à de très longs débats ! En retenant la notion d’« intérêts essentiels », nous avons eu le sentiment d’opter pour une approche plus restreinte que celle de l’Assemblée nationale, qui avait opté pour le terme « majeurs », alors que le Gouvernement, conformément à l’avis du Conseil d’État, proposait l’adjectif « essentiels ». Pour être certains que nous nous inscrivions bien dans cette ligne d’équilibre propre à assurer un contrôle de légalité effectif, nous avons rétabli le terme « essentiels ».
Très respectueusement – je dirai même à regret -, la commission n’a pas souhaité suivre les recommandations de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, qui propose d’élargir le pouvoir discrétionnaire du Premier ministre pour la délivrance des autorisations de recours aux techniques de renseignement.