Intervention de Philippe Bas

Réunion du 3 juin 2015 à 21h45
Renseignement et nomination du président de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement — Article 2, amendements 157 158

Photo de Philippe BasPhilippe Bas, rapporteur :

Il ne faudrait pas qu’on abuse le Parlement avec des informations fausses sur ce qui se passe aux États-Unis. On salue au contraire l’action du Parlement français en soulignant que les Américains vont enfin dans la direction que les Français sont en train d’emprunter. Il n’y a donc pas de contradiction entre l’amorce d’un changement, d'ailleurs tout à fait insuffisant, aux États-Unis, et ce que nous faisons.

Si le Parlement vote le projet de loi, nous aurons un cadre légal pour l’utilisation des techniques de renseignement incomparablement plus protecteur des libertés publiques que le Patriot Act américain, dont je vous rappelle, mes chers collègues, qu’il permet des perquisitions sans contrôle judiciaire, des saisies d’objet sans aucune limitation et, qui plus est, par une sorte de retour aux lettres de cachet, auxquelles nous avons mis fin grâce à la Révolution française, l’internement des personnes considérées comme des combattants ennemis des États-Unis. Je regrette de devoir dire que, si nous débattons à partir du fantasme de la reproduction du Patriot Act, c’est que nous ne connaissons pas le Patriot Act.

J’ajoute que, même si des esprits malfaisants voulaient reproduire le Patriot Act en France, un tel dispositif ne pourrait jamais entrer en vigueur dans notre pays. C’est la supériorité de la version française de l’État de droit sur sa version américaine. Le Patriot Act a été adopté en 2001. Nous sommes en 2015. Pendant toutes ces années, il a développé aux États-Unis ses effets délétères, car le système américain ne permet pas d’empêcher l’entrée en vigueur d’une loi inconstitutionnelle. Il faut attendre que des procès aient permis à des juges des États fédérés, puis au juge fédéral, de se prononcer sur des aspects ponctuels de la loi. C’est seulement après que la Cour suprême ou des tribunaux fédéraux se sont prononcés que le Congrès est amené à légiférer de nouveau.

Ce système, permettez-moi de vous le dire, n’est pas digne d’être imité par la République française. Sur aucune des travées de cette assemblée, nous n’aspirons à ce genre d’imitation. Nous avons l’exigence de créer un modèle d’utilisation des techniques de renseignement qui soit fidèle à notre tradition républicaine. Je crois que c’est ce que nous sommes en train de faire. C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, la commission a émis un avis défavorable sur tous les amendements, à l’exception de celui du Gouvernement, qui va dans le sens d’un encadrement plus grand de la technique des algorithmes.

La commission a estimé par ailleurs – je n’entrerai pas dans le détail – que le dispositif de l’amendement n° 157 rectifié est inapplicable et que l’institution d’un contrôle des algorithmes par la Commission nationale de l’informatique et des libertés – c’est l’objet de l’amendement n° 158 rectifié – conférerait à cette institution des compétences qu’elle ne serait pas en état d’exercer. Nous préférons le contrôle de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement et du Conseil d’État plutôt que celui de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Donner compétence à plusieurs institutions différentes pour faire la même chose ou presque, c’est la certitude du désordre et d’un mauvais contrôle.

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