Je salue cet amendement du Gouvernement que vient de présenter le ministre de l’intérieur en ce qu’il prévoit dans des cas tout à fait exceptionnels la saisine immédiate et obligatoire du Conseil d’État lorsque l’introduction dans un lieu privé – c’est une décision lourde de conséquences – a fait l’objet d’un avis défavorable de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.
Néanmoins, la commission des lois est en désaccord avec la solution proposée par le Gouvernement. En effet, elle enfermerait le Premier ministre dans une forme de schizophrénie. D’un côté, le Premier ministre délivre une autorisation pour mettre en œuvre une technique très intrusive et, de l’autre, il saisit le Conseil d’État pour annuler le recours à cette même technique.
L’analogie avec la saisine par le Président de la République du Conseil constitutionnel à propos d’un texte – celui-ci a été présenté en conseil des ministres – après son examen parlementaire a ses limites. En effet, en l’occurrence, nul besoin de saisir le Conseil constitutionnel de moyens d’annulation d’un texte, le Conseil devant examiner l’ensemble de la constitutionnalité de ce dernier. Il n’est prévu ni par la Constitution, ni par la loi organique, ni par aucun autre texte que la saisine du Conseil constitutionnel équivaut à une demande impérative d’annulation du texte dont il est saisi. À l’inverse, aux termes du code de justice administrative, une saisine du Conseil d’État correspond à une demande d’annulation ou à une demande de réparation d’un préjudice causé par un acte de l’administration.
Comment le Premier ministre peut-il demander l’annulation d’une autorisation qu’il a délivrée après avis défavorable de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement ?
Cependant, je souscris à l’excellente intention du Gouvernent : offrir à tous nos concitoyens la garantie de la saisine du Conseil d’État en cas de recours à une technique de renseignement très intrusive décidé malgré un avis défavorable de la commission susvisée.
Par le biais du sous-amendement n° 196, la commission propose que ce soit le président de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, et non le Premier ministre, qui saisisse le Conseil d’État dans les mêmes délais. Cette solution me semble bien plus pertinente, dans la mesure où le président de cette commission a des raisons d’argumenter dans le sens de l’annulation, contrairement au Premier ministre.
Par ailleurs, je rectifie ce sous-amendement afin de prévoir que, en cas d’indisponibilité absolue du président de la Commission, pour respecter le délai imposé, la saisine puisse être faite par l’un des membres de cette commission qui a le pouvoir de donner un avis.