Intervention de Jean-Pierre Raffarin

Réunion du 4 juin 2015 à 15h00
Renseignement et nomination du président de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement — Article 1er, amendement 177

Photo de Jean-Pierre RaffarinJean-Pierre Raffarin, président  :

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a déposé cet amendement pour exprimer sa profonde inquiétude devant l’émergence d’un certain nombre de personnalités disposant de délégations leur permettant d’agir au nom du Premier ministre et d’autoriser à sa place l’utilisation de techniques spéciales de renseignement. Notre préoccupation était d’autant plus grande que six personnalités étaient clairement désignées à ce titre, alors que la délégation n’était pas définie. On pouvait donc craindre que cette petite équipe ne devienne un jour une sorte d’officine spécialisée dans le renseignement au sein du cabinet du Premier ministre.

C’est pourquoi nous avons proposé de ramener de six à trois le nombre de délégataires du Premier ministre pouvant décider à sa place de recourir aux techniques de renseignement, après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, la CNCTR.

L’existence de délégataires auprès des ministres également accentuait encore notre préoccupation. La création dans la République d’une sorte de statut de délégataire en matière de renseignement, avec des délégations peu précises, pourrait être source de dérives.

Pour ma part, je ne crains pas que de telles dérives se produisent avec un texte de cette nature. Il pourra y avoir des problèmes ponctuels, mais j’ai confiance dans l’appareil d’État, d’autant que les procédures sont bien encadrées par le dispositif du projet de loi.

En revanche, les techniques de renseignement étant en général assez bon marché, on peut craindre la multiplication d’officines privées dirigées par les membres d’une nomenklatura qui se seront formés deux ans au cabinet du Premier ministre et auront acquis une expertise du renseignement. C’est la raison pour laquelle nous tenons beaucoup à ce que le nombre de délégués du Premier ministre soit ramené à trois.

Dans ce contexte, trois bonnes nouvelles nous sont parvenues.

Premièrement, la commission des lois, qui a prêté une grande attention à notre proposition, a supprimé le chiffre de six délégués qui figurait dans le texte adopté par l’Assemblée nationale, afin de laisser au Premier ministre le soin de fixer l’effectif. Le texte de la commission des lois précise la délégation en ces termes : « Le Premier ministre ne peut déléguer cette attribution individuellement qu’à des collaborateurs directs habilités au secret de la défense nationale. » Nous tenons beaucoup à cette précision, car le directeur de cabinet du Premier ministre, le directeur-adjoint ou le conseiller pour les affaires intérieures exercent des fonctions au sein de l’appareil d’État et ne sont donc pas irresponsables : ils ne sont pas simplement des délégataires. Je remercie la commission des lois de cette évolution positive du texte.

Deuxième motif de satisfaction, aux termes de l’amendement n° 177 rectifié du Gouvernement, que le Sénat a adopté tout à l’heure, « chaque ministre ne peut déléguer cette attribution individuellement qu’à des collaborateurs directs habilités au secret de la défense nationale ». Le Gouvernement a donc repris pour les ministres le dispositif introduit par la commission pour le Premier ministre. Il marque ainsi sa volonté d’affirmer le lien entre la délégation et la fonction officielle du collaborateur.

Troisième bonne nouvelle, le Premier ministre a lui-même confirmé que la délégation ne concernerait que des collaborateurs directs.

Des garanties réelles sont donc apportées et les responsabilités sont bien encadrées : on peut s’attendre à ce que les titulaires de cette délégation agissent dans le respect des règles de la République. Dans ces conditions, j’ai le bonheur de retirer cet amendement !

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