Séance en hémicycle du 4 juin 2015 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

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La séance, suspendue à treize heures dix, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, mes chers collègues, je rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3 et Public Sénat.

Je rappelle également que l'auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse. J’invite chacun à respecter son temps de parole et, ainsi, à s’entraîner à la maîtrise du temps !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour le groupe Union des Démocrates et Indépendants – UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Monsieur le président, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, mes chers collègues, l’Arabie saoudite recrute !

Aux termes d’une offre d’emploi diffusée dans les grands médias internationaux, l’Arabie saoudite recrute huit bourreaux pour procéder à des décapitations et à des amputations de mains, conformément à la charia.

La situation dramatique du blogueur Raïf Badawi est dans toutes les mémoires. Je sais que le Président de la République, lorsqu’il s’est rendu à Riyad, a évoqué le cas.

Notre pays est très lié à l’Arabie saoudite par des relations économiques qui croissent de manière exponentielle. Cela ne doit pas faire oublier la situation des droits de l’homme dans ce pays ni la nécessité d’y combattre les comportements indignes et, pour tout dire, moyenâgeux.

Il se trouve que, pour présider le groupe d’amitié avec les pays du Golfe du Sénat, je connais bien cette région. J’y insiste, nos relations économiques ne sauraient occulter les problèmes qui se posent dans ces pays sur le plan des droits de l’homme, notamment en Arabie Saoudite.

Monsieur le secrétaire d'État, quelles mesures comptez-vous prendre face à cette situation ? Notre pays est celui des Rafale, mais c’est aussi celui des droits de l’homme !

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur les travées du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger.

Debut de section - Permalien
Matthias Fekl

Madame la sénatrice, vous interrogez le Gouvernement sur un sujet gravissime, dont je ne suis pas sûr, d'ailleurs, qu’il invite à l’humour…

Debut de section - Permalien
Matthias Fekl, secrétaire d'État

Vous évoquez des condamnations à mort et les peines atroces auxquelles un blogueur a récemment été condamné – une longue peine de prison assortie de mille coups de fouet.

La France, fidèle à sa tradition, a dénoncé ces situations et, ainsi que vous l’avez rappelé, le Président de la République, lorsqu’il a été invité, de manière inédite, au Conseil de coopération du Golfe, s’est exprimé de façon on ne peut plus claire sur ce sujet, en rappelant le combat permanent de la France pour l’abolition de la peine de mort.

Ce combat, c’est celui qu’ont mené Victor Hugo, François Mitterrand et Robert Badinter, qui, tous, ont siégé dans cette assemblée. C’est aussi celui qu’a mené l’ancien Président de la République Jacques Chirac, qui s’est engagé pour l’inscription de l’abolition de la peine de mort dans la Constitution.

Ce message est porté à tous les niveaux de l’État par notre diplomatie, et l’excellence de nos relations économiques avec l’Arabie saoudite de même que le dialogue très confiant que nous avons avec ce pays ne l’excluent en rien.

Concernant le blogueur Raïf Badawi, encore une fois, madame la sénatrice, la peine qui lui a été infligée est atroce. Les autorités françaises appellent l’Arabie saoudite à faire preuve de clémence à son égard, notamment à l’approche du pardon du Ramadan, et, au-delà de son cas particulier, à ne plus appliquer ce genre de peines.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Lamure

Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Monsieur le ministre, une fois encore, le malaise est grand après l’annonce, lundi soir, des chiffres du chômage.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Lamure

Chacun de nous souffre de cette mauvaise nouvelle, qui masque quelque peu les timides perspectives de croissance.

Allons-nous, une fois encore, entendre les mêmes arguments dilatoires pour cacher l’échec du Président de la République, qui, dès 2013, a lui-même conditionné la réussite de son action à sa capacité à inverser la courbe du chômage ? Allons-nous, une fois encore, voir la situation qui prévalait avant 2012 invoquée comme seule justification ?

Les chiffres du mois d’avril, parmi les plus mauvais depuis le début du quinquennat, confirment la tendance. Rien ne semble arrêter la machine infernale. Pis, toutes les classes d’âge sont touchées !

Et, alors que notre taux de chômage dépasse allègrement 10 %, les Allemands et les Britanniques connaissent des courbes descendantes, avec un chômage passé en dessous de 6 %. De plus, nos voisins créent en majorité des emplois dans des secteurs à forte valeur ajoutée, quand nous, en France, créons des emplois aidés…

Vous annoncez ainsi 100 000 emplois aidés supplémentaires cette année. Or il faut plus de 3 milliards d’euros par an pour financer 450 000 contrats aidés ! Mais, monsieur le ministre, c’est dans le secteur marchand que les emplois créeront de la richesse.

D’ailleurs, que nous disent les représentants des entreprises ? Depuis six mois, la délégation aux entreprises du Sénat a rencontré, chez eux, plus d’une centaine d’entrepreneurs. Tous nous tiennent le même langage : il faut moins de contraintes, moins de normes, moins de charges. Tous nous disent qu’ils voudraient embaucher, mais qu’il faut, pour cela, lever les freins à l’embauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Lamure

Or le Gouvernement balance entre donner des gages à la gauche de sa majorité et accepter les règles de la compétitivité d’un monde ouvert. Mais les Français ne vous croient plus, et ils ne vous suivent plus ! Dès lors, comment comptez-vous sortir de ce dilemme, monsieur le ministre ?

Comme le président de notre groupe, Bruno Retailleau, vous y a déjà invité, ne laissez pas passer la formidable occasion de prendre de vraies mesures en faveur de la croissance que constitue le travail réalisé par la majorité sénatoriale sur le projet de loi de votre collègue, M. Macron.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Madame la sénatrice, parmi les chiffres que vous avez cités, vous avez indiqué que le taux de chômage, dans notre pays, était largement supérieur à 10 %.

Il semble que vous n’ayez pas écouté les actualités ce matin ! En effet, l’INSEE vient d’annoncer que le taux de chômage avait reculé en France au premier trimestre.

Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Ils préféreraient peut-être se réjouir de la hausse du chômage ?

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

M. François Rebsamen, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs du groupe Les Républicains, vous avez tort de vous moquer de ces chiffres : ce sont ceux de l’INSEE, et ils sont les seuls à être reconnus et à servir à ce titre dans les comparaisons internationales !

Protestations sur les mêmes travées.

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

Vous ne pouvez nier la réalité.

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

Et moi qui pensais que vous alliez, comme moi, vous réjouir de cette annonce… Je regrette que ce ne soit pas le cas.

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

Que faire pour améliorer la situation ? Il faut continuer à encourager la reprise d’activité économique et à former nos chômeurs, pour qu’ils puissent, demain, répondre aux offres d’emploi qui leur seront présentées.

C’est pourquoi nous avons mis en place un dispositif d’emplois aidés, ce que la droite a d’ailleurs elle-même largement fait quand elle était au pouvoir. Étonnamment, l’histoire des contrats aidés montre qu’un pic a été atteint alors qu’Alain Juppé, personnalité que vous affectionnez, était Premier ministre : il y avait alors 850 000 contrats aidés.

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

Votre majorité, quand elle était au pouvoir, avait même programmé 385 000 emplois aidés pour le premier semestre de l’année 2012.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Combien y avait-il de chômeurs, à l’époque ?

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

D'ailleurs, deux tiers d’entre eux avaient effectivement été créés au mois de mai de la même année.

Au contraire, nous mettons en place des politiques de soutien à l’activité, au travers, notamment, de deux projets de loi actuellement en cours de discussion, l’un défendu par mon collègue Emmanuel Macron, qui porte sur la croissance et l’activité, et l’autre, que je présenterai bientôt au Sénat et qui concerne le dialogue social.

Tout cela vise à lever les freins et à redonner confiance aux entreprises, car ce sont elles qui créent l’emploi !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Alain Bertrand applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Alain Bertrand, pour le groupe du Rassemblement démocratique et social européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bertrand

Monsieur le Premier ministre, vous le savez, un sentiment d’abandon au moins partiel envahit nos campagnes. L’angoisse grandit.

Nos concitoyens se demandent si l’on ne va pas voir advenir une deuxième France, déclassée, une espèce de sous-République où la devise « liberté, égalité, fraternité » serait moins vivante qu’ailleurs, ce phénomène affectant toutes les ruralités.

Pour autant, nous ne faisons pas la manche.

Vos priorités – l’emploi, la relance, le redressement des comptes, l’école, la sécurité, la lutte contre le terrorisme – favoriseront une République française plus juste et plus efficace. Nous les partageons. Mais les ruraux veulent savoir quel avenir vous leur proposez.

Comment imaginez-vous cet avenir ? Votre réponse à cette question conditionne leur maintien ou non dans les territoires ruraux, pour y créer ou non de la richesse et de l’emploi, y fonder une famille, y inscrire leur avenir.

Les questions que les ruraux se posent sont simples. Pourrons-nous toujours accéder à la santé, publique ou privée ? Pourrons-nous bénéficier de moyens de transports ? Pourrons-nous toujours nous déplacer ? Aurons-nous des secours aux personnes efficaces ? Pourrons-nous accéder à la téléphonie mobile et à internet ? Aurons-nous le droit au développement économique, au service public ? Rattraperons-nous nos retards en matière d’infrastructures ? Serons-nous aidés ou privés définitivement d’industries, d’enseignement supérieur, de culture, de sport ? Allons-nous arrêter de tout entasser dans les villes ?

Monsieur le Premier ministre, il vous appartient de délivrer aux ruraux français un message politique et stratégique convaincant. Vos cinquante mesures sur les ruralités, au rang desquelles la création de maisons de services au public et de maisons de santé, ne constituent pas une réponse assez organisée. Le message doit être plus fort, plus clair, décrire une vraie stratégie pour les vingt prochaines années, mettre en perspective une place durable pour les ruralités dans la République française.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Il n’y a pas que les messages ! Il faut aussi passer à l’action…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bertrand

Seule une loi d’avenir peut permettre au pays et aux ruraux de savoir où ils vont et quel sera leur futur.

Alors que vous êtes à mi-mandat, il est l’heure pour vous de compléter la réponse, partielle, que vous avez déjà adressée à plusieurs dizaines de millions de ruraux. Prenez les dispositions que vous jugerez utiles pour que ce travail soit engagé et mené à bien – avec bon sens, j’en suis sûr !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bertrand

C’est indispensable, profondément républicain et juste. Et c’est le moment, alors que la France redémarre !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bertrand

M. Alain Bertrand. Monsieur le Premier ministre, pas de sous-citoyens, pas de sous-République dans notre pays ! Parlez aux ruraux : ils vous font confiance. Faites-leur confiance en retour ! Ils vous attendent. C’est le moment !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.

Debut de section - Permalien
Sylvia Pinel

Monsieur Bertrand, vous venez de rappeler les inquiétudes et les préoccupations des territoires ruraux. Ces mêmes préoccupations ont été très largement relayées lors des Assises des ruralités que nous avons organisées à l’automne dernier et auxquelles vous avez été étroitement associé.

Ces rencontres ont alimenté, ont nourri la réflexion du Gouvernement. À l’issue du comité interministériel aux ruralités du 13 mars dernier, le Premier ministre a ainsi pu présenter un plan d’action et un certain nombre de propositions concrètes en termes d’aménagement équilibré du territoire en faveur et à destination des espaces ruraux.

Au-delà des mesures, le Gouvernement a bel et bien défini une nouvelle approche. Le Premier ministre l’a rappelé, il s’agit de porter un nouveau regard, de tenir compte de la diversité et des spécificités de ces territoires, qui constituent de réels atouts, de réelles opportunités pour le développement économique de notre pays, sans pour autant méconnaître leurs difficultés.

L’ambition que nous portons pour ces territoires s’articule autour de trois objectifs, dont le premier, vous l’avez rappelé, consiste à garantir l’accès aux services publics et aux services au public.

Pour y parvenir, nous allons accélérer le déploiement des maisons de service public pour en porter le nombre à 1 000 d’ici à 2016, grâce à un partenariat avec La Poste et au financement de différents opérateurs.

Nous allons également faire porter notre effort sur la santé, à travers l’installation et le déploiement des maisons pluridisciplinaires de santé et la mise en place d’un dispositif d’aides incitatives pour l’installation des professionnels de santé dans les territoires.

Dans votre rapport sur l’hyper-ruralité, monsieur Bertrand, vous aviez souligné combien l’ingénierie et l’appui technique aux collectivités étaient nécessaires pour développer des projets structurants en matière d’aménagement du territoire. Nous avons repris cette idée à travers le dispositif AIDER, pour Accompagnement interministériel au développement et à l'expertise en espace rural.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement a pris beaucoup de mesures au titre de l’ambition qu’il a pour ces territoires.

Debut de section - Permalien
Sylvia Pinel, ministre

Les ruralités constituent une préoccupation forte du Gouvernement. Nous avons, à ce titre, augmenté de 200 millions d’euros la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, pour leurs projets.

Debut de section - Permalien
Sylvia Pinel, ministre

Mme Sylvia Pinel, ministre. L’ambition du Gouvernement est d’accompagner et d’aider les collectivités, ainsi que l’ensemble des acteurs. Nous serons présents à vos côtés, dans vos territoires, pour porter cette ambition. Oui, monsieur le sénateur, les ruralités font partie de la République !

Applaudissementssur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour le groupe écologiste.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture.

Le prix de l’alimentation fait aujourd’hui l’objet d’un intense débat, qu’il s’agisse des difficultés des agriculteurs et éleveurs, de la nécessite d’offrir aux consommateurs une alimentation de qualité à des prix abordables pour tous ou encore des marges des distributeurs.

Je me concentrerai sur les coûts inhérents à la transition agricole que nous avons initiée fortement, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, avec la loi pour l’agro-écologie que vous avez portée, monsieur le ministre.

L’agriculture biologique – ou organic, comme l’appellent nos voisins anglo-saxons – est l’un des modèles constitutifs de l’agro-écologie. On entend encore souvent dire que l’agriculture biologie est trop chère, qu’elle offre de moins bons rendements que l’agriculture conventionnelle. S’il y a une part de vérité, c’est évidemment critiquable. Or plusieurs études montrent aujourd’hui que le différentiel en termes de rendement peut même être inférieur à 10 %. Une méta-étude publiée aujourd’hui par l’université de Washington va dans ce sens.

En revanche, on oublie la plupart du temps de tenir compte des externalités négatives associées à l’agriculture conventionnelles et de leur coût : pollution des eaux, ingestion de produits phytosanitaires par les consommateurs, maladies professionnelles des agriculteurs, perte de biodiversité, dégradation des sols…

En parallèle, il faut également tenir compte des aménités positives engendrées par l’agriculture biologique et de leur valeur : restauration de la qualité des sols – notamment en matières organiques–, filtration des eaux, amélioration de la qualité nutritionnelle, préservation de la biodiversité des écosystèmes, intensification de l’emploi – surtout en cette période –, revitalisation rurale chère à Alain Bertrand, maintien des paysages…

Nous avons besoin que l’État se penche sérieusement sur le calcul économique associé à ces externalités, positives ou négatives, et chiffre enfin, …

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue.

Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

… réellement, le coût et les bénéfices de la transition que nous attendons tous.

Monsieur le ministre, nous attendons du Gouvernement – pourquoi pas aujourd’hui ? – qu’il s’engage à faire mener cette étude économique exhaustive.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

M. Joël Labbé. Quand nous aurons des décisions à prendre, nous pourrons ainsi le faire en nous appuyant sur des chiffres !

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

Debut de section - Permalien
Stéphane Le Foll

Vous avez, dans votre question longue…

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Et complète !

Debut de section - Permalien
Stéphane Le Foll, ministre

… et complète, ajoute le Premier ministre, présenté un certain nombre de remarques et d’analyses.

Vous avez évoqué en particulier les enjeux liés aux filières animales. Je l’ai dit devant une commission au Sénat ce matin, les filières animales – qu’il s’agisse de la viande bovine ou de la viande porcine – connaissent des difficultés de prix extrêmement importantes. Il faudra prendre des décisions pour réorganiser et soutenir ces filières, qui, je le répète, traversent une phase difficile.

Quant aux externalités, soyons honnêtes, l’agriculture a eu des conséquences environnementales, comme on a pu le constater à différentes occasions, qu’il s’agisse des algues vertes en Bretagne ou de la pollution de certaines nappes phréatiques. Les pesticides sont un sujet en eux-mêmes et il faudra bien, un jour ou l’autre, ouvrir le débat public.

Il faut tout faire pour que l’activité agricole garde sa dimension économique, productive, faute de quoi nous serons confrontés à des problèmes d’alimentation et d’accès à l’alimentation et, dans le même temps, développer des stratégies de performance environnementale. L’agriculture ne pourra être durable que si nous sommes capables de les intégrer.

Pour ce qui est du « bio », je peux d'ores et déjà vous annoncer que le Gouvernement va demander une étude sur les aménités positives de l’agriculture biologique, monsieur le sénateur.

Debut de section - Permalien
Stéphane Le Foll, ministre

Par ailleurs, le différentiel de rendement peut osciller, selon les productions, entre moins 10 %, - voire moins, comme pour le tournesol, par exemple, dont le rendement est équivalent – et moins 40% ou 60 % sur les céréales, notamment le blé.

Nous devons être capables de porter un projet d’agro-écologie qui intègre bien évidemment l’agriculture biologique, mais qui aille également au-delà. Il s’agit de l’agriculture et de son avenir, donc tout le monde est concerné.

Nous disposerons bientôt d’un rapport sur l’agriculture biologique et ses évolutions. Toutefois, il revient également à cette forme d’agriculture de s’intégrer dans des stratégies collectives plus importantes, je pense en particulier à la question de l’utilisation de la photosynthèse. L’agriculture biologique peut très bien être dépassée par des modèles agro-écologiques utilisant davantage la photosynthèse.

Debut de section - Permalien
Stéphane Le Foll, ministre

Il faut sortir de l’idée qu’il n’existe que deux solutions : le conventionnel ou le « bio ».

Debut de section - Permalien
Stéphane Le Foll, ministre

M. Stéphane Le Foll, ministre. Nous devons ouvrir une nouvelle voie, celle qui nous rassemblera tous, car la France a beaucoup d’atouts !

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste – M. Jean-Vincent Placé applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Michel Billout, pour le groupe communiste républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Monsieur le ministre, selon Pôle emploi, le chômage a connu une nouvelle progression au mois d’avril.

Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

S’il s’agit d’une mauvaise nouvelle pour François Hollande, qui déclarait, l’année dernière à Clermont-Ferrand, que « Si le chômage ne baisse pas d’ici à 2017, je n’ai, ou aucune raison d’être candidat, ou aucune chance d’être réélu », il s’agit surtout d’une très mauvaise nouvelle pour les personnes à la recherche d’un emploi, le chômage de longue durée ayant augmenté de 10, 2 % en un an.

Ainsi – et l’INSEE ne peut contester ce chiffre –, ce sont 2, 33 millions de personnes qui pointent à Pôle emploi depuis plus de douze mois. C’est insupportable !

La seule crise de la zone euro explique de moins en moins cette situation. Ce sont davantage les vieilles recettes utilisées soi-disant pour combattre le chômage qui en sont la cause. Où sont ainsi les effets promis du CICE, du pacte de responsabilité et des 41 milliards d’euros de réduction d’impôts et de cotisations sociales accordés aux entreprises en vue de les inciter à embaucher et investir ?

Ces cadeaux fiscaux, accordés principalement aux grandes entreprises sans réelles contreparties, n’ont d’autre résultat que l’augmentation des dividendes servis aux actionnaires.

M. Francis Delattre s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

De plus, pour financer en partie ces crédits d’impôt, vous contraignez les collectivités territoriales à réduire l’emploi public et associatif et à baisser fortement leurs investissements.

Ainsi, la baisse des dotations de l’État aux collectivités entraînera, selon plusieurs études – notamment celle qu’a conduite l’Association des maires de France –, une réduction d’au moins 25 % de leurs investissements d’ici à 2017, ce qui ne sera pas sans conséquences sur la reprise de la croissance, déjà faible.

Dans la même veine de la réduction de la dépense publique, l’opportun rapport sur les trains Intercités, lequel préconise l’abandon de nombreuses dessertes ferroviaires au bénéfice, sans doute, des autocars « Macron », provoquera, si ses préconisations sont suivies, de nouvelles pertes d’emplois à la SNCF.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Les importantes baisses de commandes qui s’ensuivront fragiliseront l’industrie ferroviaire en France, pourtant l’un des fleurons de notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

L’État assume bien mal ses responsabilités d’actionnaire. La situation d’AREVA en est un triste exemple : alors que ce groupe souffre depuis de nombreuses années d’une sous-capitalisation chronique, la vente à la découpe et la suppression de 4 000 postes en France sont présentées aujourd’hui comme les seules solutions à même de le sauver. C’est une aberration pour un secteur aussi stratégique, sans parler de notre sûreté nucléaire.

Alors, oui, l’État montre malheureusement l’exemple. Tout est bon pour sans cesse baisser le fameux coût du travail et permettre les licenciements de masse : facilitation du droit de licencier, casse des prud’hommes, abaissement des seuils sociaux

C’est cette mauvaise politique qui est la cause de l’augmentation massive du chômage !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

M. Michel Billout. Voilà déjà un an, les économistes du Fonds monétaire international affirmaient : « Les mesures d’austérité imposées aux pays en échange de l’aide accordée par le FMI nuisent à l’économie et à la croissance, en plus d’augmenter les inégalités socio-économiques ».

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

M. Michel Billout. Quand le Gouvernement va-t-il enfin conduire une politique de gauche en faveur de la croissance et de l’emploi ?

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC – Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur Billout, en écoutant le réquisitoire auquel vous vous livriez, je me disais que tout ce qui est excessif est insignifiant.

Oh ! sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

Toutefois, je ne voudrais pas limiter ma réponse à une remarque de ce genre.

À vous entendre, on a l’impression de vivre dans un pays qui connaît l’austérité. Or la politique menée par le Gouvernement est une politique de redressement de l’économie qui ne passe pas par l’austérité !

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

M. François Rebsamen, ministre. La preuve en est que le pouvoir d’achat des ménages a augmenté de plus de 1 % en 2014.

Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

Connaissez-vous beaucoup de pays pratiquant l’austérité qui voient le pouvoir d’achat des ménages augmenter ?

Par ailleurs, la reprise économique arrive §Les annonces faites ce matin par la Banque de France démontrent que la politique de redressement que nous menons porte ses fruits.

Vous avez raison, le décalage est incontestable entre ces annonces d’une reprise économique et le vécu sur le terrain en matière d’emploi. Nous cherchons à combler ce décalage par la formation indispensable et prioritaire des chômeurs.

Cette grande avancée que constitue le compte personnel de formation…

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

… va permettre à 160 000 demandeurs d’emploi d’accéder demain – nous l’espérons – à l’emploi en améliorant l’adéquation entre offres et demandes.

Ce dispositif va notamment profiter à ceux qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire aux chômeurs de longue durée. Le problème ne date pas d’aujourd’hui et concerne toutes les formations politiques. Beaucoup trop d’emplois ne sont pas pourvus dans notre pays. Pour améliorer l’adéquation entre l’offre et la demande, il faut renforcer la formation des demandeurs d’emploi.

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

M. François Rebsamen, ministre. J’ajouterai enfin que les offres d’emploi sont en progression. Dans les prochains mois, nous constaterons que l’année 2015 sera meilleure que l’année 2014.

Bravo ! et applaudissementssur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jean-Jacques Filleul, pour le groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Filleul

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez commandé un rapport sur les trains d’équilibre du territoire en novembre dernier afin de clarifier l’offre et de redresser le modèle économique de ce service ferroviaire, aujourd’hui maillon faible entre TGV et TER.

La commission constituée a décrit sans complaisance la situation actuelle des TET. Son rapport montre qu’il est urgent d’intervenir. Il était indispensable de tenir un discours de vérité pour permettre au Gouvernement d’agir.

En fait, l’appellation unique de « TET » cache une grande diversité de lignes : lignes du grand bassin parisien, radiales et transversales de longue distance, dessertes interrégionales ou lignes de nuit, sans évoquer la forte imbrication avec les dessertes TER.

La qualité de l’offre s’est profondément dégradée au cours des dernières décennies. Elle est de moins en moins adaptée aux considérables évolutions des mobilités.

Par ailleurs, la répartition des responsabilités, entre l’État, autorité organisatrice de transports pour les TET, et SNCF Mobilités, est confuse. La situation décrite montre que la suppression au fil de l’eau des TET est inéluctable si rien n’est engagé par les pouvoirs publics, d’autant que le matériel roulant, qui a plus de trente ans d’âge en moyenne, devient obsolète.

Ce rapport inscrit dans ses propositions une vision structurante de la mobilité, qui devient un marqueur de modernité permettant à la plus grande majorité des lignes TET, au même titre que les TGV et les TER, d’être renforcées, d’avoir du matériel roulant performant et attractif, l’objectif étant de ne laisser aucun territoire sans solution.

Toutes ces propositions passent par un renforcement indispensable de l’autorité organisatrice, c'est-à-dire par la création d’une agence spécialisée « TET » au sein du ministère des transports.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Filleul

Ce rapport contient, au-delà du constat dressé, de nombreuses propositions décisives pour l’avenir.

Monsieur le secrétaire d’État, comme vous, nous voulons mettre l’usager au cœur de l’évolution de l’offre des trains d’équilibre du territoire.

Nous souhaitons que ce rapport soit pris en compte par le Gouvernement et porté par le plus grand nombre. Comment envisagez-vous de l’intégrer dans la politique des transports des voyageurs ? Quels éclairages pouvez-vous apporter aujourd’hui à la Haute Assemblée ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, le Gouvernement a effectivement chargé une commission, présidée par Philippe Duron, de réfléchir à l’avenir des trains d’équilibre du territoire. Le Sénat était représenté au sein de cette commission par vous-même, monsieur le sénateur, Annick Billon et Jean-Vincent Placé.

Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies

Des experts ont travaillé aux côtés des parlementaires pour ce rapport, qui a été publié la semaine dernière. Je veux souligner sa qualité. Il est sans concession, mais la complaisance n’entrait pas dans les méthodes de cette commission. Non seulement les auteurs dressent un constat, mais ils mènent aussi un travail de comparaison avec les solutions adoptées par d’autres pays et formulent un certain nombre de propositions.

Les constats, personne ne peut s’en exonérer.

Le premier d’entre eux, c’est le déficit du fonctionnement des TET. Alors que l’État est aujourd'hui autorité organisatrice pour les TET, le déficit pour l’année 2015 atteindra environ 400 millions d’euros. Si nous ne faisons rien, il sera de 500 millions d’euros dans deux ans. C’est la première difficulté que nous devons affronter.

Vient ensuite le constat, à mettre en exergue, comme vous l’avez fait, de la vétusté du matériel, de plus de trente-cinq ans d’âge, et du caractère absolument hétérogène des trains labellisés TET. On y trouve à la fois des grandes lignes correspondant à la définition initiale, des petits bouts de lignes, des lignes ne fonctionnant que le samedi à la place du TER, ou des trains de nuit. Tout cela mérite évidemment d’être précisé.

Les auteurs du rapport formulent ensuite des propositions. Le Gouvernement les étudiera et j’annoncerai au mois de juin une feuille de route. Il y a naturellement une imbrication forte entre la question des TER et celle des TET. La perspective de réorganisation des régions suppose qu’un travail de concertation soit mené, y compris avec les futurs exécutifs des grandes régions. Bien évidemment, il faut aussi réfléchir à la question du matériel.

Les propositions et le calendrier qui seront annoncés par le Gouvernement s’organiseront autour de trois principes : la réduction du déficit, le respect du droit à la mobilité pour chacun et le respect de l’avenir des territoires.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. André Trillard, pour le groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de André Trillard

M. André Trillard. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Elle concerne Notre-Dame-des-Landes.

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de André Trillard

Nous avons, en Loire-Atlantique, des « zadistes » aux airs de beatniks, violents quand il le faut, déterminés quand ils savent qu’ils font peur à la gauche et peur au pouvoir.

Rappelons-nous les événements violents survenus voilà deux ans, sur les 1 600 hectares de la ZAD, la zone d’aménagement différé, de Notre-Dame-des-Landes, déjà achetés, pour le projet du futur aéroport.

Les conséquences sont encore bien visibles.

La route départementale n° 281 est fermée depuis deux ans, cas unique en Europe depuis l’ex-Yougoslavie !

Debut de section - PermalienPhoto de André Trillard

Sera-t-elle rouverte un jour ?

Une présence humaine est bien là, puisque 100 à 200 personnes sont installées dans des abris de fortune. Quelques fermes sont occupées et une cohabitation s’est installée avec des agriculteurs réfractaires au projet et au progrès.

Une économie dite « nouvelle » s’y développe, tout cela sous les yeux des habitants des communes proches, scandalisés par cette zone de non-droit.

On a l’impression que ce laisser-aller va fixer une population pour longtemps. Les élus parlent d’un « laxisme avéré des services de l’État » !

Pendant ce temps, des sommes fabuleuses, somme toute vraiment d’intérêt général, sont dépensées à proximité de l’aéroport actuel, Nantes Atlantique, comme si le transfert était acquis !

Qu’on en juge.

Déplacement du marché d’intérêt national de Nantes, le second de France après Rungis, pour un coût de plus de 70 millions d’euros.

Projet de construction, sur le même site, d’un nouveau CHU, lequel, dans l’axe des pistes de l’actuel aéroport situé à trois kilomètres, ne pourra peut-être pas ouvrir dans des conditions normales, compte tenu des nuisances vraisemblables. Évaluation ? Un petit milliard d’euros.

Les chiffres du développement du transport aérien sont pourtant sans appel et légitiment totalement cette infrastructure nationale nouvelle, à échelle internationale. J’en rappellerai deux : doublement prévisible du trafic dans les quinze ans et construction de 31 000 avions d’ici à 2030 par les deux plus grands constructeurs aéronautiques mondiaux !

Debut de section - PermalienPhoto de André Trillard

M. André Trillard. Je vous poserai deux questions, monsieur le secrétaire d’État. Allez-vous rendre possible la circulation sur les routes autour de Notre-Dame-des-Landes ? Comptez-vous un jour sortir du dilemme politique dans lequel vous enferment vos alliés Verts, pour qu’enfin les travaux commencent, sachant que vous n’avez plus guère les moyens de revenir en arrière ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

M. Jean-Pierre Raffarin. Il faut faire venir Ségolène !

Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, le projet a fait l’objet d’une large concertation publique et la commission du dialogue, mise en place en 2012, a confirmé le bien-fondé de la réalisation de ce futur aéroport

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies

Deux études ont ainsi été réalisées. La première porte sur les nuisances sonores, dans l’hypothèse d’un maintien de l’aéroport actuel. Elle conclut que le nombre d’habitants soumis au bruit passerait à près de 80 000. La seconde s’est intéressée à un réaménagement de l’aéroport actuel. Le coût des travaux, pour permettre un développement dans le respect des règles de sécurité, serait proche de celui du futur aéroport, sans réduction des nuisances.

Ces études sont soumises à un débat contradictoire. Toutes les hypothèses, données et méthodologies ont été expliquées et rendues publiques. Le Gouvernement s’est attaché à respecter scrupuleusement les réglementations applicables à ce projet.

Plus de cinquante recours déposés par les opposants ont déjà été rejetés par la justice.

Par ailleurs, des mesures de compensation environnementale ont été précisées et complétées, et des prescriptions au maître d’ouvrage exigeantes et ambitieuses ont été inscrites dans les arrêtés « loi sur l’eau » et « espèces protégées ».

Pour garantir l’efficacité de ces prescriptions, l’État s’est imposé une obligation de résultat. Le projet de l’aéroport est conduit dans le respect du droit, dans un souci de transparence et de dialogue. Le Gouvernement n’a pas l’intention de commencer les travaux avant le jugement des recours juridiques actuellement déposés, qui sont tous en voie de finalisation.

Concernant les comportements sur la zone, tous les actes délictueux commis par les opposants radicaux à l’aéroport font l’objet de procédures judiciaires dès lors qu’ils sont portés à la connaissance des forces de l’ordre.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. –Très bien ! sur les travées du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Dominique Gillot, pour le groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Madame la ministre, votre intense activité pour le collège pourrait faire oublier à certains que vous êtes, aussi, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Or vous n’avez ménagé ni votre attention ni vos efforts pour porter l’ambition politique du Gouvernement en faveur de la vie étudiante, la recherche et la valorisation de la culture scientifique, le développement universitaire et l’innovation, l’impact du numérique sur la pédagogie et les formations.

Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

Ainsi, les derniers décrets d’application de la loi ESR sont publiés. Nous débattrons des rapports relatifs à sa mise en œuvre à une échéance de deux ans.

Pour la première fois cette année, les dotations ont été signifiées aux établissements sur l’analyse de leur compte administratif 2014, ce qui garantit un meilleur ajustement à leurs besoins financiers et à leurs capacités de réalisation.

Une étude de l’IGAENR, l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, a permis d’autoriser certains établissements à utiliser une part de leur fonds de roulement en fonctionnement, introduisant ainsi le souci d’une meilleure consommation de l’argent public, qui n’a pas vocation à être thésaurisé sans fin.

Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

Au retour du congrès de l’UNEF et des états généraux de la pédagogie menés par les associations étudiantes, vous avez lancé la concertation en vue de l’élaboration du plan national de vie étudiante.

La réforme des bourses en 2013 et 2014, le lancement d’un plan de 40 000 nouveaux logements étudiants, la caution locative étudiante, votre soutien à mon amendement §visant à renforcer la réussite des étudiants salariés, toutes ces actions s’inscrivent bien dans la volonté du Président de la République de faire de la jeunesse une priorité de son gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

La semaine dernière, rejoignant à Strasbourg la conférence des présidents d’universités, qui tenaient colloque sur le thème « Université 3.0 : nouveaux enjeux, nouvelles échelles à l’ère numérique », vous avez loué notre université, qui s’ouvre toujours plus et mieux pour enrichir ses méthodes et sa mixité et pour partager ses trésors de connaissance et de culture.

Vous avez réaffirmé l’objectif de 25 % d’une classe d’âge au niveau master et de 50 % au niveau licence. Pour ce faire, le numérique est un facteur d’accélération et de valorisation des savoirs.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

Madame la ministre, si beaucoup a été fait pour démocratiser l’enseignement supérieur et répondre aux défis de demain, comment soutenir les innovations et maîtriser les nouvelles sciences issues des technologies ?

Pour la rentrée prochaine, comment donner à chacun l’envie de se dépasser et de coopérer, pour une France de la réussite et de l’égalité au service de l’excellence ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem

Madame la sénatrice, je vous remercie de m’avoir posé cette question, qui me permet de revenir sur l’ambition du Gouvernement pour l’enseignement supérieur et la recherche.

Cette ambition est d’abord celle de la réussite. Vous avez raison, il faut le dire haut et fort, nous avons l’ambition d’atteindre, d’ici à dix ans, l’objectif de 50 % d’une classe d’âge diplômée d’une licence de l’enseignement supérieur.

J’en profite d’ailleurs pour saluer dans les tribunes les élèves du lycée Durzy de Villemandeur, à qui je souhaite de réussir aux épreuves du bac §pour rejoindre très vite l’enseignement supérieur.

Pour réaliser cet objectif, il nous faut notamment lever les freins financiers, puisque les conditions de vie peuvent, parfois, bloquer les jeunes qui souhaitent poursuivre leurs études. C’est la raison pour laquelle nous avons veillé, depuis 2012, à consacrer beaucoup d’argent, 450 000 millions d’euros, aux bourses étudiantes, ce qui a permis en particulier à 130 000 étudiants, qui, auparavant, ne bénéficiaient de rien, de recevoir au minimum 1 000 euros par an. C’est un progrès considérable, sans parler de la revalorisation de l’ensemble des bourses étudiantes.

Vous avez également évoqué les logements étudiants et l’objectif de création de 40 000 nouveaux logements étudiants d’ici à 2017. Ce sont déjà 12 000 logements qui ont été réalisés, et nous allons continuer.

Mais il faut aller plus loin. C’est la raison pour laquelle j’ai lancé cette concertation sur la vie étudiante, avec les associations d’étudiants, les établissements et les collectivités. Elle doit aboutir d’ici à l’été, pour que les premières mesures soient adoptées à la rentrée, qu’il s’agisse de dispositions de simplification des démarches administratives liées aux demandes de bourse, de logement ou au véritable parcours du combattant qui est celui des étudiants étrangers.

Je citerai également l’amélioration des conditions de vie de ceux des étudiants qui travaillent, en développant en particulier sur les campus de l’emploi de bonne qualité. Je pense à l’emploi dans les bibliothèques universitaires, qui permettra aussi des heures d’ouverture plus tardives. Nous prendrons également des mesures à cet égard à la rentrée. Il s’agira enfin pour le Gouvernement d’inciter les étudiants à s’engager et de valoriser cet engagement, notamment grâce à l’année de césure qui sera désormais permise.

Vous avez également évoqué, madame la sénatrice, le numérique, pour aller vite. C’est vrai, il faut aussi moderniser la pédagogie au sein de l’université, avec des méthodes plus interactives. Les universités françaises, avec le développement récent des MOOC, ou Massiv Open Online Courses, ont su démontrer leur rayonnement et faire la preuve de leur capacité à influencer, notamment dans l’espace francophone.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Je conclurai en disant que demain, à Paris, je recevrai trente ministres de l’enseignement supérieur et de la recherche de l’espace francophone

Exclamations sur les travées du groupe Les

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Républicains.), pour développer toujours plus cette e-éducation.

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Delphine Bataille, pour le groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Bataille

Mme Delphine Bataille. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Il est mis à contribution ; il faut en embaucher un autre !

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Bataille

Monsieur le ministre, cette semaine, les organisations syndicales et patronales ont été entendues par le Premier ministre…

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Bataille

… afin d’évoquer leurs propositions et les pistes de travail pour favoriser l’emploi dans les très petites entreprises, les TPE, et les petites et moyennes entreprises, les PME.

Ces consultations pour encourager l’activité et l’embauche constituent une priorité pour lutter contre le chômage ; elles concernent tous les territoires de la République.

Beaucoup a déjà été fait et de nouveaux leviers d’action sont à l’étude : relations entre les sous-traitants et les donneurs d’ordre, délais de paiement, concurrence déloyale des travailleurs détachés, renouvellement des contrats de travail à durée déterminée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

M. Jean-Pierre Raffarin. Quelle question impertinente !

Sourires sur certaines travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Bataille

Lors de ces rencontres bilatérales, le contrat de travail unique, régulièrement relancé par certains économistes et par le patronat, a fait, lui aussi, l’objet de discussions.

Outre le fait qu’une telle réforme serait difficile à mettre en œuvre – M. Sarkozy, qui l’avait annoncée dans son programme en 2007, y a finalement renoncé

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Bataille

… son utilité n’est, à ce jour, nullement démontrée.

Le contrat unique, tel que voulu par le MEDEF, …

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Bataille

… dans son obsession de flexibilité, constitue, en réalité, une régression sociale et, surtout, un non-sens économique.

Comme le démontre une étude européenne, et contrairement aux allégations de nos collègues de droite, les salariés français en contrat à durée indéterminée sont déjà nettement moins protégés qu’en Allemagne, pays modèle pour certains.

Un tel contrat ne ferait, au fond, qu’accroître l’insécurité et la précarité en matière d’emploi, générant notamment des difficultés d’accès au crédit immobilier ou au logement locatif. Il aurait en somme un effet négatif sur la consommation des ménages et sur notre croissance économique.

Le Gouvernement présentera, le 9 juin prochain, les mesures arrêtées après les consultations des partenaires sociaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Bataille

Mme Delphine Bataille. Pouvez-vous nous confirmer, monsieur le ministre, que le contrat de travail à durée indéterminée ne sera pas remis en cause au profit d’un contrat unique plus précaire ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question.

Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

Avec le Premier ministre et le ministre de l’économie, nous avons reçu cette semaine l’ensemble des partenaires sociaux. Cette délégation était composée de représentants d’organisations patronales et syndicales.

Depuis l’élection de François Hollande, le dialogue social a été érigé en méthode de gouvernement.

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

M. François Rebsamen, ministre. Cela implique deux exigences : l’écoute et le respect des partenaires sociaux. Tel n’a pas toujours été le cas dans le passé.

Mêmes mouvements.

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

Nous avons la conviction que c’est en avançant avec eux que les réformes peuvent donner des résultats…

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

… et s’inscrire durablement dans le paysage français.

Encourager l’activité et l’embauche dans les PME et les TPE constitue, vous l’avez rappelé, une priorité pour lutter contre le chômage. C’est là en effet que se créent majoritairement les emplois.

Beaucoup a déjà été fait.

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

Je pense à l’allégement du coût du travail, aux mesures de simplification, qui étaient attendues, ou bien encore au soutien à l’activité et à l’apprentissage. Mais il faut aller plus loin et rechercher de nouveaux leviers pour agir concrètement en faveur de l’emploi.

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

Le Gouvernement annoncera les mesures arrêtées le 9 juin prochain après la tenue d’un conseil des ministres restreint autour du Premier ministre et du Président de la République. L’heure est toujours à la concertation.

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

Nous achevons d’ailleurs, autour du Premier ministre, cette étape en ce moment même.

Pour vous répondre précisément, madame la sénatrice, je peux d’ores et déjà vous assurer qu’il ne sera pas question de remettre en cause le CDI ni le contrat de travail au sens large.

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

Oui, cette diversité constitue une chance, pour les employeurs comme pour les salariés.

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

M. François Rebsamen, ministre. Réformer par le dialogue social est un choix qu’a fait le Gouvernement ; ce n’est pas un choix à géométrie variable. Par conséquent, toucher au contrat de travail ne pourrait être envisagé qu’avec l’accord des organisations syndicales et avec leur soutien.

Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

M. François Rebsamen, ministre. Tel n’est pas le cas. Je voulais donc vous assurer que le dialogue social constitue bien l’un des axes de la politique du Gouvernement.

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Caroline Cayeux, pour le groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Caroline Cayeux

Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.

Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi de m’exprimer en tant qu’élue des territoires – nous le sommes tous ici, mes chers collègues, et je pense particulièrement à François Commeinhes, sénateur de l’Hérault –, mais aussi en tant que présidente de l’association Villes de France, sur les trains d’équilibre du territoire, les trains Intercités, sujet capital pour nos collectivités comme pour nos administrés.

Le ferroviaire régional et interrégional joue effectivement un rôle majeur dans la mobilité des personnes sur le territoire national, dans le déplacement des actifs mais aussi des étudiants, souvent pour leur formation, d’ailleurs.

Au vu de l’étude effectuée dans le cadre de la commission Duron, la pérennité de ces trains d’équilibre du territoire semble condamnée. Ce rapport préconise en effet la fermeture de lignes et l’allégement d’un certain nombre de dessertes – la liaison Bordeaux-Nice, par exemple –, alors que la démographie des territoires traversés est souvent positive. Cette offre devrait être profondément revue, essentiellement par la substitution d’autocars, le transfert aux régions ou la cessation de ces lignes.

Les élus des territoires, que nous représentons, estiment qu’il ne peut pas y avoir de démembrement sans débat préalable devant la représentation nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Caroline Cayeux

En outre, en raison de l’abandon programmé par l’État du principe de conventionnement de ce service public, nous demandons une ouverture rapide de l’offre d’exploitation à la concurrence de toutes les lignes concernées, dans des conditions de transparence renforcées.

Nous condamnons également le « tout-TGV », logique privilégiant un polycentrisme parisien et allant à l’encontre d’un aménagement équilibré du territoire.

Quant au remplacement de ces trains par des services d’autocars, à l’heure où la France se prépare à accueillir la Conférence sur le climat du mois de décembre, il nous semble aller à l’encontre des principes essentiels du développement durable.

Monsieur le secrétaire d’État, l’État s’apprête-t-il, oui ou non, à renoncer demain à un outil efficace pour maintenir un maillage cohérent de nos territoires ?

Pouvez-vous nous dire si vous confirmez ces annonces et si, au cas où les intentions du Gouvernement en la matière étaient avérées, vous accepteriez, par respect pour les élus et la population qui vit sur ces territoires, d’y surseoir ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies

Madame la sénatrice, la situation dont rend compte le rapport remis au Gouvernement est le résultat d’une convention passée en 2010. Un constat s’impose : à cette date, la question du déficit financier n’a pas été examinée. Le matériel qui a aujourd’hui trente-trois ans avait déjà presque trente ans à l’époque, et personne ne s’en était soucié.

Vous voudrez donc bien, sans que j’y insiste trop, partager le fardeau avec moi, car aujourd’hui, malheureusement, il y a urgence.

Jamais, contrairement à ce que vous avez prétendu, le Gouvernement n’a annoncé qu’il allait procéder à un déconventionnement. Ce n’est pas juste de le dire. Le Gouvernement, autorité organisatrice, entend, dans un nouveau cadre, parvenir à la signature d’une nouvelle convention.

Le constat, quand on le regarde dans le détail, fait apparaître des réalités très hétérogènes. Toutes les lignes ne sont pas déficitaires. Certaines le sont d’une manière acceptable, et connaissent, par exemple, un déficit de 5 euros par voyageur et par jour. Ce n’est pas réjouissant, mais la mission de service public doit être remplie.

D’autres lignes, en revanche, annoncent un déficit de 275 euros par voyageur et par jour. Ceux qui nous rappellent si souvent à l’exigence de la maîtrise de la dépense publique, ces élus si responsables, pourraient peut-être prendre en considération cet aspect du problème !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, secrétaire d’État

Un tel déficit –275 euros par voyageur et par jour - pose question, et nous essayons d’y répondre.

Ce rapport n’engage pas le Gouvernement. Le Parlement en a été immédiatement saisi, puisque les commissions compétentes ont organisé un débat, à ma demande, sur la base de ce document. Je ferai connaître bientôt la feuille de route, dont vous avez eu raison de rappeler les principes : tenter de maîtriser le déficit, respecter les territoires et assurer le droit à la mobilité.

J’espère que, sur ces principes, vous serez tous au rendez-vous !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement, et je constate, pour m’en réjouir, que la maîtrise du temps imparti à chacun s’améliore !

Nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants. Nous les reprendrons à seize heures quinze, pour la suite de la discussion du projet de loi relatif au renseignement. Je précise qu’il reste sur ce texte 96 amendements à examiner.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de Mme Jacqueline Gourault.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen de la proposition de loi relative au deuxième dividende numérique et à la poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre, déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale le 28 mai 2015.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Par lettre en date du 2 juin 2015, M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir lui faire connaître le nom d’un sénateur appelé à siéger en remplacement de M. Bernard Cazeau au sein du Conseil d’orientation de l’agence de la biomédecine, en application des articles L. 1418-4 et R. 1418-19 du code de la santé publique.

La commission des affaires sociales a été saisie de cette désignation.

La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au renseignement et de la proposition de loi organique relative à la nomination du président de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Dans la discussion des articles du texte de la commission sur le projet de loi relatif au renseignement, nous en sommes parvenus, au sein de l’article 1er, à l’amendement n° 36.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L'amendement n° 36, présenté par M. Raffarin, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :

Alinéa 40, deuxième phrase

Remplacer le mot :

des

par le mot :

trois

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a déposé cet amendement pour exprimer sa profonde inquiétude devant l’émergence d’un certain nombre de personnalités disposant de délégations leur permettant d’agir au nom du Premier ministre et d’autoriser à sa place l’utilisation de techniques spéciales de renseignement. Notre préoccupation était d’autant plus grande que six personnalités étaient clairement désignées à ce titre, alors que la délégation n’était pas définie. On pouvait donc craindre que cette petite équipe ne devienne un jour une sorte d’officine spécialisée dans le renseignement au sein du cabinet du Premier ministre.

C’est pourquoi nous avons proposé de ramener de six à trois le nombre de délégataires du Premier ministre pouvant décider à sa place de recourir aux techniques de renseignement, après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, la CNCTR.

L’existence de délégataires auprès des ministres également accentuait encore notre préoccupation. La création dans la République d’une sorte de statut de délégataire en matière de renseignement, avec des délégations peu précises, pourrait être source de dérives.

Pour ma part, je ne crains pas que de telles dérives se produisent avec un texte de cette nature. Il pourra y avoir des problèmes ponctuels, mais j’ai confiance dans l’appareil d’État, d’autant que les procédures sont bien encadrées par le dispositif du projet de loi.

En revanche, les techniques de renseignement étant en général assez bon marché, on peut craindre la multiplication d’officines privées dirigées par les membres d’une nomenklatura qui se seront formés deux ans au cabinet du Premier ministre et auront acquis une expertise du renseignement. C’est la raison pour laquelle nous tenons beaucoup à ce que le nombre de délégués du Premier ministre soit ramené à trois.

Dans ce contexte, trois bonnes nouvelles nous sont parvenues.

Premièrement, la commission des lois, qui a prêté une grande attention à notre proposition, a supprimé le chiffre de six délégués qui figurait dans le texte adopté par l’Assemblée nationale, afin de laisser au Premier ministre le soin de fixer l’effectif. Le texte de la commission des lois précise la délégation en ces termes : « Le Premier ministre ne peut déléguer cette attribution individuellement qu’à des collaborateurs directs habilités au secret de la défense nationale. » Nous tenons beaucoup à cette précision, car le directeur de cabinet du Premier ministre, le directeur-adjoint ou le conseiller pour les affaires intérieures exercent des fonctions au sein de l’appareil d’État et ne sont donc pas irresponsables : ils ne sont pas simplement des délégataires. Je remercie la commission des lois de cette évolution positive du texte.

Deuxième motif de satisfaction, aux termes de l’amendement n° 177 rectifié du Gouvernement, que le Sénat a adopté tout à l’heure, « chaque ministre ne peut déléguer cette attribution individuellement qu’à des collaborateurs directs habilités au secret de la défense nationale ». Le Gouvernement a donc repris pour les ministres le dispositif introduit par la commission pour le Premier ministre. Il marque ainsi sa volonté d’affirmer le lien entre la délégation et la fonction officielle du collaborateur.

Troisième bonne nouvelle, le Premier ministre a lui-même confirmé que la délégation ne concernerait que des collaborateurs directs.

Des garanties réelles sont donc apportées et les responsabilités sont bien encadrées : on peut s’attendre à ce que les titulaires de cette délégation agissent dans le respect des règles de la République. Dans ces conditions, j’ai le bonheur de retirer cet amendement !

Applaudissements au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L'amendement n° 36 est retiré.

L'amendement n° 32, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Alinéa 40, après la deuxième phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

« Ces derniers adressent au président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d’intérêts, établies dans les conditions prévues aux quatre premiers alinéas du I et aux II et III de l'article 4 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, conformément à l’article 11 de ladite loi.

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Je propose que les collaborateurs directs du Premier ministre délégataires de l’attribution visée à l’alinéa 40 soient assujettis à l’obligation de déclaration de patrimoine et de déclaration d’intérêts prévue par la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique. Les propos de notre collègue Jean-Pierre Raffarin me donnent à penser que cet amendement est peut-être satisfait, mais je souhaiterais en avoir la confirmation.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur. L’inspiration de votre amendement est géniale, ma chère collègue !

Exclamations amusées.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

M. Philippe Bas, rapporteur. … dont la rédaction vous donne satisfaction

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Je retire mon amendement, madame la présidente !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Mme Esther Benbassa et M. Alain Gournac. C’est l’apothéose !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L'amendement n° 32 est retiré.

Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 93, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 45

Après la référence :

L. 811-3,

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

le délai prévu à la première phrase du premier alinéa de l'article L. 821–3 est ramené à une heure.

II. - Alinéa 46

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Cet amendement vise à imposer un avis préalable de la CNCTR, même en cas d'urgence absolue. Dans cette hypothèse, la CNCTR aurait une heure pour rendre sa décision. L'avis préalable de la CNCTR constitue une garantie essentielle, qui ne doit pas être supprimée.

Actuellement, en cas d'urgence absolue, la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, la CNCIS, peut rendre son avis en quarante-cinq minutes. Prévoir un délai d'une heure semble dès lors suffisant pour qu’une décision puisse être prise rapidement, en prenant en compte le caractère exceptionnel de la situation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L'amendement n° 50, présenté par Mmes Cukierman, Demessine et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 45

Après la référence :

l’article L. 811-3

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

l’un des membres de la commission de contrôle des techniques de renseignement mentionnés aux 2° et 3° de l’article L. 831-1, ou des magistrats spécialement délégués par lui mentionnés à l’article L. 832-5, statue par tout moyen dans un délai maximal de deux heures. Si l’urgence n’est pas constatée, la demande est traitée conformément aux articles L. 821-1 à L. 821-4.

La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bosino

Nous avons beaucoup débattu, hier, du renforcement des pouvoirs de la CNCTR. Cette commission doit être à même de remplir sa mission, y compris dans l’urgence. Cela suppose qu’elle en ait les moyens.

Dans la justice judiciaire, le procureur de la République est de permanence la nuit et en fin de semaine et prend des décisions sur sollicitation téléphonique des policiers. Dans le même esprit, la CNCTR doit être en mesure de remplir sa mission dans l’extrême urgence pouvant s’attacher à certaines situations particulières et dans le nécessaire respect de la loi.

D’ailleurs, actuellement, la CNCIS peut intervenir dans l’urgence et rendre un avis dans les deux heures, jour et nuit. Un tel dispositif est donc viable, à condition que les moyens humains accordés permettent d’assurer des permanences utiles et qu’une volonté politique d’assurer un contrôle plus efficace exclue toute possibilité de dérogation à l’avis de l’autorité de contrôle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L'amendement n° 135 rectifié, présenté par MM. Sueur, Delebarre, Boutant, Reiner et Gorce, Mmes S. Robert et Jourda, MM. Bigot, Raynal, Duran, Desplan et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 46

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

L’article L. 821-6 est alors applicable.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

La commission des lois a apporté des modifications à la rédaction du texte concernant les dispositions relatives à l’urgence absolue et à l’urgence opérationnelle. Je salue son souci de clarification, mais j’observe qu’elle n’a plus renvoyé explicitement à l’article L. 821-6 du code de la sécurité intérieure, ce qui entraîne l’attribution d’un certain nombre de pouvoirs à la CNCTR.

Le présent amendement, comme l'amendement n° 136 rectifié, visent à ajouter une garantie procédurale supplémentaire en précisant que la procédure d’urgence, que celle-ci soit absolue ou opérationnelle, selon le distinguo présenté par le Gouvernement et retenu par la commission des lois du Sénat, ne fait pas obstacle à ce que la CNCTR puisse se prononcer a posteriori, y compris sur le bien-fondé du recours à ladite procédure, et recommander l’interruption de la mesure, voire saisir, dans le cadre de la mise en œuvre du contrôle juridictionnel, le Conseil d’État.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

La commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 93. Prévoir un délai d’une heure lui semble déraisonnable et ne pas constituer la meilleure façon de faire face à l’urgence. Le dispositif adopté par la commission permet, quand l’urgence a motivé la mise en œuvre d’une technique de renseignement, d’opérer immédiatement un contrôle et d’interrompre celle-ci le cas échéant. Cette garantie me paraît supérieure à l’exigence de rendre une décision dans l’heure. Je signale que, selon le dispositif général que nous avons retenu, lorsque la CNCTR ne respectera pas le délai, l’avis sera réputé rendu. Il ne sert à rien de fixer un délai s’il est impossible à tenir dans la plupart des cas.

L’amendement n° 50 a reçu lui aussi un avis défavorable, pour les mêmes motifs.

Quant à l’amendement n° 135 rectifié, monsieur Sueur, aux termes de la rédaction proposée pour l’article L. 821-6 du code de la sécurité intérieure, la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement adresse des recommandations et saisit le Conseil d’État dans les conditions prévues aux articles L. 833-3-2 et L. 833-3-4. Dès lors, il n’est nul besoin d’ajouter, à l’alinéa 46, une référence à cet article L. 821-6, qui s’appliquera du fait même des dispositions que je viens de citer, comme il s’appliquera d’ailleurs à la mise en œuvre d’autres techniques de renseignement dans d’autres circonstances.

D’ailleurs, si l’on devait à chaque fois préciser que l’article L. 821-6 s’applique, nous aboutirions à une rédaction un peu risquée, puisque cela signifierait que cet article ne s’applique pas dans tous les cas, mais seulement lorsqu’il y est fait explicitement référence.

Puisque le droit vous donne complète satisfaction, je vous invite à retirer cet amendement, monsieur Sueur, faute de quoi la commission se verra contrainte d’émettre un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Le Gouvernement est défavorable à ces trois amendements, pour les raisons qui viennent d’être évoquées par le rapporteur.

Il est des circonstances dans lesquelles il est nécessaire de pouvoir agir vite, sans préjudice de la possibilité, pour la CNCTR, d’exercer ses prérogatives de contrôle. Le fait que l’on ne soit pas contraint, dans des contextes d’urgence ou de risque particuliers, d’attendre l’avis de la CNCTR pour agir ne signifie pas que les prérogatives de celle-ci soient piétinées : elles pourront être exercées dans les délais les plus brefs. C’est bien ce que nous prévoyons puisque, en cas d’urgence absolue, la CNCTR se verra transmettre, au plus tard dans les vingt-quatre heures, l’ensemble des éléments lui permettant d’exercer son contrôle. Elle pourra le faire sans attendre.

L’adoption de ces amendements priverait l’État de la possibilité d’intervenir dans un tel contexte d’urgence et rendrait inopérants les services dans des circonstances particulières.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Madame la présidente, eu égard aux explications fournies par M. le rapporteur puis par M. le ministre, je retire l’amendement n° 135 rectifié et, par voie de conséquence, je retire aussi l’amendement n° 136 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Les amendements n° 135 rectifié et 136 rectifié sont retirés.

L'amendement n° 186, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 47, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

y compris lorsqu’ils sont utilisés au titre du I de l’article L. 852-1

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

Il s’agit d’un amendement rédactionnel, madame la présidente.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L'amendement n° 136 rectifié, présenté par MM. Sueur, Delebarre, Boutant, Reiner et Gorce, Mmes S. Robert et Jourda, MM. Bigot, Raynal, Duran, Desplan et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 48

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

L’article L. 821-6 est alors applicable.

Cet amendement a été précédemment retiré par son auteur.

Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 137 rectifié bis, présenté par MM. Sueur, Delebarre, Boutant, Reiner et Gorce, Mmes S. Robert et Jourda, MM. Bigot, Raynal, Duran, Desplan et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 49

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 821-5-2. - Les techniques du recueil du renseignement mentionnées au titre V du présent livre ne peuvent être mises en œuvre à l’encontre d’un parlementaire d’un magistrat, d’un avocat ou d’un journaliste ou concerner leurs véhicules, bureaux ou domiciles que sur autorisation motivée du Premier ministre prise après avis de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement réunie en formation plénière.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

S'agissant des professions de magistrat, d’avocat et de journaliste et de la fonction de parlementaire, l’Assemblée nationale a inscrit dans le texte deux alinéas particulièrement et justement protecteurs.

Il se trouve que la commission des lois du Sénat a supprimé le premier de ces alinéas ; nous proposons de le rétablir en prévoyant explicitement que les techniques de renseignement ne peuvent être mises en œuvre à l’encontre de membres de ces professions protégées ou de parlementaires que sur autorisation motivée du Premier ministre, après avis de la CNCTR réunie en formation plénière. Ce dispositif nous paraît plus protecteur.

Il a été dit, en commission des lois, que ces dispositions figuraient déjà dans le texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Nous avons maintenu cet amendement, de manière que M. le rapporteur puisse nous préciser à quels endroits exacts du projet de loi elles sont inscrites. Si la nécessité d’une autorisation motivée du Premier ministre après avis de la CNCTR réunie en formation plénière figure bien dans le texte, nous pourrons retirer l’amendement. Nous pensons qu’il faut que les choses soient dites clairement, car nos débats sont suivis avec attention par les journalistes, les avocats et les magistrats.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L'amendement n° 94, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 49, première phrase

Après le mot :

parlementaire

insérer les mots :

, un médecin

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Le présent amendement tend à ajouter les médecins à la liste des professionnels à l’encontre desquels les techniques de renseignement ne peuvent être mises en œuvre que sur autorisation motivée du Premier ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L'amendement n° 13 rectifié ter n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements n° 137 rectifié bis et 94 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je voudrais apporter des réponses aux questions que M. Sueur a fort justement soulevées.

Tout d’abord, lorsqu’une demande de mise en œuvre d’une technique de renseignement concerne un parlementaire, un magistrat, un avocat ou un journaliste, le texte prévoit bien que la CNCTR devra se prononcer en formation plénière, par exception à la règle de droit commun qui veut que le président ou l’un de ses délégués peut prendre la décision seul. En l’espèce, l’avis sera obligatoirement rendu par la formation plénière.

Ensuite, les procédures d’urgence opérationnelle et d’urgence absolue sont-elles applicables aux membres de ces professions qualifiées de protégées ? La réponse est non. Il est dit expressément, dans le texte de la commission, que les articles L. 821-5 et L. 821-5-1 ne s’appliquent pas quand la mesure de surveillance concerne des personnes exerçant une profession protégée.

Enfin, dans ce cas, je confirme que l’autorisation du Premier ministre devra être motivée. En effet, au regard du recours devant le Conseil d’État, le fait que la décision contienne ses motifs facilite le contrôle de la juridiction administrative. Je vous renvoie à l’alinéa 40, qui prévoit expressément que l’autorisation délivrée par le Premier ministre comporte les motivations et mentions prévues à l’article L. 821-2 du code de la sécurité intérieure. J’ajoute que l’alinéa 49 ne fait pas exception à cette règle qui impose dans tous les cas une motivation dont les termes mêmes seront fixés par la loi, pour donner plus de garanties.

J’espère que ces réponses vous auront rassuré, mon cher collègue, et que vous accepterez de retirer l’amendement n° 137 rectifié bis. En réalité, nos efforts sont convergents et visent au même résultat.

L’amendement n° 94 tendant à élargir la liste des professions protégées a reçu un avis défavorable de la commission. Celle-ci a pensé qu’il fallait fixer des bornes à cette liste.

S’agissant notamment du secret médical, les médecins n’en ont pas le monopole : les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes ont également l’obligation de le respecter. Ce point peut être extrêmement important, surtout pour ce qui concerne les sages-femmes.

J’ajoute que n’importe quel salarié est assujetti au secret professionnel, dans la mesure où il détient des informations dont la divulgation serait susceptible de mettre son entreprise en péril.

En tout état de cause, dans tous les cas où une autorisation de mise en œuvre de techniques de renseignement sera demandée, il faudra veiller au respect du principe de proportionnalité par rapport aux objectifs visés. Cela implique que, quand cette demande concernera un professionnel assujetti au secret, les conditions de la légalité de l’autorisation de recourir à une technique de renseignement seront plus rigoureuses. Si j’ose dire, la barre est nécessairement placée plus haut, sans qu’il soit besoin de le préciser dans le texte.

C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable, sans pour autant méconnaître la nécessité de protéger le secret professionnel, quel qu’en soit le détenteur.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Ce ne sont pas les professionnels en tant que tels qui sont protégés, mais les secrets dont ils sont détenteurs et qui sont utiles au bon fonctionnement de la démocratie et de l’État de droit.

Pour certaines professions, dans le cadre des procédures judiciaires par exemple, des mesures spécifiques ont été mises en place de façon à assurer la protection des informations détenues : le secret des sources pour les journalistes, le secret de l’enquête, de l’instruction ou du délibéré pour les magistrats, le respect des droits de la défense pour les avocats.

Le Gouvernement s’est montré d’emblée très attentif à ce sujet. Il a présenté, à l’Assemblée nationale, un amendement tendant à protéger les secrets détenus par ces professionnels, qui prévoit que la CNCTR devra rendre son avis en formation plénière. Il a également été inscrit dans le texte que les transcriptions seront transmises à cette dernière et que les procédures d’urgence ne seront pas applicables à ces professions. Ces dispositions figurent encore dans le projet de loi, la commission des lois du Sénat en ayant introduit une autre faisant l’objet d’un amendement de M. Mézard que nous examinerons tout à l’heure.

C’est dans cet esprit que nous examinons toutes les dispositions concernant ces professions. La CNCTR veillera au respect des principes de nécessité et de proportionnalité, exigence affirmée dès le début du texte.

L’amendement n° 137 rectifié bis tend en fait à revenir à la rédaction issue des débats de l’Assemblée nationale. Celle-ci avait été adoptée avec le soutien du Gouvernement, mais, compte tenu des arguments développés par la commission des lois, nous nous en remettons à la sagesse de la Haute Assemblée.

L’amendement n° 94 vise à ajouter les médecins à la liste des professions protégées, dont ils relèvent dans le cadre des procédures judiciaires. Si le Gouvernement, en l’espèce, a estimé qu’il n’y avait pas lieu de les inclure dans cette liste, cela tient au fait qu’il s’agit ici de police administrative, donc de la collecte d’informations qui ne sont pas censées être versées d’emblée à une procédure et circuler, du moins entre les parties.

Néanmoins, soucieux du respect des principes de nécessité et de proportionnalité, ainsi que de l’effectivité des contrôles et, surtout, de la jurisprudence du Conseil d’État, aux termes de laquelle il ne doit pas y avoir de disproportion entre les prérogatives de l’autorité judiciaire et celles de l’autorité administrative, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée pour décider s’il y a lieu ou non d’ajouter les médecins à la liste des professions protégées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l’amendement n° 137 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je tiens à remercier Mme la garde des sceaux et M. le rapporteur de leur effort de pédagogie. En effet, nous avons déposé cet amendement afin d’acquérir des certitudes, qui fussent énoncées en séance publique.

La décision de la commission des lois de supprimer l’alinéa dont nous proposons le rétablissement avait suscité des interrogations. Mme la garde des sceaux et M. le rapporteur ont montré l’un et l’autre de manière très claire que la CNCTR délibérerait en formation plénière, que l’autorisation du Premier ministre devrait être motivée et que les procédures d’urgence ne s’appliqueraient pas.

Dans ces conditions, nous retirons l’amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 80 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et M. Requier, est ainsi libellé :

Alinéa 49, deuxième et dernière phrases

Remplacer ces phrases par une phrase ainsi rédigée :

Les articles L. 821-5 et L. 821-5-1 ne sont pas applicables.

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Cet amendement vise à préciser que les procédures d’urgence ne sont pas applicables quand les personnes concernées par la demande d’autorisation de mise en œuvre de techniques de renseignement sont des parlementaires, des avocats, des magistrats ou des journalistes. Il s’agit pour nous d’adresser un message clair au Gouvernement.

On peut considérer qu’il est possible d’établir des distinctions entre ces quatre catégories. Personnellement, que l’on puisse recourir facilement à ce type de techniques et de procédures à l’encontre de parlementaires ou d’avocats, qui prêtent serment et sont placés sous le contrôle déontologique d’un conseil de l’ordre, me choque. Les journalistes ne sont pas, à ma connaissance, soumis à un code de déontologie ; mais c’est un autre débat.

Les députés ont inséré un dispositif relatif à la mise en œuvre des techniques de renseignement quand sont concernés des membres de professions protégées, magistrats, avocats, journalistes ou parlementaires. Selon les précisions apportées par le Gouvernement, ces dispositions sont justifiées par la nécessité de veiller à la conciliation du respect du secret attaché à l’exercice de certaines professions, à savoir le secret de l’enquête, de l’instruction et du délibéré pour les magistrats, le secret applicable aux échanges relevant de l’exercice des droits de la défense pour les avocats et le secret des sources pour les journalistes, avec la défense et la promotion des intérêts publics visés à l’article 1er du projet de loi.

La France est liée par des engagements internationaux qui garantissent le secret professionnel pour ces personnes. Ainsi, l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme garantit la liberté d’expression, notamment la liberté de la presse, à travers la protection du secret des sources des journalistes.

Nous considérons pour notre part que ce secret est inhérent à l’exercice de ces professions, comme à celui d’un véritable mandat parlementaire. Voilà pourquoi nous estimons que les procédures d’urgence doivent être inapplicables aux membres de ces professions et aux parlementaires.

Madame le garde des sceaux, j’ai entendu vos arguments et pris acte de l’attention que vous avez prêtée aux professions réglementées lors de l’examen de la loi Macron. Si je suis heureux que vous soyez présente ici pour les défendre de nouveau, il n’en reste pas moins que le recours à ce type de mesures n’est pas neutre. Cet amendement étant un message au Gouvernement, j’attends de votre part une réponse, afin qu’elle figure au Journal officiel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L'amendement n° 138 rectifié, présenté par MM. Raynal, Sueur, Delebarre, Boutant, Reiner et Gorce, Mmes S. Robert et Jourda, MM. Bigot, Duran, Desplan et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 49, dernière phrase

Remplacer les mots :

raisons sérieuses

par les mots :

indices graves et concordants permettant

La parole est à M. Claude Raynal.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

M. Claude Raynal. Il s’agit d’un amendement de précision rédactionnelle.

M. Jean-Jacques Hyest proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Il s’agit d’aligner la rédaction du texte sur la terminologie ayant cours en matière de fichage policier.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

La commission a longuement délibéré sur chacun de ces amendements.

S’agissant de l’amendement n° 80 rectifié, elle a parfaitement compris la nécessité d’apporter des protections à un certain nombre de professions. Elle a aussi compris tout l’intérêt que M. Mézard porte, à juste titre, à la profession d’avocat, ainsi qu’à un certain nombre d’autres qui concourent à la protection des libertés publiques. C’est le cas, en démocratie, de la profession de journaliste ou, bien entendu, de la fonction de parlementaire ; il n’est nul besoin de s’étendre sur ce point.

L’objet de cet amendement est d’empêcher, même dans le cas où l’on aurait de sérieuses raisons de croire que la personne agit aux ordres d’une puissance étrangère ou dans le cadre d’un groupe terroriste, la mise en œuvre des procédures d’urgence. Dans un tel cas, même dans une situation d’urgence, on interdirait donc par principe la mise en œuvre de la technique de renseignement. En effet, celle-ci deviendrait tout simplement impossible à appliquer si on laissait passer les quelques minutes ou l’heure qui offrent l’occasion de mettre en place la surveillance. Une telle proposition ne peut que susciter l’inquiétude.

Pour que l’article L. 821-5-1 puisse s’appliquer dans le cas où sont concernées des personnes appartenant aux catégories visées, qui doivent effectivement être spécialement protégées en raison de leur fonction ou de leur métier, il faudra qu’existent des raisons sérieuses de croire que la personne agit aux ordres d’une puissance étrangère, ou dans le cadre d’un groupe terroriste ou d’une organisation criminelle : ce niveau d’exigence très élevé constitue une garantie, d’autant que le contrôle de légalité par la CNCTR pourra s’exercer dans des conditions très ouvertes. C’est pourquoi on ne doit tout de même pas exclure a priori la possibilité de mettre en œuvre une technique de renseignement, sauf à refuser à l’autorité chargée d’assurer la protection des Français les moyens de remplir sa mission.

Au bénéfice de ces arguments et de ceux que Mme la garde des sceaux ne manquera sans doute pas d’invoquer, je sollicite le retrait de cet amendement : les professions et la fonction en question doivent être protégées, mais il faut également protéger les intérêts publics susceptibles d’être menacés par des personnes dont on aurait tout lieu de croire qu’elles sont à la solde d’une puissance étrangère.

Concernant l’amendement n° 138 rectifié, monsieur Raynal, l’expression « indices graves et concordants » appartient à la terminologie du code de procédure pénale.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Quand un crime ou un délit a été commis et que l’on peut établir des « indices graves et concordants » de la culpabilité d’un individu, celui-ci peut être déféré devant le tribunal, jugé et condamné le cas échéant.

Or, en l’occurrence, nous sommes dans une perspective non pas répressive, mais préventive. Il ne peut y avoir d’indices graves et concordants, puisque aucun crime ou délit n’a été commis : il s’agit précisément d’éviter la commission de tels actes. Le tout est de savoir si cette action de prévention est justifiée. Dans cette optique, l’expression « raisons sérieuses » est plus adaptée.

En conséquence, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, mon cher collègue.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Mézard, vous me cherchez querelle au sujet du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques

Sourires.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

… mais vous êtes un parlementaire et un président de groupe trop avisé pour ignorer qu’un travail extrêmement important est effectué en amont des débats en séance publique, l’essentiel étant la qualité du texte établi. Or, en la matière, il ne me semble pas que vous ayez de griefs à exprimer envers la Chancellerie.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Merci, monsieur Mézard ! Même si vous les chuchotez, ces mots figureront au Journal officiel.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Vous avez d’autant moins de raisons de me chercher querelle que le Gouvernement, contrairement à la commission, est favorable à l’amendement n° 80 rectifié. Cette disposition est conforme à l’esprit des mesures introduites par le Gouvernement, à l’Assemblée nationale, au sujet de la réunion en formation plénière de la CNCTR pour émettre son avis. Il convient d’apporter toutes garanties en vue de protéger ces professions. Hier, la Haute Assemblée a d’ailleurs adopté, à l’article 3, un amendement du Gouvernement relevant de la même logique.

Concernant l’amendement n° 138 rectifié, je confirme que l’expression « raisons sérieuses » relève de la terminologie classique en matière de police administrative. §Elle implique que les faits soient non pas établis, mais hautement probables. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote sur l’amendement n° 80 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. Madame le garde des sceaux, je ne vous ai nullement cherché querelle ! Je sais avec quelle conviction vous défendez les libertés individuelles, ce dont je suis heureux à la fois pour vous et pour la démocratie. À cet égard, je me réjouis que vous émettiez un avis favorable sur cet excellent amendement.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

M. Philippe Bas, rapporteur. Avec un tel auteur, il ne pouvait qu’être excellent !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Il faut éviter toute confusion entre police administrative et police judiciaire.

Par ailleurs, en ce qui concerne les parlementaires ou les avocats, les situations évoquées sont hautement hypothétiques, d’autant qu’il est question de recherches menées sur la base de présomptions. Il ne faudrait pas en venir à soupçonner qu’un parlementaire est influencé par une puissance étrangère au motif qu’il appartient à tel ou tel groupe d’amitié… Cet exemple est caricatural, je le reconnais.

Pendant la Grande Guerre, certes, des parlementaires ont pu être inquiétés, en vertu de textes qui n’avaient rien à voir avec ceux que nous connaissons. Le président Clemenceau a subi la censure, qu’il a refusé ensuite d’utiliser, ce qui ne l’a pas empêché de poursuivre d’éminents parlementaires, y compris des membres de son groupe.

Pour autant, que l’on puisse considérer acceptable de recourir à des techniques de renseignement à l’encontre de parlementaires ou d’avocats dans le cadre d’une procédure d’urgence, sur la base de simples supputations, me choque profondément. Il existe, dans notre tradition républicaine, des principes fondamentaux qu’il convient de respecter.

Je me réjouis donc, madame le garde des sceaux, de vous entendre exprimer en ces termes la position du Gouvernement. On ne peut opposer les libertés individuelles à la protection de nos concitoyens, pour des situations qui, je le répète, me semblent essentiellement hypothétiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

La commission des affaires étrangères a longuement débattu de cette question.

Je comprends tout à fait vos remarques, monsieur Mézard, au sujet des parlementaires, même si j’ai personnellement été confronté, lorsque j’étais Premier ministre, à un problème de cet ordre, dans des circonstances difficiles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Ces faits relèvent du passé, mais dès lors que l’on inscrit, dans un texte de loi de la République française, que certaines professions ou fonctions sont protégées, on envoie un message à des pays étrangers qui peuvent voir quel parti tirer de ces protections. Certains éléments permettent de nourrir des suspicions…

Ce texte, dans son ensemble, est extrêmement protecteur. Cette règle générale connaît deux exceptions importantes, prévues respectivement aux alinéas 47 et 49 : en cas d’« urgence liée à une menace imminente » ou de « raisons sérieuses de croire que la personne visée agit aux ordres d’une puissance étrangère, ou dans le cadre d’un groupe terroriste ou d’une organisation criminelle », il est possible de recourir, à titre exceptionnel, à la procédure d’urgence pour la mise en œuvre de deux techniques de renseignement, à savoir la balise et l’IMSI catcher. Je ne conçois pas que l’on emploie ces dispositifs à l’encontre d’un journaliste, d’un avocat, d’un magistrat ou d’un parlementaire en dehors des deux situations que je viens de rappeler.

Certaines professions doivent certes être protégées, mais nous ne vivons pas dans un monde de bisounours ! Il nous faut signifier clairement que la France est déterminée à se défendre, y compris en recourant à une voie doublement exceptionnelle, sur le plan des procédures et des techniques mises en œuvre, contre les puissances étrangères qui voudraient tirer parti des protections offertes par sa législation pour porter atteinte ses intérêts.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Compte tenu des explications fournies par M. le rapporteur et Mme la garde des sceaux, je retire l’amendement n° 138 rectifié, madame la présidente.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L’amendement n° 138 rectifié est retiré.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l’amendement n° 80 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Madame la garde des sceaux, il y a quelque temps, le Sénat a adopté en première lecture un projet de loi relatif à la protection des sources des journalistes. Il me semble que l’Assemblée nationale tarde à débattre de ce texte. Pouvez-vous nous indiquer à quelle date le Gouvernement compte inscrire son examen à l’ordre du jour ?

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Monsieur Sueur, le projet de loi renforçant la protection du secret des sources des journalistes a été présenté en conseil des ministres en avril 2013. Il a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale à la fin de cette même année. Certes, sa discussion tarde, mais c’est l’Assemblée nationale qui a la main, eu égard au principe de la séparation des pouvoirs. Le Gouvernement n’a pas l’initiative.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

La Constitution lui donne pourtant quelques pouvoirs en la matière…

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

À plusieurs reprises, des députés ont appelé de leurs vœux l’inscription de ce texte à l’ordre du jour. Par ailleurs, sur l’initiative de sénateurs, il a été envisagé d’inclure certaines dispositions de ce projet de loi dans un autre véhicule législatif.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Je mets aux voix l'amendement n° 80 rectifié.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 196 :

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n° 75 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 49

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les cas où la mise en œuvre de techniques de recueil du renseignement mentionnées au titre V du présent livre concerne un avocat, la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement doit informer et auditionner le bâtonnier du barreau du ressort dans lequel exerce ce dernier et obtenir l’autorisation du président du tribunal de grande instance de Paris.

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Par une tradition plus que séculaire – il ne s’agit pas de ces ordres professionnels qui ont été créés au milieu du siècle dernier –, le bâtonnier est informé des actions judiciaires concernant les avocats de son barreau, jouant ainsi un rôle similaire à celui des bureaux des assemblées pour les parlementaires. Cette pratique est inhérente à la manière dont fonctionne la défense dans notre pays.

Avec ce texte, il s’agit de la mise en œuvre de pratiques beaucoup plus intrusives encore. Il me semble dès lors normal de prévoir une information du bâtonnier, qui en fera ensuite ce qu’il voudra. La Haute Assemblée, dans sa sagesse proverbiale, fera ce qu’elle croira devoir faire !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Comme le président Mézard, je suis très attaché à l’épopée révolutionnaire et à la loi des 16 et 24 août 1790, qui a fondé notre organisation en ce qui concerne le contrôle des décisions de l’État.

La légitimité nationale l’a alors emporté sur le principe dynastique, avant que la légitimité démocratique ne vienne la conforter. Ce fut la fin des parlements d’Ancien Régime, qui pouvaient, par leurs jugements, entraver l’action du pouvoir royal. La loi des 16 et 24 août 1790 a interdit à tout magistrat d’entraver l’action publique, celle-ci étant devenue légitime à la suite de la Révolution française.

Aujourd’hui, plus de deux siècles plus tard, notre Constitution continue à appliquer les principes fondés par la Révolution française. Le Conseil constitutionnel a ainsi reconnu comme un principe fondamental des lois de la République le partage de nos juridictions entre celles qui assurent la protection des libertés publiques par le contrôle des actes de la puissance publique – la juridiction administrative, au faîte de laquelle siège le Conseil d’État – et celles qui tranchent des litiges entre particuliers et sanctionnent les crimes et les délits – la justice judiciaire, avec à son sommet la Cour de cassation.

Le contrôle d’un acte de la puissance publique est exercé non par l’autorité judiciaire, mais par la juridiction administrative et le Conseil d’État, sauf, bien sûr, si cet acte constitue un crime ou un délit.

La politique de renseignement se rattache à la prévention de crimes ou de délits et à la protection des intérêts fondamentaux de la nation. Elle ne relève donc pas de la justice judiciaire. L’État de droit français n’est pas l’État de droit américain, auquel il est selon moi largement supérieur, comme le montrent les errements du Patriot Act aux États-Unis. Pourquoi s’obstiner à vouloir recopier des dispositifs incompatibles avec notre ordre constitutionnel en matière de contrôle indépendant des actes de l’autorité publique ?

Le présent amendement, en tendant à prévoir, notamment, que la mise en œuvre d’une prérogative exécutive serait subordonnée à une autorisation du président du tribunal de grande instance de Paris, est, simplement mais radicalement, inconstitutionnel ! Son adoption créerait un trouble majeur dans la séparation entre les juridictions de l’ordre administratif, qui contrôlent la puissance publique, et les juridictions judiciaires, qui sanctionnent les crimes et délits, notamment.

C’est la raison pour laquelle la commission a rejeté cet amendement sans qu’un long examen soit nécessaire, tant il lui a paru que ces principes étaient solidement établis depuis la Révolution française.

En outre, l’information du bâtonnier en cas d’actions judiciaires visant à rechercher des éléments permettant de punir un crime ou un délit et d’en déterminer les auteurs n’est pas transposable à une procédure administrative tendant à prévenir la commission d’un crime ou d’un délit, et non à en poursuivre les auteurs.

J’ajoute que, comme chacun le sait, le bâtonnier n’est pas lui-même soumis au secret de la défense nationale. Dès lors, comment pourrait-il valablement donner le moindre avis éclairé sur la mise en œuvre d’une technique de renseignement à l’encontre d’un avocat ?

Tout en étant extrêmement soucieux de la protection des avocats, il me semble que l’adoption d’un tel amendement, outre que celui-ci est inconstitutionnel, créerait un obstacle très important à la réalisation de la finalité de prévention d’actes très graves assignée à ce projet de loi.

L’avis de la commission est donc défavorable.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Concernant l’obtention de l’autorisation du président du tribunal de grande instance de Paris, il n’existe pas de passerelle concevable entre les dispositions prises pour cette police administrative, d’une part, et une telle intervention d’un chef de juridiction de l’ordre judiciaire, d’autre part.

Par ailleurs, je sais quelles préoccupations vous conduisent à demander l’information du bâtonnier, monsieur Mézard. Le débat sur la participation d’un ou plusieurs bâtonniers à la CNCTR a été engagé, mais il n’a pas vraiment prospéré. L’idée ne me paraît pas si iconoclaste que cela. Nous avons envisagé avec les représentants des ordres qu’un bâtonnier honoraire puisse siéger au sein de la CNCTR. Cette idée n’est pas non plus choquante en soi, mais elle n’est pas mûre. Aura-t-elle le temps de mûrir avant la commission mixte paritaire ? Je ne sais pas.

Nous avons le souci du parallélisme entre les prérogatives de l’ordre judiciaire et celles de l’ordre administratif, les secondes ne devant pas être inconsidérément supérieures aux premières. Il n’empêche qu’il s’agit vraiment ici de police administrative ; le Gouvernement considère qu’il n’y a pas lieu d’informer le bâtonnier. Comme vient de l’indiquer le rapporteur, ce dernier n’est pas habilité au secret-défense. En revanche, un bâtonnier honoraire siégeant à la CNCTR pourrait recevoir cette habilitation.

En tout état de cause, les résultats du vote par scrutin public qui vient d’intervenir indiquent que le Sénat est partagé sur les moyens de garantir les protections que nous souhaitons apporter aux professions visées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je rectifie l’amendement, en supprimant le membre de phrase suivant : « et obtenir l’autorisation du président du tribunal de grande instance de Paris ». Je comprends en effet qu’il puisse poser un problème de constitutionnalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Je suis donc saisie d’un amendement n° 75 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, et ainsi libellé :

Après l'alinéa 49

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les cas où la mise en œuvre de techniques de recueil du renseignement mentionnées au titre V du présent livre concerne un avocat, la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement doit informer et auditionner le bâtonnier du barreau du ressort dans lequel exerce ce dernier.

Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

En revanche, je maintiens le reste de l’amendement, par principe. Il est normal, en effet, que nous exprimions ici un certain nombre d’inquiétudes. Il ne s’agit pas pour moi de manifester une suspicion généralisée à l’égard de l’administration et de la police administrative, mais je constate que l’on cède chaque jour un peu plus sur des principes importants. Nous assistons tout de même à la victoire de la police administrative : en la matière, tout sera possible !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Si, telle est bien la réalité, malgré toutes les grandes déclarations ! La police administrative peut faire bien plus que la police judiciaire. Disant cela, je n’entends pas faire de procès à ceux qui sont souvent de très hauts fonctionnaires, ayant le sens de l’État, dévoués à la défense de la nation et formés au sein de la même école nationale…

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

… d’administration !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Paraît-il…

Je mets en garde nos collègues : à force de lâcher sur les principes, point par point, à propos d’un texte d’une importance fondamentale pour les libertés, nous finissons par mettre celles-ci en péril. On ne peut pas tout permettre au nom de la sécurité de nos concitoyens : la défense de leurs libertés fait partie intégrante de leur sécurité !

Va-t-on piétiner allègrement le secret professionnel des avocats, mettre en œuvre, en matière de police administrative, des dispositifs pour enquêter sur les parlementaires, alors que, déjà, le secret de l’instruction s’appauvrit, des atteintes sont portées de toute part au secret professionnel, on écoute par ricochet les avocats, et pas simplement au titre de la police administrative ?…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

C’est surtout en matière de police judiciaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Il y a d’ailleurs beaucoup plus de risques dans ce cas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Les risques, à mon avis, sont largement partagés. Le propre d’un limier, c’est de chercher ; telle est sa fonction. Mais l’État doit tout de même prendre garde à ne pas le laisser employer tous les moyens pour arriver à ses fins, car sinon il se permettra tout !

Certaines affaires d’écoutes de magistrats, d’anciens hauts personnages de l’État ont récemment fait une mauvaise publicité à la police judiciaire. Cela ne permet pas de faire n’importe quoi en matière de police administrative. L’arrêt « André et autres contre France » de la Cour européenne des droits de l’homme est venu rappeler que le secret est inhérent à la profession d’avocat.

Par conséquent, que l’on puisse considérer qu’un bâtonnier, parce qu’il n’est pas habilité au secret-défense, n’a pas à être informé de mesures pourtant très graves et intrusives à l’encontre d’un avocat de son barreau me choque !

M. Jean-Yves Leconte applaudit.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Je suis sensible à l’effort de M. Mézard. Néanmoins, comme je l’ai indiqué, l’information du bâtonnier ne nous semble correspondre ni à la lettre ni à l’esprit du texte.

De deux choses l’une : soit le bâtonnier n’est pas informé, soit il l’est utilement, c’est-à-dire qu’il est destinataire de suffisamment d’informations pour être en mesure d’apprécier la nécessité de la mesure prise à l’encontre de l’avocat. Or cette seconde branche de l’alternative suppose qu’il soit habilité au secret-défense. La seule hypothèse envisageable, dans cette perspective, est la présence d’un bâtonnier honoraire au sein de la CNCTR, que j’ai évoquée tout à l’heure.

Par conséquent, l’avis du Gouvernement demeure défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Effectivement, on pourrait envisager qu’un bâtonnier honoraire habilité au secret-défense participe aux délibérations de la CNCTR. Il aurait alors accès aux motifs de la mise en œuvre de la technique de renseignement : ce n’est plus seulement de l’information…

Certes, on peut vouloir se faire peur, et peut-être avec raison : après tout, il est arrivé, dans le passé, que l’on écoute des journalistes. Cependant, croyez-vous vraiment que, sans motifs extrêmement sérieux, un ministre de la République signerait une demande d’interception de sécurité concernant un magistrat ou un avocat, que la CNCTR y donnerait un avis favorable, que le Premier ministre l’approuverait ? Cela provoquerait un immense scandale dans les quarante-huit heures ! §Nous sommes tout de même dans une démocratie !

Moi aussi, monsieur Mézard, j’ai toujours défendu la profession d’avocat et le secret professionnel, mais je pense que l’information du bâtonnier n’est pas la solution pour protéger les avocats : la meilleure protection, c’est le contrôle de la CNCTR, à condition bien sûr que l’on y croie, ce qui, apparemment, n’est pas le cas de tout le monde. Pour ma part, je pense que l’exécutif sera assez sage pour suivre les avis de la CNCTR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Si le président en est Paul Bismuth, on ne sait jamais !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

À mon vif regret, je ne pourrai voter l’amendement de M. Mézard.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Mes chers collègues, je vous indique qu’il reste encore quatre-vingt-quatre amendements à examiner et que, pour le moment, il n’est pas prévu que nous siégions cette nuit…

Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 51, présenté par Mmes Cukierman, Demessine et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 56

Après les mots :

sous l’autorité

insérer les mots :

de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement et

II. – Alinéa 57

1° Avant les mots :

Le Premier ministre

insérer les mots :

La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement et

2° Remplacer le mot :

organise

par le mot :

organisent

3° Compléter cet alinéa par les mots :

au sein des locaux de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

M. Jean-Marie Delarue, président de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, a décrit, lors de son audition au Sénat, la future CNCTR comme un colosse aux pieds d’argile, en particulier parce qu’elle ne bénéficiera pas d’un accès direct aux données collectées, contrairement à la CNCIS, qui peut consulter les interceptions de sécurité depuis ses propres locaux.

Pour répondre à ses critiques, la commission des lois a adopté un amendement du rapporteur, qui a récrit les actuels alinéas 57 et 58 de l’article 1er. Au travers du présent amendement, nous proposons d’aller plus loin en précisant que la centralisation des renseignements collectés s’effectuera au sein des locaux de la CNCTR.

Le contrôle par la CNCTR ne sera effectif que si les données sont recueillies en son sein, et non dans des services spécialisés. Un accès libre aux locaux de ces services n’est pas suffisant : la CNCTR doit avoir la maîtrise du logiciel utilisé, pour pouvoir accéder aux données et organiser un véritable contrôle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L'amendement n° 139 rectifié, présenté par MM. Sueur, Delebarre, Boutant, Reiner et Gorce, Mmes S. Robert et Jourda, MM. Bigot, Raynal, Duran, Desplan et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 57

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Il garantit à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement un accès direct, complet et permanent aux renseignements collectés.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Il s’agit d’une question importante. En effet, l’article L. 822-1 du code de la sécurité intérieure confie au Premier ministre le soin d’organiser la traçabilité de l’exécution des techniques de renseignement autorisées et de définir les modalités de la centralisation des renseignements collectés.

Le présent amendement vise à prolonger les missions du Premier ministre afin d’éviter tout recul par rapport à la législation existante, qui garantit à la CNCIS un accès direct et permanent aux données collectées.

Je sais que plusieurs personnes, qui ont déjà été citées, considèrent que la centralisation des données constitue une garantie solide au regard de l’effectivité du contrôle.

Nous nous sommes enquis de cette question auprès de différents interlocuteurs, et nous avons eu l’occasion d’en parler avec vous-même, monsieur le ministre de l’intérieur. Vous avez fait valoir que l’état actuel des nombreuses et complexes techniques de renseignement rendait peut-être difficile d’envisager la centralisation en un seul lieu de l’ensemble des données, comme cela est fait aujourd’hui sous l’autorité du groupement interministériel de contrôle, le GIC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Nous avons élaboré cet amendement pour prendre en compte cette réalité. Nous comprenons tout à fait qu’on ne puisse centraliser un grand nombre de données qui, par nature, sont diverses et dispersées.

Toutefois, si cela est bien le cas, il nous apparaît absolument nécessaire d’inscrire noir sur blanc dans la loi que la CNCTR dispose d’un accès direct, complet et permanent aux données collectées, c’est-à-dire sans intermédiaire, exhaustif et 365 jours par an, vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Nous avons déjà eu ce débat en commission. Vous avez alors considéré, monsieur le rapporteur, qu’au moins deux de ces adjectifs figuraient déjà dans le texte. Je voudrais avoir l’assurance que le troisième, à savoir « complet », y figure aussi. Si tel n’était pas le cas, il faudrait à mes yeux l’introduire. En effet, il est très important, pour la garantie de l’effectivité du contrôle, que la CNCTR puisse disposer d’un accès direct, complet et permanent aux données collectées.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 51.

Quant à l’amendement n° 139 rectifié, monsieur Sueur, la CNCTR est dotée de presque tous les pouvoirs que vous voulez lui donner, mais ils sont prévus à l’alinéa 118, aux termes duquel cette instance dispose d’un accès permanent et direct à l’ensemble des informations recueillies. Je suis tout à fait d’accord pour ajouter, par voie d’amendement, l’adjectif « complet », mais à cet alinéa 118, et non après l’alinéa 57, comme vous le proposez. Le début de l’alinéa 118 sera alors ainsi rédigé : « 2° Dispose d’un accès permanent, complet et direct aux relevés, … »

Au bénéfice de cet engagement, peut-être accepterez-vous de retirer votre amendement, mon cher collègue ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je fais confiance à M. le rapporteur et je retire l’amendement. Il est à nos yeux essentiel que l’adjectif « complet » figure également dans la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L'amendement n° 139 rectifié est retiré.

Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 51 ?

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

Avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Je suis saisie de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 52 rectifié, présenté par Mmes Cukierman, Demessine et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéas 59 à 62

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 822-2. – I. – Les renseignements collectés par la mise en œuvre d’une technique de recueil de renseignement autorisée en application du chapitre Ier du présent titre sont détruits à l’issue d’une durée de trente jours à compter de leur recueil et dans un délai maximal de trois mois après leur première exploitation.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

La question de la durée de conservation des renseignements collectés dans le cadre de l’exécution d’une technique de renseignement est l’un des nombreux points sensibles de ce texte.

Cette question ne doit pas être examinée du seul point de vue technique et opérationnel des services. Il convient d’abord de prendre en considération les atteintes qui pourraient être portées au respect de la vie privée et aux droits et libertés fondamentaux de nos concitoyens.

Les renseignements collectés peuvent être de nature diverse, et on pourrait être enclin à leur appliquer un régime particulier en fonction de considérations techniques liées à leur forme ou aux moyens nécessaires à leur obtention. Cela aboutirait donc à établir un régime différencié selon la technique concernée.

Il est vrai, par exemple, que les interceptions de communications, les données de connexion, les captations d’images ou les données informatiques ne sont pas obtenues de la même façon ni par les mêmes moyens. Mais il n’en reste pas moins que, quels que soient leur nature et leur mode d’obtention, il s’agit toujours de renseignements d’ordre privé.

C’est la raison pour laquelle nous souhaitons fixer par la loi, et non par décret, comme cela était prévu dans le projet de loi initial, heureusement modifié par l’Assemblée nationale et la commission des lois du Sénat, un régime unique de durée de conservation pour l’ensemble des cas de figure : les données devraient être détruites à l’issue d’une période de trente jours à compter de leur collecte et dans un délai maximal de trois mois après leur première exploitation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 72 rectifié bis est présenté par M. Hyest.

L'amendement n° 141 rectifié est présenté par MM. Sueur, Delebarre, Boutant, Reiner et Gorce, Mmes S. Robert et Jourda, MM. Bigot, Raynal, Duran, Desplan et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. - Alinéa 60

Remplacer le mot :

Trente

par le mot :

Dix

II. - Alinéa 61

Remplacer les mots :

Six mois

par les mots :

Quatre-vingt-dix jours

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour présenter l’amendement n° 72 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

La question des délais de conservation des données n’est pas nouvelle. Le Gouvernement avait pensé l’esquiver, en renvoyant à un décret…

Lors de l’élaboration de la loi de 1991, le Gouvernement avait proposé que les enregistrements réalisés à l’occasion des interceptions de sécurité soient détruits à l’expiration d’un délai de trente jours ; le Parlement a décidé de fixer le délai à dix jours.

Le Gouvernement a formulé la même proposition à l’occasion de la discussion de la loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme. Nous avons eu un débat de fond sur ce point. Pourquoi pas trois mois, six mois, cinq ans, tant qu’on y est ? Plus le délai est long, mieux c’est, semble-t-il…

Comme je l’ai déjà indiqué, la restriction de la durée d’utilisation des données collectées fait partie des garanties offertes aux citoyens. Si les données ne sont pas exploitées, il ne sert à rien de les conserver indéfiniment. On nous objecte que l’on manque de traducteurs, de ceci ou de cela… Or le dispositif, avec un délai de dix jours, fonctionne sans problème depuis 1991. Pourquoi porterait-on aujourd'hui le délai à trente jours ?

L’Assemblée nationale a accepté la durée de trente jours, bien sûr ! Les services de renseignement ont de la mémoire et de la persévérance : tout le monde finit par se laisser convaincre ! Mais moi, j’ai encore plus de mémoire qu’eux ! C’est un amendement que j’avais déposé, en 1991, qui a fixé le délai à dix jours. Cela fonctionne très bien ainsi depuis cette date : pourquoi donc changer ? Quels arguments pouvez-vous avancer, monsieur le ministre, alors même que l’on va octroyer plus de moyens aux services de renseignement ? Je ne comprends pas cette position du Gouvernement, l’étude d’impact n’expliquant rien.

Du moins est-il heureux, monsieur le rapporteur, que nous ayons prévu que le délai courra à partir du recueil des données, et non de leur première exploitation ! §Sinon, nous étions complètement refaits ! Il est même incroyable que l’on ait osé proposer de prendre pour point de départ la première exploitation des renseignements !

Pour toutes ces raisons, la Haute Assemblée s’honorerait de maintenir, en dépit des sollicitations, la position qui est la sienne depuis de très nombreuses années. Il s’agit là d’une question importante ! Si les données sont conservées indéfiniment après leur première exploitation, on ne pourra jamais être sûr qu’elles ne serviront pas à d’autres fins.

Limiter strictement les délais de conservation des données constitue une garantie fondamentale pour les citoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Que l’on me permette de faire observer que, en fait, la position de M. Hyest a évolué sur cette question des délais. En effet, concernant les métadonnées, notre collègue avait d’abord déposé un amendement visant à faire passer le délai de trois ans à deux ans, avant d’en revenir à trois ans, ce qui correspondait à la position du groupe socialiste.

Je me souviens moi aussi de la loi de 1991 : j’avais l’honneur d’appartenir au gouvernement de l’époque, en tant que secrétaire d’État. Je me souviens également des débats sur la loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, dont Jean-Jacques Hyest et Alain Richard furent les corapporteurs.

Nous sommes bien sûr très attentifs à cette question sensible du délai de conservation des données. Nous écouterons avec intérêt les explications de M. le ministre. Nous nous trouvons dans l’état d’esprit de parlementaires désireux d’aboutir en commission mixte paritaire, ce qui suppose l’adoption de solutions acceptables par les uns et les autres…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L'amendement n° 142 rectifié, présenté par Mme S. Robert, MM. Sueur, Delebarre, Boutant, Reiner et Gorce, Mme Jourda, MM. Bigot, Raynal, Duran, Desplan et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 60

Remplacer le mot :

Trente

par le mot :

Vingt

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L'amendement n° 55, présenté par Mmes Cukierman, Demessine et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéas 60, 61 et 62

Remplacer les mots :

de leur recueil

par les mots :

de la première exploitation et dans un délai maximal de trois mois après leur recueil

La parole est à Mme Michelle Demessine.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

Nous avons précédemment proposé une unification des régimes de conservation, quelles que soient les données ou les informations traitées.

Cependant, le caractère exceptionnel des mesures de surveillance, dont la mise en œuvre aboutit à la collecte de renseignements très divers, nécessite et justifie aussi que l’on prévoie des durées de conservation raisonnables. Nous entendons par là que les services doivent pouvoir accomplir efficacement leur travail, mais que les citoyens doivent eux avoir la garantie que les renseignements les concernant ne soient pas conservés pendant une durée excessive.

L’une des difficultés, pour définir cette durée de conservation, tient évidemment à la fixation d’un point de départ. Pour notre part, nous pensons qu’il serait judicieux d’établir à trente jours la limite de conservation des renseignements après leur première exploitation, afin d’inciter les services à utiliser le plus rapidement possible les renseignements collectés.

En effet, comme l’a très justement fait remarquer l’un de nos collègues, dans un domaine où la réactivité est primordiale, un renseignement qui n’est pas traité rapidement se périme. En revanche, il ne sert à rien de conserver des données inexploitées, sauf, éventuellement, à les accumuler pour les utiliser à d’autres fins. C’est pourquoi il convient également de fixer une limite de temps à partir de la date de la collecte.

Une telle disposition pourrait inciter les services à ne pas conserver trop longtemps des données inexploitées ou insuffisamment exploitées. Dans ce cas, la durée de conservation ne pourrait excéder trois mois.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

La commission est défavorable à l’amendement n° 52 rectifié.

Concernant les amendements identiques n° 72 rectifié bis et 141 rectifié, je dois rendre compte des réflexions de la commission.

La commission est unanime à considérer que le délai de conservation des données doit être aussi court que possible, s’agissant de procédures dérogatoires au droit commun, qui portent atteinte au secret de la vie privée et, éventuellement, à un certain nombre de libertés. C'est la raison pour laquelle la commission a veillé à ce que le délai courre non pas à partir de l’exploitation des informations, qui peut avoir lieu plusieurs semaines après leur collecte, mais à compter de cette dernière, ce qui permet de fixer un point de départ certain. C’est un élément très important.

Par ailleurs, la commission a raccourci un certain nombre de délais par rapport à ce que prévoyait le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale.

Il faut observer que si l’exploitation des données tarde, cela donne le sentiment que la demande d’autorisation de les recueillir n’était pas aussi justifiée que l’on pouvait le croire.

Cela étant, qui peut dire, dans l’absolu, quel est le délai idéal ? En ce qui me concerne, je ne me sens pas totalement qualifié pour affirmer sans hésitation qu’il convient de fixer le délai de conservation à dix, vingt ou trente jours. De ce point de vue, il est essentiel que le Gouvernement nous donne son propre sentiment sur les conditions matérielles devant être réunies pour exploiter les données, tout en sachant que la commission souhaite que les délais soient aussi courts que possible. Nous attendons donc d’entendre l’avis du Gouvernement sur les amendements n° 72 rectifié bis, 141 rectifié et 142 rectifié.

Enfin, la commission est défavorable à l’amendement n° 55.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

Nous touchons là à une question extrêmement importante où des préoccupations de natures différentes semblent s’opposer les unes aux autres et nourrissent le débat.

Certains sénateurs, comme Jean-Jacques Hyest ou Jean-Pierre Sueur, ainsi que ceux qui – j’en suis convaincu – les rejoignent dans cette argumentation, considèrent que la durée de conservation des interceptions de sécurité et autres données de connexion constitue un élément de la protection des libertés. Le raisonnement développé par Jean-Jacques Hyest et Jean-Pierre Sueur, deux sénateurs qui connaissent bien ces sujets, repose sur une argumentation assez simple : plus la durée de conservation des interceptions de sécurité est courte, plus la protection des libertés individuelles est garantie.

Si cette argumentation a sa propre cohérence, son propre sens et sa propre force, elle se heurte cependant à quelques problèmes concrets, qui résultent de la véritable nature de l’activité opérationnelle des services de renseignement, qui font face à un niveau de menace très élevé. Pour illustrer cette confrontation, j’évoquerai des situations qui montrent que la question de la durée de conservation ne peut être appréhendée au travers du seul prisme des amendements en discussion. D’autres considérations entrent, aujourd’hui, en ligne de compte.

Ainsi, au cours d’enquêtes judiciarisées, nous avons constaté que des individus, empêchés de commettre les actes funestes auxquels ils se préparaient, et qui en apparence agissaient seuls, ont en réalité bénéficié de l’aide d’un ensemble de complices qui, tout en participant à des opérations à caractère terroriste, n’étaient pas toujours tous conscients de la nature des actions auxquelles ils participaient.

Sans en révéler le contenu, je prendrai l’exemple de l’une de ces enquêtes, en évoquant uniquement les éléments déjà rendus publics : dans l’affaire concernant M. Coulibaly, nous savons que des complices ont été mobilisés pour procéder, d’abord, à l’achat et à la vente de véhicules, puis avec l’argent obtenu à l’achat et à la vente d’armes. Or ces individus présents dans l’entourage de M. Coulibaly n’avaient pas nécessairement conscience qu’en se livrant à de tels trafics ils contribuaient à l’accomplissement d’un acte terroriste.

De surcroît, les services de renseignement sont parfois confrontés à des situations où les interceptions de sécurité concernent des communications dans une langue rare, ce qui entraîne, tout d’abord, la mobilisation de moyens de traduction importants. Cela implique, ensuite, que la traduction puisse faire l’objet d’interprétations complexes, notamment lorsque sont utilisées des données cryptées. Par ailleurs, des interceptions ultérieures peuvent révéler d’autres éléments nécessitant que l’on revienne sur le contenu de l’interception initiale.

De telles enquêtes sont très souvent complexes à traiter, y compris en matière de police administrative, de sorte que si l’on réduisait le délai de conservation des interceptions de sécurité, comme vous le proposez, la perte en ligne opérationnelle serait très significative !

J’ai déjà développé cette argumentation, de façon extrêmement précise, à l’occasion de l’examen de la loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, alors que le Parlement, fidèle aux propos que Jean-Jacques Hyest avait développés en 1991, a tenu – en particulier, Alain Richard et Jean-Pierre Sueur, je m’en souviens – le même discours qu’aujourd’hui.

Or, depuis cette date, j’ai constaté qu’à côté de ces principes il y avait une réalité !

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

En acceptant le principe d’une durée de conservation de trente jours, le Conseil d’État a cherché à rendre compatibles les principes et la réalité. Cela correspond à notre démarche !

Considérons que le délai de trente jours, non pas à compter de l’exploitation des données, mais de leur recueil, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Il s’agit d’une nuance tout de même importante !

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

Monsieur Hyest, je vais être très clair à ce sujet : nous sommes favorables à un délai de trente jours à compter du recueil des interceptions et non de leur exploitation !

Je propose que nous retenions cette durée-là, parce qu’elle est de nature à protéger les individus – le Conseil d’État a d’ailleurs considéré qu’il s’agissait d’une durée satisfaisante – et à nous permettre d’accomplir correctement notre travail. En effet, depuis 1991, le travail de renseignement a beaucoup évolué et le niveau de menace est désormais très élevé.

Par ailleurs, je suis convaincu que si nous ne retenions pas une telle durée, nous nous retrouverions dans des situations qui poseraient problème. Il serait alors trop tard ! Dans cette hypothèse, on dira que le Parlement, lorsqu’il a eu à trancher le sujet de la conservation des données, a agi dans un sens qui n’était pas nécessairement le bon !

Pour autant, comme je l’ai souligné, je reconnais la pertinence de la question que vous soulevez. C’est pourquoi je m’efforce d’y répondre avec précision. Il faut, en effet, faire attention, car il s’agit d’un problème délicat.

Il en est ainsi également pour les autres durées de conservation, comme celle relative aux contenus, images ou fichiers, ou encore celle concernant les données de connexion. Pour cette dernière, alors que le projet de loi initial prévoyait un délai de conservation de cinq ans, la commission souhaiterait qu’il s’établisse à trois ans et le Gouvernement préfèrerait qu’il soit de quatre ans. Sans entrer de nouveau dans le détail des différents délais de conservation, il est important de trouver le bon équilibre !

En définitive, compte tenu du raisonnement que je viens de développer, qui consiste à montrer que les principes et les contraintes opérationnelles doivent être conciliés pour trouver une durée adéquate de conservation des interceptions, je ne peux être favorable à ces amendements. J’ajoute, dans l’hypothèse où vous retiendriez une durée de dix jours, que les difficultés seraient grandes ! Je préfère donc en alerter le Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Il est assez rare que je prenne la parole dans cet hémicycle pour soutenir le Gouvernement. Toutefois, dans le cas qui nous intéresse, je suis un peu sceptique face aux interventions de mes collègues.

Monsieur le ministre, j’ai eu l’occasion de vous rencontrer à plusieurs reprises au début de l’année, à la suite des événements qui ont frappé notre pays. Considérer et continuer d’affirmer dans cet hémicycle que nous nous trouvons dans une situation normale, semblable à celle que l’on connaissait il y a sept ou huit mois, en novembre 2014, lorsque se sont déroulés les débats au Sénat sur la loi relative au terrorisme, ou à celle que nous connaissions il y a plus de vingt ans – pardonnez-moi, monsieur Hyest –, n’est pas juste ! Nous sommes dans une situation d’exception !

On ne peut pas écouter le Premier ministre et les divers dirigeants politiques de gauche ou de droite déclarer que la France est en guerre, puis dire au ministre chargé d’assurer la sécurité du pays : tant pis s’il y a un problème après le délai de dix jours, par exemple le douzième ou le quinzième jour !

Si je reconnais – et je le dis volontiers à M. Hyest – que fixer le délai de conservation des interceptions de sécurité à compter de leur exploitation pose un problème, car un temps extrêmement long – plusieurs mois peut-être – peut s’écouler entre le recueil des données et leur exploitation, je crois, en revanche, que le délai de trente jours est raisonnable ! Le Conseil d’État l’accepte d’ailleurs…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

On n’a pas demandé l’avis du Conseil d’État !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Si, le Conseil d’État l’accepte, et je ne doute pas qu’il soit plus sévère que nous ! Les parlementaires détiennent désormais une véritable responsabilité politique sur le sujet !

Je ne suis pas un soutien du Gouvernement, mais je me vois mal dire à nos services de renseignement que si leur enquête n’a pas abouti au bout de dix jours, c’est bien dommage pour eux, qu’on va supprimer les interceptions et que si un problème survient le quinzième ou le vingtième jour, ils seront responsables !

De deux choses l'une : soit nous considérons que toute la nation est mobilisée et, en conséquence, nous faisons confiance aux institutions de la République pour nous défendre ; soit nous continuons à mettre en place un système qui crée des difficultés et nous met en danger ! Dans la deuxième hypothèse, on aura beau jeu d’affirmer que l’on a défendu la République ! Mais quelle République ? Qui la menace en vérité ? S’agit-il des institutions qui ont besoin de trente jours pour exploiter des données ou de ceux qui commettent des attentats ? N’inversons pas les rôles en chargeant ceux qui défendent la République plutôt que ceux qui la mettent en cause !

Je ne voterai donc pas en faveur d’amendements qui tendent à réduire le délai de conservation des interceptions de sécurité à dix jours.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

Les propos de M. Karoutchi correspondent à la nature de la menace qui pèse sur la République. Nous avons déjà eu ce débat hier. Je le répète : les services de renseignement ne sont pas des services entièrement à part, mais sont des services à part entière, ceux qui les composent sont habités de la volonté de protéger les Français, et nous nous situons à un niveau élevé de menace.

Monsieur Jean-Jacques Hyest, le délai de conservation de trente jours fixé pour les interceptions de sécurité a bien été considéré par le Conseil d’État comme tout à fait conforme aux principes de notre droit, dans la mesure où ce délai figurait dans le texte initial du Gouvernement, lui-même soumis au Conseil d’État et validé par celui-ci.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur l’amendement n° 52 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Certes, le débat est légitime. Je soutiendrai cependant le Gouvernement sur cette question. Nous avons vu à de très nombreuses reprises, lors d’enquêtes récentes, et des plus douloureuses, que les choses sont rarement simples.

Dès lors que le délai de trente jours court à compter du recueil et non de l’exploitation des communications, on évite une perte de temps en ligne, puisque disparaît ainsi le délai qui sépare le moment de la collecte et le moment de l’exploitation.

En l’état, le délai de trente jours à compter du recueil des interceptions me semble raisonnable, d’autant que les événements qui ont concerné la France récemment ont montré que nous n’avons pas nécessairement affaire à des loups solitaires. Il importe, par conséquent, de pouvoir recouper et conserver les données.

J’ai écouté attentivement notre collègue Roger Karoutchi : évidemment, on peut être sensible à l’idée d’un raccourcissement du délai, mais la réalité nous conduit à maintenir le délai de trente jours, afin de tenir compte, notamment, du problème des communications dans une langue rare et du temps nécessaire pour exploiter l’intégralité des données. Il est important de garantir davantage de sécurité à une époque où, reconnaissons-le, nous en manquons un peu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Sans entrer dans une polémique avec le ministre, le projet de loi initial renvoyait la durée de conservation des interceptions de sécurité et des données de connexion à un décret en Conseil d’État, afin d’éviter tout débat !

Mes chers collègues, on mélange deux choses : l’exploitation des renseignements et la durée d’autorisation. Une personne peut parfaitement être écoutée pendant quatre mois ! Ici, il n’est question que de l’exploitation des productions. L’exemple du ministre n’est pas approprié. Dans l’affaire Coulibaly, nous n’avons appris les faits que lors de l’enquête judiciaire et non grâce au travail des services de renseignement ! Autrement, les attentats auraient peut-être pu être évités !

Quoi qu’il en soit, la Direction centrale du renseignement intérieur, la DCRI, a gagné, je retire mon amendement !

Exclamations.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

Ce sont les durées maximales de conservation qui figuraient dans le texte initial du Gouvernement. Par conséquent, le Conseil d’État a validé une durée maximale fixée à un mois, en ce qui concerne les interceptions de sécurité.

Le texte prévoyait, par ailleurs, qu’un décret ouvre la possibilité pour le Gouvernement d’aller en deçà de cette durée maximale. Ce que je vous ai dit précédemment est donc exact. Le Conseil d’État a bien accepté que la durée maximale de conservation des interceptions de sécurité s’établisse à un mois. Ce sont les députés qui ont souhaité, au travers du dépôt, puis de l’adoption d’un amendement, que la totalité des durées soit inscrite dans la loi.

De plus, monsieur Hyest, le débat n’oppose pas la DCRI aux libertés ! D’ailleurs, la DCRI n’existe plus puisque s’y est substituée la DGSI, la Direction générale de la sécurité intérieure, qui est rattachée directement au ministre de l’intérieur. Bref, il ne s’agit pas d’un débat entre DGSI et libertés !

Au contraire, la DGSI, garante et comptable des principes républicains et des libertés, agit au service de notre protection et de notre liberté en s’opposant aux terroristes et à tous les individus qui, mus par le seul instinct de la violence, cherchent à remettre en cause nos valeurs en s’en prenant aux principes fondamentaux de la République, comme l’ont fait les auteurs des récents attentats.

Je suis d’accord avec M. Karoutchi, non que je cède à une conception binaire du monde, pensant que les bons seraient d’un côté et les méchants de l’autre, mais parce qu’il est évident que ce ne sont pas les agents des services de renseignement qui portent atteinte aux valeurs de la République, à la faveur de délais de conservation du reste prévus par la loi, mais ceux qui, au mépris des lois et par la violence, s’en prennent aux principes républicains fondamentaux.

Le débat n’est donc pas : la DGSI contre les libertés. En vérité, la DGSI défend les libertés dans le respect du droit, par une action encadrée par la loi et qui le sera davantage encore après l’adoption du présent texte.

Monsieur Hyest, monsieur Sueur, nous pouvons à tout moment être frappés de nouveau. Il m’importe que ce propos soit consigné au compte rendu de la séance, et qu’une trace demeure des positions que j’ai défendues devant la représentation nationale. Si nous sommes frappés, que se passera-t-il ? Je vais vous le dire. En vertu d’un réflexe pavlovien, qui s’accompagne parfois de grégarisme, nous verrons fleurir immédiatement, avant même que les causes des événements n’aient été analysées et les responsabilités établies, des prises de position et des articles de presse sur les failles des services de renseignement. Ce sera mécanique !

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

Ce sont d’ailleurs les mêmes qui appellent aujourd’hui à donner aux services de renseignement des pouvoirs limités, au motif qu’il est risqué pour la démocratie qu’ils en aient trop, qui accuseront ces services d’avoir failli !

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous le dis solennellement : lorsqu’il s’agit de prévenir les actes terroristes, compte tenu de la complexité des réseaux qui sont à l’œuvre, des langues employées par ceux qui y sont engagés ou impliqués, et du temps parfois nécessaire à la collecte d’informations sur des complices – un temps qui peut rendre nécessaire de réanalyser une interception –, le délai de trente jours n’est pas trop long dans la pratique. Un délai de dix jours serait assurément trop court pour permettre une exploitation de la totalité des données dont nous disposons. Je vous dois la vérité, ce que je vis tous les jours en tant que ministre de l’intérieur me conforte dans cette conviction.

Bien entendu, il appartient au Sénat et à l’Assemblée nationale de décider, mais il convenait que la Haute Assemblée fût pleinement éclairée des contraintes opérationnelles auxquelles les services sont confrontés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Sans me prononcer sur la question particulière qui est en débat, je tiens à faire état du malaise que peuvent susciter certains des arguments présentés au cours des dernières minutes.

Soit, comme on nous l’a assuré, le projet de loi a été préparé de longue date, de sorte que, même si le contexte est difficile, nous pouvons l’examiner dans la sérénité et selon nos modes de délibération habituels. Dans ce cas, l’argument avancé par MM. Sueur et Hyest est parfaitement recevable : le Parlement ayant considéré à plusieurs reprises, contre l’avis du Gouvernement, que le délai de trente jours était excessif et devait être ramené à dix jours, nous devrions nous en tenir à cette ligne de conduite.

Soit le projet de loi est, dans certaines de ses dispositions, justifié par un contexte, ce qui n’aurait rien de choquant. Certes, on affirme depuis le début du débat qu’il n’en est rien, mais j’ai du mal à le croire… Quoi qu’il en soit, si c’est le contexte – dégonflons l’hypocrisie – qui demande des mesures d’exception, même si l’expression déplaît, alors dans ce cas nous devrions nous ranger à l’avis de M. le ministre, qui dispose de l’appréciation la plus sûre et la plus directe de la situation.

Si la menace est élevée, si la République est en danger, il faut nous annoncer clairement que nous connaissons une situation exceptionnelle, appelant des décisions exceptionnelles, que nous devons assumer. Nous y sommes d’ailleurs prêts. Mais ne nous mettez pas en permanence en porte-à-faux !

Nous entendons que les risques sont grands. Seulement, si nous prévoyons des dispositifs exceptionnels, nous devons les entourer de garanties supplémentaires, en commençant par les limiter dans le temps. À propos d’une autre disposition, ne nous a-t-on pas dit qu’elle devait être limitée dans son usage à la lutte contre le terrorisme et dans le temps à une durée de trois ans ? Si l’on considère que les services de renseignement ont aujourd’hui besoin, pour faire face à l’afflux de problèmes et de menaces auquel ils sont confrontés, de mesures particulières adaptées à une situation particulière, pourquoi pas ? Mais limitons leur usage à deux ou trois ans. En tout état de cause, ne brandissons pas ce contexte pour ouvrir une brèche dans une position que le Parlement a constamment maintenue : oui à un dispositif exceptionnel, mais pour une durée limitée.

Si l’on accepte l’idée, qui se comprend, que nos services de renseignement ont besoin de plus de pouvoirs et de facilités, il n’en demeure pas moins important de renforcer le contrôle en aval. Je conçois parfaitement que les services aient besoin de latitude pour agir ; mais que l’on donne alors aux citoyens et à ceux qui les représentent la possibilité de vérifier, via l’intervention des structures habituelles, que tout s’est déroulé dans des conditions satisfaisantes après-coup – car il ne s’agit pas de gêner sur le moment l’action des services.

À cet égard, je regrette que, hier, ma proposition de renforcer les responsabilités de la délégation parlementaire au renseignement n’ait pas été retenue. Je proposerai tout à l’heure que l’on renforce les responsabilités de la CNIL pour s’assurer que les fichiers mis en place à partir des données pourront être contrôlés dans des conditions qui garantissent le secret de la défense nationale.

S’il en est ainsi, je suis tout à fait d’accord pour ramener à dix jours le délai de conservation des données afin de limiter dans le temps une mesure exceptionnelle, d’autant que la représentation nationale disposera de contrôles a posteriori lui garantissant que cette mesure aura été utilisée d’une manière conforme à ce qu’elle pouvait attendre.

Monsieur le ministre, monsieur Karoutchi, je ne crois pas qu’une telle position mette en cause l’esprit républicain de nos fonctionnaires et de nos services. Il ne fait aucun doute qu’ils agissent avec le souci de respecter la loi et dans un esprit républicain. Simplement, nous connaissons les circonstances dans lesquelles ils sont appelés à intervenir. Nous savons aussi qu’un service de renseignement ne peut pas être comparé à un service d’aide à domicile ou à un service administratif quelconque. Il présente des caractéristiques particulières et agit dans des circonstances particulières, avec des pouvoirs particuliers, qui justifient que la République se préoccupe de contrôler la manière dont il travaille.

Donnons plus de pouvoirs à nos services, mais prévoyons aussi les limites nécessaires dans le temps et instaurons des mécanismes de contrôle a posteriori !

Ce qui me gêne dans ce débat, depuis le début, c’est que l’on ne veut pas trancher. Si l’on nous demande d’agir dans un contexte particulier, ce que nous pouvons comprendre, alors nous prendrons les mesures nécessaires, mais en les assortissant de garanties supplémentaires. Si, à l’inverse, l’on considère que le débat doit se dérouler de façon tout à fait normale, vu qu’il est engagé depuis deux ans, alors qu’on ne reproche pas au Parlement de mettre en danger la République parce qu’il est simplement fidèle à sa doctrine !

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

Monsieur Gorce, ce projet de loi n’est pas un texte de circonstance ; mais ce n’est pas une raison pour ignorer toutes les circonstances dans lesquelles il s’inscrit !

Que ce texte ne soit pas dicté par l’émotion des attentats du mois de janvier dernier est un fait incontestable, puisque sa préparation a été décidée par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault de longs mois avant que les attentats ne soient commis ; le travail parlementaire lui-même avait largement commencé dès avant les attentats. Néanmoins, faut-il faire comme si les événements de janvier n’avaient pas eu lieu ? Nous ne pouvons pas ignorer le contexte de l’heure, car il nous appartient de faire face à la situation.

Vous avez expliqué que, compte tenu des circonstances dont on ne peut ignorer la particularité, il convenait d’instaurer des dispositifs d’encadrement spécifiques. Tel est précisément l’objet du projet de loi.

Mesdames, messieurs les sénateurs, certains d’entre vous connaissent bien, pour y avoir travaillé, la loi du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des télécommunications. Vous mesurez bien que le mécanisme d’encadrement des services de renseignement prévu à l’époque n’a rien à voir avec celui que nous proposons aujourd’hui.

Ainsi, les pouvoirs de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement sont sans commune mesure avec ceux de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité. Quant au contrôle juridictionnel, il n’existait pas en dehors de l’autosaisine par le Conseil d’État pour contester les actes administratifs pris dans le cadre de l’activité des services de renseignement. Désormais, il pourra être sollicité par la CNCTR, et le juge pénal pourra même intervenir dès lors que des infractions pénales auront été constatées dans la mobilisation d’une technique de renseignement. En outre, la délégation parlementaire au renseignement, dont M. Gorce souhaite le renforcement, vient de voir ses prérogatives élargies en matière de contrôle par rapport à la législature précédente.

Monsieur le sénateur, vous avez tellement raison que tout ce que vous demandez figure dans le projet de loi.

Je vous le répète : ce projet de loi n’est pas un texte de circonstance, mais nous ne devons pas ignorer que le contexte a changé depuis sa rédaction. Parce que les circonstances sont particulières, les mécanismes de contrôle sont nettement renforcés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je ne remets aucunement en cause la qualité du travail de la DGSI, dont M. le ministre a eu raison de rappeler l’existence, ni l’engagement de ses services, ni le dévouement et l’éthique de l’immense majorité de ses agents. Simplement, j’ai le droit de souligner qu’il y a eu certaines tentatives par le passé pour échapper aux contrôles.

On parle toujours du terrorisme, mais ces techniques ne sont pas, contrairement à certaines mesures spécifiques avec lesquelles j’étais d’accord, réservées à la lutte antiterroriste : il s’agit de mesures générales. D’où ma mise en garde. Faut-il conserver les données aussi longtemps dans les cas de violences collectives ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Madame la présidente, je sollicite une suspension de séance de cinq à dix minutes avant que nous ne procédions au vote sur ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Nous allons donc interrompre nos travaux pour cinq minutes.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à dix-huit heures trente-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La séance est reprise.

La parole est à M. Michel Boutant, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Boutant

Nous avons tous le sentiment que quelque chose d’important se joue. Avec Jean-Pierre Sueur, et quelques autres collègues, dont Gaëtan Gorce, je suis le signataire de l’amendement n° 141 rectifié, qui est identique à l’amendement n° 72 rectifié bis retiré par M. Jean-Jacques Hyest.

L’argumentation développée par M. le ministre de l’intérieur donne à réfléchir. Il est vrai que les sénateurs ne sont pas aussi informés que lui ou que le ministre de la défense de la situation nationale ou internationale dont s’occupent l’ensemble de nos services de renseignement.

Les échanges entre M. Philippe Bas et M. Jean-Pierre Sueur, qui a défendu nos amendements, n’ont pas pu aboutir à la rédaction d’un sous-amendement. Par conséquent, il me semble difficile de les maintenir.

Nous faisons confiance au ministre de l’intérieur, comme nous faisons confiance aux services qui interviennent dans ce contexte très particulier, car nous aimerions pouvoir mettre un terme à l’extension de l’État islamique et à ses actions de recrutement sur notre territoire.

À défaut de trouver une autre solution, je retire donc les amendements n° 141 rectifié et 142 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Les amendements n° 141 rectifié et 142 rectifié sont retirés.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

On ne gagne jamais rien à travailler sous le coup de l’émotion. Je ne comprends pas cette façon de procéder. Nous venons d’autoriser l’exploitation de données, non pas en dix jours, mais en trente jours, à titre préventif, au nom de la sécurité, au prétexte que la CNCTR a considéré qu’une personne méritait d’être écoutée parce qu’elle présentait un danger. Si ce sont les moyens qui manquent à nos services, dites-le ! Simplement, il n’est pas cohérent d’affirmer tout à la fois qu’il est nécessaire, pour des raisons de sécurité, de réaliser des écoutes, et de demander que ces données soient exploitées en trente jours, au lieu de dix !

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L'amendement n° 54, présenté par Mmes Cukierman, Demessine et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 63

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Nous souhaitons attirer plus particulièrement l’attention sur les données chiffrées. À notre avis, pour ce qui les concerne, le délai de conservation ne peut débuter qu’à partir de leur déchiffrement, c’est-à-dire de leur seule exploitation ou décryptage par les services. Dans une telle hypothèse, la durée de conservation est laissée à la discrétion des services, sans aucune limitation.

Ces données, sous prétexte qu’elles sont chiffrées, ne doivent donc pas se voir appliquer un régime spécifique qui laisserait ainsi aux services toute latitude pour en retarder l’exploitation et en allonger de fait la conservation.

Nous proposons donc d’aligner les données chiffrées sur le même régime que les autres types de renseignements, en les détruisant à l’issue d’une durée de trente jours à compter de la première exploitation, et en tout état de cause dans un délai maximal de trois mois après leur recueil.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

Défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L'amendement n° 140 rectifié, présenté par MM. Raynal, Sueur, Delebarre, Boutant, Reiner et Gorce, Mmes S. Robert et Jourda, MM. Bigot, Duran, Desplan et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 64

Remplacer les mots :

des éléments de cyberattaque

par les mots :

des éléments relatifs aux infractions constitutives d’atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

L’expression « cyberattaque » n’est pas à proprement parler une notion juridique. De ce fait, il nous paraît important pour la précision du texte de reprendre l’intitulé du chapitre III du titre II du livre III du code pénal intitulé : « Des atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données. »

Loin d’être une simple précision sémantique, ce changement de vocabulaire a pour objet d’encadrer au mieux l’action des services tout en garantissant les droits fondamentaux des individus, puisque ces éléments renvoient alors à des éléments clairement définis juridiquement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Défavorable. L’acception du mot « cyberattaque » est plus large.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

Défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L'amendement n° 143 rectifié, présenté par Mme S. Robert, MM. Sueur, Delebarre, Boutant et Reiner, Mme Jourda, MM. Gorce, Bigot, Raynal, Duran, Desplan et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 64

Remplacer les mots :

au-delà des durées mentionnées au présent I

par les mots :

pendant dix ans

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

J’espère rencontrer avec cet amendement un plus grand succès que pour le précédent…

L’alinéa 64 concerne les renseignements collectés par les services qui contiennent des éléments de cyberattaque. En l’état, le projet de loi prévoit qu’ils soient conservés au-delà des durées prévues pour les autres catégories de données. En revanche, aucun délai de conservation n’est mentionné, ce qui est étrange.

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, s’il faut prévoir des délais partout, pourquoi les renseignements visés à cet alinéa feraient-ils exception à cette règle ? Le Conseil constitutionnel pourrait ne pas y être favorable, ledit délai ne pouvant être infini et devant être justifié au regard des finalités.

Afin de sécuriser juridiquement le dispositif, et par analogie avec les autres catégories de données, nous proposons de faire figurer dans la loi un délai plus que raisonnable pour la conservation des éléments chiffrés ou de « cyberattaque » – néologisme qui figure dans le texte –, délai que nous souhaitons fixer raisonnablement à dix ans.

Eu égard au débat que nous venons d’avoir à l’instant, personne ne pourra dire que dix ans, ce n’est pas raisonnable !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

D’un point de vue technique, il s’agit non pas de données se rapportant à une personne, mais de données de type « virus informatique » pouvant présenter un intérêt scientifique. Leur conservation ne présente aucun inconvénient pour aucune personne. En revanche, elle peut permettre de reconstituer des méthodes de cyberattaque. La commission est défavorable à l’amendement.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

Je souscris totalement à l’argumentation de Philippe Bas : il est question ici de données concernant non pas des personnes, mais des codes, des moyens de cryptologie.

Monsieur Sueur, votre amendement vise à limiter à dix ans la durée de conservation des renseignements chiffrés, ainsi que ceux qui contiennent des éléments de cyberattaque, qui peuvent être conservés au-delà des durées autorisées aux seules fins d’analyses techniques.

Cet alinéa 64, je le répète, ne porte que sur les activités de cryptanalyse, c’est-à-dire sur les activités ayant pour objet non pas de surveiller des cibles – c’est ce que vient d’expliquer le rapporteur à l’instant –, mais de « casser » des codes. Or ce travail technique nécessite de très longues séries temporelles. Un délai de dix ans, pour des éléments de cryptologie très sophistiqués, pourrait se révéler trop bref.

Je rappelle que ces données sont conservées en cas de stricte nécessité, pour les seuls besoins d’analyses techniques et à l’exclusion de toute utilisation pour la surveillance des personnes concernées. Cela paraît donc suffisant pour contrebalancer l’absence d’encadrement de leur durée de conservation.

Pour conclure, les renseignements visés à cet alinéa ne concernant pas les personnes, le grief d’inconstitutionnalité soulevé par Jean-Pierre Sueur ne me paraît pas devoir être opérant.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je n’avais pas l’intention de prendre la parole sur cet amendement, n’étant pas un spécialiste de ces questions.

Pour en revenir au débat précédent, je le dis en toute sincérité à nos collègues socialistes, j’aurais plutôt été favorable au délai de dix jours si j’avais le sentiment que les services de renseignement disposent aujourd’hui du personnel nécessaire. Les choses étant ce qu’elles sont et le Parlement n’ayant pas la capacité de créer des postes à tour de bras en quelques jours, il faut donc du temps.

S’agissant de l’amendement n° 143 rectifié, après avoir entendu le propos de Philippe Bas, je pensais me rallier à la position de la commission. Or M. le ministre nous explique que les renseignements visés à cet alinéa pourront être conservés au-delà des durées mentionnées pour les autres catégories de données dès lors qu’elles ne sont pas utilisées pour la « surveillance des personnes concernées ». Mais de qui parle-t-on ? Qui sont les personnes concernées ?

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

Sans doute ne me suis-je pas exprimé avec suffisamment de précision. Ces données sont conservées sur une durée très longue pour obtenir des renseignements, non sur des personnes, mais sur des codes de cryptologie. Voilà ce qui nous intéresse.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L'amendement n° 144 rectifié bis, présenté par MM. Sueur, Delebarre, Boutant, Reiner et Gorce, Mmes S. Robert et Jourda, MM. Bigot, Raynal, Duran, Desplan et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéas 67 et 68

Rédiger ainsi ces alinéas :

« Art. L. 822 -3. – Les données ne peuvent être collectées, transcrites ou extraites à d’autres fins que celles mentionnées à l’article L. 811-3. Les données ne présentant aucun lien direct avec la personne visée par la mesure et les finalités mentionnées à l’article L. 811-3 ne peuvent donner lieu à aucune extraction ou transcription.

« Les transcriptions ou extractions doivent être détruites, sous l’autorité du Premier ministre, dès que leur conservation n’est plus indispensable à la réalisation de ces finalités.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Il s’agit, là encore, d’un amendement protecteur, comme le sont d’ailleurs tous ceux que nous présentons.

Il vise à préserver les garanties offertes aujourd’hui par les articles L. 242-5 et L. 242-7 du code de la sécurité intérieure. Ces dispositions autorisent la transcription des seuls éléments en lien avec l’un des motifs légaux limitativement énumérés. Elles confient au Premier ministre la responsabilité de vérifier que les transcriptions sont détruites conformément au cadre légal et que des procès-verbaux en attestent.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

La commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

Il est possible qu’au cours d’une enquête de police administrative soient découverts des éléments étrangers à celle-ci et dont l’exploitation par les services de renseignement soit justifiée, conformément au cadre légal dans lequel s’inscrit leur action. Interdire par avance toute exploitation de renseignements découverts à l’occasion de la mise en œuvre d’une technique de renseignement serait excessif. Si ces informations sont exploitées, c’est qu’elles sont essentielles. Par conséquent, il vaut mieux permettre leur exploitation.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

Pour compléter ce que vient de dire M. le rapporteur, il s’agit de mesures de police administrative, c’est-à-dire visant à prévenir un acte portant atteinte à l’ordre public.

Par conséquent, la collecte de ce type de renseignements ne se fait pas intuitu personae. Puisqu’il s’agit non pas de mesures judiciaires de poursuites, mais de mesures de prévention, si l’on récupère des éléments sans lien direct avec la personne visée par la mesure et les finalités définies par le présent texte, mais qui peuvent être utilisés pour prévenir des actes criminels ou de nature à porter gravement atteinte à l’ordre public, faut-il renoncer à les utiliser ? Quel serait le sens d’une telle démarche et comment pourrait-on justifier que, sous prétexte que cela ne concernait pas la personne interceptée, l’on ait détruit des éléments qui pouvaient permettre de prévenir des troubles graves à l’ordre public, des actes terroristes ou criminels, alors que les services avaient entre les mains tous les éléments qui leur permettaient d’éviter que ces actes ne soient commis ?

Votre raisonnement, monsieur le sénateur, dont je comprends l’inspiration, préside aux dispositifs de caractère judiciaire. Or il s’agit là de mesures de police administrative. Par conséquent il n’est pas possible de raisonner comme vous le faites. Le cas échant, nous serions bien en peine d’expliquer la raison de la destruction d’éléments qui pouvaient permettre la prévention d’actes graves.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Les propos du ministre paraissent frappés au coin du bon sens. Par la force des choses, cela signifie que les données recueillies font logiquement l’objet d’une exploitation, bien qu’elles n’aient aucun lien direct avec la personne visée par la mesure et les finalités définies par le projet de loi. Cela signifie également que seront créés des fichiers destinés à exploiter ces données.

Je souligne que le projet de loi, à aucun moment – et c’est sa faiblesse –, ne prévoit que ces fichiers feront l’objet d’un contrôle. C’est en quelque sorte un point mort dans notre réflexion.

C’est pourquoi je présenterai tout à l’heure un amendement visant à ce que les fichiers constitués dans le cadre de la mise en œuvre d’une technique de recueil de renseignements fassent l’objet d’un contrôle. L’objectif n’est pas de gêner l’action des services, mais, bien au contraire, d’apporter à nos concitoyens les garanties qu’ils sont en droit d’attendre.

L’argumentation du Gouvernement me paraît recevable à la condition que nous puissions nous assurer que l’exploitation ultérieure de ces données « externes » se fera dans des conditions suffisamment protectrices, de manière générale, et non au cas par cas.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

Monsieur le sénateur, vous avez raison, et c'est d’ailleurs ce que prévoit le projet de loi, puisqu’il n’est possible d’agir que dans le cadre des sept finalités déterminées par le texte. Si des éléments concernant une personne autre que celle interceptée peuvent justifier des écoutes spécifiques, il faudra faire une nouvelle demande d’autorisation, selon les procédures fixées dans la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

J’entends les propos du rapporteur et de M. le ministre. Depuis le début de la discussion de ce projet de loi, les représentants du Gouvernement et les parlementaires ne cessent de dire que ce texte est protecteur des libertés et qu’il présente des garanties : en effet, toutes ses dispositions obéissent à des finalités précises, strictement déterminées et ciblées – il en va ainsi des recherches concernant une personne comme des algorithmes qui seront utilisés.

Nous avons largement répété, comme nous l’avons fait encore hier soir longuement, que nous récusions tout ce qui pourrait s’apparenter à du « pompage » c’est-à-dire, pour employer une expression plus littéraire, à de la captation d’un très grand nombre de données, sans finalité particulière. C’est cela qui nous distingue des pratiques d’autres pays – je pense notamment au système mis en place aux États-Unis sur lequel le Sénat américain est, à juste titre, revenu.

Nous maintenons donc cet amendement, qui pourrait sans doute, il est vrai, être amélioré sur la forme. Nous souhaitons marquer notre différence et conserver l’état d’esprit qui a présidé à la rédaction de ce texte.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

Monsieur Sueur, ce n’est pas parce que vous allez obtenir des informations sur un citoyen B dans le cadre de l’interception de sécurité dont fait l’objet un citoyen A que vous faites de la surveillance de masse ! Cela n’a rien à voir !

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

À quelle situation nous conduirait l’adoption de votre amendement ? Je prendrai un exemple très concret : si j’obtiens, dans le cadre d’une interception concernant, par exemple, une affaire terroriste, des informations concernant un autre citoyen que celui surveillé, il nous faudra passer de nouveau devant la CNCTR pour avoir le droit d’intercepter ces autres éléments.

Votre amendement empêchera la transcription d’éléments de l’interception de sécurité relatifs à ce dernier, et donc d’utiliser des informations extrêmement utiles et précieuses, dans le cadre de la prévention de la lutte contre le terrorisme, notamment au titre de mesures de police administrative pour lesquelles ce texte a été élaboré.

Il faudrait ôter la deuxième phrase du premier alinéa. Ainsi rédigé, votre amendement ne nous conduirait pas à une situation où l’État ne pourrait pas transcrire des informations précieuses et où il serait obligé de les détruire, ce qui rendrait inefficace son action de police administrative.

Si vous acceptez ma proposition, qui a pour but de vous montrer ma bonne foi, je pourrais être favorable à votre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Monsieur le ministre, je suis navré de ne pouvoir m’associer à votre tentative de compromis. Il se trouve que l’alinéa 68 du texte de la commission correspond exactement à l’amendement n° 144 rectifié bis, tel que vous souhaitez qu’il soit rédigé. Je crains fort que votre proposition ne soit pas réellement une solution, mais peut-être ai-je mal compris ?

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

Monsieur le rapporteur, c'est vous qui avez parfaitement bien compris ! Cela montre bien la difficulté à laquelle je suis confronté lorsque j’essaye de donner satisfaction à des auteurs d’amendements qui ne m’ont pas convaincu, particulièrement dans le cadre d’une discussion parlementaire portant sur un sujet sensible.

Compte tenu de la précision que vous venez d’apporter, je suis donc obligé de confirmer mon avis défavorable sur l’amendement n° 144 rectifié bis, à moins que Jean-Pierre Sueur n’accepte de le retirer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

J’ai été sensible à la proposition de M. le ministre. Il est clair que la conjonction de la première phrase et de la dernière phrase de mon amendement permet de répondre à notre préoccupation, sans entraîner les inconvénients que peut engendrer la deuxième phrase.

Le rapporteur a raison lorsqu’il dit que cela figure déjà à l’alinéa 68. Simplement, la dernière phrase précisait, ce que M. le ministre était prêt à accepter, que la destruction avait lieu « sous l’autorité du Premier ministre ». Cette référence au Premier ministre pourrait être ajoutée.

Néanmoins, compte tenu de la position de M. le ministre et de la remarque juste du rapporteur, j’accepte de retirer mon amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Le Premier ministre est déjà mentionné dans le texte. Il n’est donc pas utile de dupliquer cette référence. En effet, au début du chapitre II intitulé « Des renseignements collectés », à l’alinéa 56, l’article L. 822-1 du code de la sécurité intérieure, le texte de la commission prévoit déjà que les procédures sont mises en œuvre sous l’autorité du Premier ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L'amendement n° 144 rectifié bis est retiré.

L'amendement n° 145 rectifié, présenté par MM. Sueur, Delebarre, Boutant, Reiner et Gorce, Mmes S. Robert et Jourda, MM. Bigot, Raynal, Duran, Desplan et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 69

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 822 -4. – Les procès-verbaux de la destruction des données collectées, transcriptions ou extractions mentionnées à l’article L. 822-3 sont tenus à la disposition de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

L’amendement se justifie par son texte même, qui est très limpide. Il nous paraîtrait singulier qu’il en aille autrement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je tiens à le rappeler, tous les membres de la commission des lois ont été associés à l’élaboration du texte dont nous débattons aujourd’hui.

L’alinéa 69 adopté par la commission comprend, en réalité, beaucoup plus de garanties que l’alinéa présenté dans l’amendement n° 145 rectifié. Disparaissent, en effet, un certain nombre d’éléments utiles du texte de la commission, comme la référence aux agents habilités à procéder aux opérations de transcription et d’extraction.

Comme cet alinéa ne comporte pas exclusivement des dispositions sur les procès-verbaux et l’accès qu’en a la CNCTR, la commission souhaiterait le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y serait défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L'amendement n° 145 rectifié est retiré.

Je suis saisie de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 95, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 79

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 1° Un député et un sénateur désignés conjointement par le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat, dont au moins un appartient à un groupe ne soutenant pas le Gouvernement, après chaque législature de l’Assemblée ou renouvellement partiel du Sénat ;

II. - En conséquence, alinéa 78

Remplacer le mot :

neuf

par le mot :

sept

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Cet amendement vise à limiter la place des parlementaires qui composent actuellement près de la moitié de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

En effet, nous considérons, à l’inverse de nos collègues socialistes, que le nombre de quatre parlementaires, sur neuf membres de la commission, est trop important pour permettre un contrôle actif et permanent de la CNCTR. Nous proposons donc de limiter leur nombre à deux.

De surcroît, il est nécessaire que, parmi la représentation parlementaire, il y ait un membre d’un groupe ne soutenant pas le Gouvernement, afin d’assurer une représentation pluraliste. Il est donc proposé que le député et le sénateur soient désignés conjointement par les présidents des deux assemblées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L'amendement n° 146 rectifié, présenté par MM. Sueur, Delebarre, Boutant, Reiner et Gorce, Mmes S. Robert et Jourda, MM. Bigot, Raynal, Duran, Desplan et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 79

Remplacer les mots :

Deux députés et deux sénateurs

par les mots :

Trois députés et trois sénateurs

II. – Alinéas 80 et 81

Remplacer le mot :

deux

par le mot :

trois

III. – En conséquence, alinéa 78

Remplacer le mot :

neuf

par le mot :

treize

IV. – Alinéa 85

Remplacer les mots :

moitié tous les trois ans

par les mots :

tiers tous les deux ans

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Cet amendement vise à revenir au texte adopté par l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Les amendements n° 115 rectifié, 86 rectifié et 81 rectifié ne sont pas soutenus.

L'amendement n° 96, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 82

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« 5° Une personnalité qualifiée pour sa connaissance en matière de respect des droits et libertés, nommée sur proposition du Défenseur des droits.

« Le représentant mentionné au 5° exerce son activité à titre bénévole.

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

L’amendement n° 96 ainsi que l’amendement suivant, n° 97, visent à élargir et à diversifier la composition du collège de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, en y incluant, d’une part, une personne nommée par le défenseur du droit et, d’autre part, une personne nommée par la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

Par leur expertise et leur indépendance, ces deux personnes nous semblent à même de renforcer l’effectivité du contrôle de la CNCTR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L'amendement n° 97, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 82

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« 5° Une personnalité qualifiée pour sa connaissance en matière des traitements automatisés et de protection des données personnelles, nommée sur proposition de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

« Le représentant mentionné au 5° exerce son activité à titre bénévole.

Cet amendement vient d’être défendu par son auteur.

Quel est l’avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Ces amendements sont contraires au texte de la commission, qui préfère le sien à celui de l’Assemblée nationale, ce qui ne surprendra aucun de nos collègues participant au débat ! La commission est donc défavorable à l’ensemble des amendements.

L’amendement de Mme Benbassa tend à réduire à un seul représentant par assemblée le nombre de parlementaires, ce qui est préjudiciable au pluralisme. Par ailleurs, il prévoit que ces parlementaires seront désignés par les présidents des deux assemblées. Nous préférons qu’ils le soient par les assemblées elles-mêmes après une procédure plus démocratique.

Les amendements n° 96 et 97 tendent à ajouter au collège des personnalités qualifiées. Cette proposition me semble être de nature à déplacer le centre de gravité que le texte avait donné à la CNCTR en définissant ses missions. La Commission dispose de services techniques, dont elle a besoin, mais elle n’est pas composée de techniciens.

Elle est composée, puisqu’il s’agit de questions de droit, de parlementaires, de conseillers à la Cour de cassation et de conseillers d’État. En effet, son objectif est de chercher des solutions légales permettant de concilier au mieux, d’une part, les nécessités de l’action publique portant sur des motifs d’intérêt national avec, d’autre part, les exigences de respect de la vie privée et des libertés. En déplaçant le centre de gravité de cette commission du côté des techniciens, on risque de l’empêcher d’accomplir ses missions. C’est pourquoi nous émettons un avis défavorable.

Quant à l’amendement n° 146 rectifié, qui vise purement et simplement à reprendre le texte de l’Assemblée nationale – qui était d’ailleurs contraire à celui du Gouvernement –, il conduit à créer une commission aux effectifs beaucoup trop importants. Or non seulement cela nuirait à la qualité de son travail, mais surtout cela poserait un problème de recrutement. Ne croyez surtout pas que les membres de la Cour de cassation et du Conseil d’État vont se précipiter pour siéger dans une commission dont les missions, pour intéressantes qu’elles soient puisqu’elles contribuent à la qualité de l’action publique et à la protection des libertés, ne sont pas de même nature que celles de ces juridictions, qui mobilisent souvent l’engagement et parfois la passion des magistrats.

Par conséquent, il sera très difficile de trouver davantage de magistrats pour siéger dans cette commission. D’ailleurs, il sera compliqué aussi de recruter plus de parlementaires, dans la mesure où ceux-ci ont déjà – nous le voyons jour après jour, y compris aujourd'hui – un emploi du temps extrêmement chargé, qui les empêche de siéger trop souvent dans ce type d’instances extérieures.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

Le Gouvernement partage l’avis de la commission, sauf pour l’amendement n° 146 rectifié au sujet duquel il émet un avis de sagesse.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Je mets aux voix l'amendement n° 146 rectifié.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 197 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 96.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L'amendement n° 98, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 82

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La composition de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement respecte une représentation équilibrée de chaque sexe. L’écart entre chaque sexe ne peut être supérieur à un. Un décret fixe les conditions dans lesquelles est appliquée cette parité. »

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Cet amendement vise à rétablir une disposition relative à la parité figurant dans le texte de l’Assemblée nationale et supprimée par la commission des lois du Sénat. Le groupe écologiste est très attaché à la défense de la parité, quelle que soit l’institution dont il est question. Aussi, il nous semble important que soit inscrit dans la loi le principe de représentation équilibrée de chaque sexe au sein de la CNCTR. Il est dur d’accepter les femmes !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je voudrais que nul ne doute de l’attachement de la commission des lois à la mixité…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

… qui constitue pour nous un objectif extrêmement important. Mais nous avons remarqué, malheureusement, que les institutions qui seront amenées à désigner les membres de la CNCTR, à commencer par le Parlement, ne sont pas encore, et c’est bien sûr regrettable, paritaires.

Vouloir que des institutions non paritaires désignent paritairement les membres d’autres institutions est très difficile.

Par ailleurs se pose une autre difficulté puisque quatre institutions – la Cour de cassation et le Conseil d'État pour les magistrats ; l’Assemblée nationale et le Sénat pour les parlementaires – désigneront les membres de la commission. Comment se fera le calcul ? Nous nous trouverons, me semble-t-il, devant une équation impossible.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Mais non !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je le déplore, mais la commission, en raison de ces deux obstacles assez lourds…

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Mais pas rédhibitoires !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

… et même dirimants, a cru de son devoir de formuler un avis défavorable sur l’amendement n° 98.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

M. Bernard Cazeneuve, ministre. En dépit de toute la considération que j’ai pour M. Bas, son argumentation est celle d’un conservateur manchois, ce qui est logique puisqu’il est président du conseil départemental de la Manche.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

Je m’explique : le raisonnement de M. Bas consiste à constater que, par conservatisme, par absence de modernité, les institutions parlementaires ne sont pas paritaires, et à inférer de cet état de fait qu’elles sont incapables de créer les conditions de désignation paritaire dans des organismes qui dépendent d’elles. C’est la double peine ! Cela signifie que des instances qui ne sont pas paritaires…

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

… seraient incapables de désigner des femmes dans d’autres organismes pour que la parité y soit possible. Mais on peut très bien, dans une institution non paritaire comme le Sénat, corriger cette situation…

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

… en faisant en sorte que, dans les organismes qui en dépendent, la parité soit réalisée !

Pour ma part, je fais le choix du raisonnement inverse. Voilà pourquoi je suis très favorable à l’amendement n° 98 de Mme Benbassa.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je le suis d’ailleurs d’autant plus que c’est la première fois que je peux l’être.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

Ce n’est pas le sens de mon propos, madame la sénatrice. J’aimerais plus souvent être en accord avec vous. Je ne cache donc pas ma joie ici.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Merci, monsieur le ministre, de vos propos. Vous ouvrez le débat.

Monsieur Bas, ça fait des années que j’entends de tels arguments. Je suis professeur à l’université, où nous sommes 10 % de femmes à ce rang. On nous a toujours dit qu’il était très difficile d’en recruter plus à cause des périodes de grossesse qui nous empêchaient d’enseigner !

Regardez l’hémicycle, c’est triste qu’il y ait si peu de femmes ! Nous sommes 25 % et nous nous sommes battues pour cela ! Les arguments que vous nous opposez sont fallacieux ! Depuis des siècles, on soulève sans cesse les difficultés que pose l’acceptation des femmes ! Il est temps que l’on s’ouvre à cette idée. Le Sénat se porterait mieux avec plus de femmes !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Plus sénateur que sénatrice, je dirai néanmoins quelques mots par solidarité avec Mme Benbassa.

En l’espèce, je soutiens absolument le ministre dans ce débat entre Bas-Normands. §Ce n’est pas parce qu’une institution n’est pas paritaire qu’elle ne peut pas tendre à ce que d’autres le soient ! En outre, il ne s’agit pas de « mixité », mais de « parité » ! Par solidarité, je soutiendrai l’amendement n° 98.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à Mme Michèle André, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Il y a quelques années, lorsque nous avons créé le Haut Conseil des finances publiques, nous avons eu un débat de cette nature. Le ministre qui représentait alors le Gouvernement dans l’hémicycle n’était pas opposé à l’idée d’une parité, même s’il ne voyait pas très bien comment procéder concrètement. Nous sommes aujourd'hui dans une situation similaire.

En tout état de cause, sachez que Didier Migaud, président du Haut Conseil des finances publiques, dont la composition est aujourd'hui paritaire, m’a dit il y a quelques jours combien il appréciait cet équilibre.

De la même manière, il a fallu nommer un nombre égal d’hommes et de femmes à la Banque publique d’investissement, la BPI.

Nous nous sommes démenés pour trouver les hommes et les femmes qui pourraient siéger, en nombre égal, dans ces deux instances, tout en respectant des équilibres politiques et un certain nombre d’autres exigences. C’est un peu compliqué, mais nous avons prouvé que c’était possible, et on en voit aujourd'hui les bienfaits !

Dès lors, je voterai cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

M. Gaëtan Gorce. Mme Benbassa, dont je soutiens l’amendement, s’est laissé emporter à critiquer la charité, qui est un beau sentiment. Nous le savons bien à La Charité-sur-Loire, qui est une belle ville dont j’ai longtemps été le maire !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à Mme Colette Mélot, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Cet amendement participe à l’évolution de la condition des femmes. Même si je ne suis pas une féministe exacerbée, je pense que les femmes doivent pouvoir faire entendre leurs voix. Pourquoi une assemblée, même non paritaire, ne désignerait-elle pas des femmes pour siéger dans une instance ? Je ne saurais donc me dissocier de la position de mes collègues et je voterai l’amendement de Mme Benbassa.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Je mets aux voix l'amendement n° 98.

L'amendement n° 113 rectifié bis n'est pas soutenu.

L'amendement n° 147 rectifié, présenté par MM. Sueur, Delebarre, Boutant, Reiner et Gorce, Mmes S. Robert et Jourda, MM. Bigot, Raynal, Duran, Desplan et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 98, deuxième phrase

Remplacer le mot :

quatre

par le mot :

six

Cet amendement n'a plus d’objet.

L'amendement n° 148 rectifié, présenté par MM. Sueur, Delebarre, Boutant, Reiner et Gorce, Mmes S. Robert et Jourda, MM. Bigot, Raynal, Duran, Desplan et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 105

Remplacer les mots :

doivent être

par le mot :

sont

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L'amendement n° 148 rectifié est retiré.

L'amendement n° 57, présenté par Mmes Cukierman, Demessine et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 110

Supprimer les mots :

sur le territoire national

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Il est également retiré, madame la présidente.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L'amendement n° 57 est retiré.

L'amendement n° 12 rectifié ter n’est pas soutenu.

L'amendement n° 179, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 114

Après le mot :

formulée

supprimer la fin de cet alinéa.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Cet amendement a pour objet d’améliorer la rédaction des dispositions relatives au délit d’entrave à l’action de la CNCTR, en supprimant la pénalisation de l’absence de fourniture du contenu des transcriptions ou extractions sous une forme directement accessible.

Il vise notamment les situations dans lesquelles les contenus ne sont pas directement lisibles – par exemple, en cas de données chiffrées, de données dont la traduction s’avère complexe ou de données dégradées, difficilement lisibles ou audibles.

Dans la mesure où la CNCTR dispose d’un accès permanent aux renseignements recueillis, il est possible qu’elle sollicite cet accès à un moment où ces renseignements ne sont pas encore déchiffrés, mis au clair ou exploités. Dans cette situation, il serait excessif d’engager mécaniquement la responsabilité pénale des agents pour l’absence de fourniture d’un contenu qui n’a pas encore pu être rendu lisible ou exploitable pour leurs propres besoins.

La rédaction qui résulterait de l’adoption de cet amendement serait davantage conforme aux standards de rédaction de la définition du délit d’entrave, tel qu’on peut la retrouver, par exemple, à l’article 12 de la loi du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

L’adoption de cet amendement aurait une conséquence très grave. Si les données transmises à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement ne le sont pas sous une forme directement accessible, autant dire qu’il ne sert à rien de les transmettre !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Le délit d’entrave à l’exercice des pouvoirs de la CNCTR, que le Sénat a pris l’initiative de poser, serait vidé de sa substance s’il était permis aux services de fournir des données dont la forme n’est pas exploitable. J’estime d’ailleurs que la transmission de telles données serait assimilable à une mesure dilatoire de la part d’un agent ou d’un service.

C’est pourquoi la commission, avec beaucoup de fermeté et à l’unanimité, a émis un avis défavorable sur cet amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L'amendement n° 211, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Alinéa 118

Après le mot :

permanent

insérer le mot :

, complet

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Nous nous sommes engagés à déposer cet amendement tout à l'heure, en vue de sortir d’une discussion difficile sur un autre amendement.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Il est vraiment important de préciser que l’accès de la commission à l’ensemble des données sera permanent, complet et direct.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L'amendement n° 149 rectifié, présenté par MM. Sueur, Delebarre, Boutant, Reiner et Gorce, Mmes S. Robert et Jourda, MM. Bigot, Raynal, Duran, Desplan et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 119

Compléter cet alinéa par les mots et deux phrases ainsi rédigées :

et dispose à cette fin, notamment, d’un droit d’accès direct, complet et permanent aux dispositifs utilisés pour les techniques de renseignement prévues au présent titre. Elle procède à toute mesure de contrôle de ces dispositifs. Elle est préalablement informée de toute modification qui leur est apportée et peut émettre des recommandations.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Il est retiré compte tenu du vote intervenu à l’instant, madame la présidente.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L’amendement n° 149 rectifié est retiré.

Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 150 rectifié, présenté par MM. Sueur, Delebarre, Boutant, Reiner et Gorce, Mmes S. Robert et Jourda, MM. Bigot, Raynal, Duran, Desplan et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 122

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° Peut avoir connaissance des données décryptées issues de la plateforme nationale de cryptanalyse et de déchiffrement, ainsi que des conditions de production de ces données.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Cet amendement et le suivant concernent la plateforme nationale de cryptanalyse et de déchiffrement, la PNCD, sujet important et délicat.

Cette plateforme, qui émane de la direction générale de la sécurité extérieure et qui est désormais mutualisée entre les services de renseignement, a longtemps été présentée comme n’existant pas. Il se trouve que le Gouvernement a changé de position à son sujet.

Ainsi, le 12 mai dernier, alors que les ministres de la défense et de l’intérieur étaient auditionnés conjointement par la commission des lois et par la commission des affaires étrangères, il a été demandé à M. Jean-Yves Le Drian s’il était possible que la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement ait connaissance des données décryptées issues de la PNCD. À cette question, M. le ministre de la défense a répondu par la positive.

À ma connaissance, c’est la première fois que le Gouvernement apporte une telle réponse, ce qui prouve qu’il est d’accord pour que la CNCTR puisse contrôler l’ensemble des dispositifs, y compris la PNCD. Je salue cette évolution.

Nous avons déposé les amendements n° 150 rectifié et 151 rectifié, le second étant un amendement de repli, de manière que l’existence de cette plateforme et les conditions d’accès aux données décryptées qui en sont issues puissent nous être confirmées en séance publique.

Il s'agit, bien évidemment, d’amendements d’appel, visant à ce que les précisions qui ont été apportées en commission soient répétées et éventuellement développées dans l’hémicycle. Nous n’avons jamais considéré que la loi devait recenser l’ensemble des dispositifs techniques existants ou susceptibles d’exister ! Ce n’est pas sa fonction.

Nous ne demandons donc rien d’autre qu’une confirmation en séance publique de ce qui a déjà été annoncé devant la commission des lois et la commission des affaires étrangères du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L'amendement n° 151 rectifié, présenté par MM. Sueur, Delebarre, Boutant, Reiner et Gorce, Mmes S. Robert et Jourda, MM. Bigot, Raynal, Duran, Desplan et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 122

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° Peut avoir connaissance des données décryptées issues de la plateforme nationale de cryptanalyse et de déchiffrement.

Cet amendement a déjà été défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

La commission partage le souci de Jean-Pierre Sueur de recevoir davantage d’informations du Gouvernement, à l’occasion de ce débat, sur cette plateforme nationale de cryptage et de décryptage.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

Le ministre de la défense a effectivement fait état, dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, de l’existence du pôle national de cryptanalyse et de décryptement, dit PNCD.

Cet outil, créé en 1999, est consacré au déchiffrement, c'est-à-dire au traitement des chiffres, des codes. Ce n’est pas une plateforme, et ce n’est en aucun cas un outil de surveillance.

La rédaction du futur article L. 822-2 du code de la sécurité intérieure fait implicitement référence à l’activité de déchiffrement, mais il nous paraît finalement exclu de prévoir l’existence de cet outil dans la loi.

Par ailleurs, les données décryptées rejoignent le droit commun et sont donc accessibles à la CNCTR. Dans cette mesure, cet amendement ne nous paraît pas utile.

Dès lors, le Gouvernement vous invite, monsieur Sueur, à retirer cet amendement, sur la base des explications que je viens de donner.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Monsieur le ministre, quel est le fondement juridique de ce dispositif ? L’ensemble des règles s’appliquant à la mise en place de traitements de données et de fichiers a-t-il été respecté conformément à la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ?

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

Il n’est pas besoin d’une autorisation ou d’une base juridique pour créer un service administratif dont la mission relève en quelque sorte des mathématiques et ne présente aucun caractère de surveillance, comme je l’ai dit dans ma déclaration.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Non, je les retire, madame la présidente.

Nous prenons acte de la déclaration du ministre de la défense dont M. le ministre de l’intérieur vient de nous faire part.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Les amendements n° 150 rectifié et 151 rectifié sont retirés.

L'amendement n° 23 rectifié bis, présenté par MM. Malhuret et Commeinhes, Mme Micouleau, MM. B. Fournier, Delattre, Falco et Fouché, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lenoir et de Legge, Mme Morhet-Richaud, MM. Bignon et Milon, Mmes N. Goulet et Cayeux, MM. Vial, Laufoaulu, Cadic et Kern, Mmes Imbert et Deroche et MM. Dériot, Carle et Gremillet, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 123

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 833 -3 -… – I. – La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement réalise l'agrément des dispositifs mettant en œuvre les techniques de renseignement prévues aux chapitres Ier à III du titre V, afin de vérifier leur conformité aux restrictions techniques imposées par les dispositions du présent livre.

« II. – Seuls les modèles de dispositifs agréés par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement peuvent être utilisés pour les finalités prévues aux chapitres Ier à III du titre V.

« III. – Les I et II entrent en vigueur un an après la promulgation de la loi n° … du … relative au renseignement.

La parole est à M. Claude Malhuret.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Nous avons déjà examiné hier des amendements voisins tendant à ce que les dispositifs d’interception de type IMSI catchers et autres soient agréés par un organisme indépendant, à savoir la CNIL.

Le Gouvernement et notre rapporteur nous ont répondu qu’une telle garantie n’était pas nécessaire, car un service – l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI – était déjà chargé de cet agrément.

Mais si l’on ne précise pas ce qu’est l’ANSSI, d’aucuns pourraient croire qu’il s’agit d’une autorité indépendante. Or c’est tout le contraire : cette agence, qui a succédé en 2001 à la Direction centrale de la sécurité des systèmes d’information, dépend du secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale. L’ANSSI est donc rattachée au Premier ministre.

Depuis le début de nos débats, vous ne cessez de dire, monsieur le ministre de l’intérieur, que les plus grandes précautions ont été prises pour éviter tout risque de dérapage en matière d’interceptions de sécurité. À vous entendre, tout serait sous le contrôle de la CNCTR, y compris le mécanisme d’autorisation préalable.

Or si la CNCTR n’a connaissance ni des procédures d’interception ni – plus important encore – des caractéristiques et des paramétrages du matériel d’interception, les autorisations qu’elle délivre et les contrôles qu’elle effectue perdent beaucoup de leur poids. Il s’agit d’une condition essentielle au bon exercice de sa mission.

Il est primordial que ce ne soit pas un service de l’exécutif, mais bien cette autorité indépendante – dont on nous dit qu’elle est la garante de tout le dispositif –, qui agrée les matériels, qui puisse en connaître et en approuver les caractéristiques et l’usage, qui en suive les évolutions et qui vérifie leur conformité aux restrictions techniques imposées par les dispositions du présent livre.

Hors ces conditions, tous les discours sur l’efficacité de la CNCTR et la confiance que nous pouvons avoir dans les garanties qu’elle apporte ne sont que paroles en l’air.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Nous avons eu ce débat à plusieurs reprises. Ce n’est pas la vocation de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement que d’agréer des matériels.

Elle est chargée de porter une appréciation beaucoup plus délicate qu’une évaluation technique, celle de savoir si les finalités d’intérêt général invoquées par les services sont suffisantes pour justifier des mesures de surveillance mobilisant des techniques de renseignement énumérées dans le texte dont nous discutons.

Dans la mesure où existe déjà une commission – prévue par le code pénal – chargée de l’examen des configurations et des qualifications nécessaires de ces matériels, il n’est pas nécessaire de changer la vocation de la CNCTR.

La commission émet un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

Même avis, madame la présidente.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L'amendement n° 184, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 126

Supprimer cet alinéa.

II. - Alinéa 130

Supprimer les mots :

, y compris dans le cadre du II de l’article L. 854-1,

III. - Alinéa 131

Supprimer cet alinéa.

IV. - Alinéa 133

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

Il s’agit d’un amendement de coordination, suite aux dispositions adoptées hier par la Haute Assemblée relatives à la surveillance internationale.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L’amendement n° 85 rectifié n’est pas soutenu.

L'amendement n° 191, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 145

Après le mot :

communiquées

insérer les mots :

par le Premier ministre

II. - Alinéa 149

Compléter cet alinéa par les mots :

et des fichiers intéressant la sûreté de l'État

III. - Alinéa 155

1° Remplacer les mots :

en premier et dernier ressort, des contentieux résultant de

par les mots :

dans les conditions prévues au chapitre III bis du titre VII du livre VII du code de justice administrative, des requêtes concernant

2° Remplacer le mot :

certains

par le mot :

les

3° Supprimer la troisième occurrence du mot :

et

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

C’est un amendement de précision et d’harmonisation rédactionnelle. Avis favorable.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L'amendement n° 14 rectifié quater, présenté par Mme Morin-Desailly, M. L. Hervé, Mme Goy-Chavent et MM. Roche, Bignon et Kern, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 141

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« - d’utilisation des dispositions des articles L. 821-5-2, L. 852-1, L. 853-1, L. 853-2 et L. 854-1 ;

La parole est à M. Claude Kern.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Kern

Cet amendement tend à compléter les informations qui figureront dans le rapport public de la CNCTR.

Il s’agit d’y ajouter : le nombre d’utilisations des techniques de recueil de renseignements par les services, à l’encontre d’un magistrat, d’un avocat, d’un parlementaire ou d’un journaliste ou concernant leurs véhicules, bureaux ou domiciles ; le nombre d’utilisations des dispositions techniques d’interceptions de sécurité ; le nombre d’utilisations des dispositifs techniques de sonorisation de certains lieux et véhicules, et de captation d’images et de données informatiques ; le nombre d’utilisations des mesures de surveillance internationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Une partie des éléments que les auteurs de cet amendement proposent de faire obligatoirement figurer dans le rapport de la CNCTR est déjà mentionnée à l’article L. 833-4 du code de la sécurité intérieure.

Les autres éléments que cet amendement tend à faire inscrire dans le rapport concernent des techniques de renseignement appelées à ne jouer qu’un nombre très limité de fois par an, ce qui pourrait avoir pour effet – nous a-t-on expliqué – de dévoiler plus que ce que les services de renseignement ne devraient publiquement révéler.

C'est la raison pour laquelle, monsieur Kern, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement et d’accepter de vous contenter de la rédaction actuelle de l’article L. 833-4.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L'amendement n° 14 rectifié quater est retiré.

L'amendement n° 172, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 143

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

J’aurais proposé d’adopter cet amendement en lieu et place de l’amendement présenté à l’instant par M. Kern, s’il n’avait été retiré. L’objectif est comparable, mais s’appuie sur un dispositif juridique plus solide.

Cet alinéa prévoit que le rapport de la CNCTR porte sur des statistiques présentées par techniques de recueil et par finalités.

Le Gouvernement ne peut que partager le dessein de transparence de l’amendement précédent et souhaite que les citoyens soient informés le plus largement possible des modalités de mise en œuvre de la présente loi.

Toutefois, rendre publiques les statistiques par techniques de recueil serait inapproprié, car le croisement des données sur des nombres pouvant être faible, il est susceptible de révéler des techniques d’enquêtes privilégiées. Il est donc préférable de s’en tenir au nombre de demandes et d’avis, de réclamations, de recommandations et de leurs suites, d’observations, ainsi que d’utilisation des procédures d’urgence.

Par ailleurs, Jean-Pierre Raffarin a déposé un sous-amendement n° 208 à l’amendement n° 205 de M. Bas, à l’article 13. Ce sous-amendement tend à ce que soient communiquées à la délégation parlementaire au renseignement les statistiques détaillées sur l’utilisation des techniques de renseignement.

L’adoption de ce sous-amendement permettra de satisfaire cette préoccupation sans mettre en péril les opérations en cours et les impératifs de sécurité nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Cette matière a été étudiée de manière très approfondie par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, notamment par son président, Jean-Pierre Raffarin.

Je sais que ce dernier a été sensible aux préoccupations exprimées par le Gouvernement sur l’alinéa 143 tel qu’adopté par la commission des lois, sur proposition de la commission des affaires étrangères.

Ce dialogue très constructif mérite de se poursuivre dans cet hémicycle, raison pour laquelle il serait bon que Jean-Pierre Raffarin nous donne l’avis de sa commission avant que la commission des lois ne se prononce définitivement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Je comprends les préoccupations du Gouvernement.

Il est vrai que ces données figurent aujourd’hui dans le rapport public de la CNCIS. Il serait assez utile de disposer, par finalités et par techniques, de ces informations et statistiques qui nous permettraient de développer cette culture du renseignement dont le pays a besoin pour dissiper les fantasmes.

Tout cela n’est pas simple, je le comprends bien. Si le Gouvernement, comme l’a dit M. le ministre voilà quelques instants, donne un avis favorable à notre sous-amendement n° 208, cette proposition serait satisfaite, ce dont je remercie et le Gouvernement et la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Dans ce type de circonstances, il me faudrait demander une suspension de séance afin de réunir la commission des lois. À titre exceptionnel, je prends sur moi de faire évoluer la position initialement retenue par la commission des lois en passant d’un avis de sagesse à un avis favorable.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 152 rectifié, présenté par Mme S. Robert, MM. Sueur, Delebarre, Boutant et Reiner, Mme Jourda, MM. Gorce, Bigot, Raynal, Duran, Desplan et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 147

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Dans le respect du secret de la défense nationale, la commission peut faire appel, en tant que de besoin, à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, à la Commission nationale de l’informatique et des libertés, et au Défenseur des droits.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

L’édifice entier du contrôle de légalité de la mise en œuvre des techniques de renseignement va reposer sur la CNCTR avant d’éventuelles saisines du Conseil d’État.

La composition, le fonctionnement et les prérogatives de cette commission sont donc primordiaux.

Toutefois, étant donné l’activité incessante des services de renseignement, le degré de technicité des dossiers sur lesquels elle devra prendre position, la CNCTR aura d’abord besoin que ceux qui la composent soient présents et disponibles. Je tiens à le souligner, car beaucoup de parlementaires sont membres de nombreuses instances. Il serait quelquefois utile de faire le bilan de ces participations.

Toujours est-il qu’il paraît sage d’inscrire dans le projet de loi que la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement pourra solliciter l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, la CNIL ou encore le défenseur des Droits autant que de besoin.

Si, au cours des débats parlementaires, le rapporteur, le ministre, voire les deux, ont déjà confirmé que cela allait de soi, je considérerai cet amendement comme satisfait.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L'amendement n° 58, présenté par Mmes Cukierman, Demessine et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 147

1° Après les mots :

des postes

insérer les mots :

, la Commission nationale de l’informatique et des libertés et l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information

2° Remplacer les mots :

de celle-ci

par les mots :

de celles-ci

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Dans son rôle renforcé de contrôle de recueil des renseignements, la CNCTR devra s’entourer de multiples expertises, que les membres qui la composent, femmes et hommes à parité, aussi avisés soient-ils, ne seront pas en mesure de lui apporter, tant les techniques et les renseignements collectés sont complexes.

Aussi, en raison de ses missions transversales, elle aura besoin d’aller bien au-delà de la simple connaissance du fonctionnement des réseaux et de ce qui constitue le champ de compétence de l’ARCEP.

Pour l’essentiel, la saisine de l’ARCEP ne porterait que sur la possibilité de vérifier si la mise en œuvre d’une technique de recueil de renseignement par les services est détectable. Or, du point de vue du respect des droits et des libertés fondamentales, le contrôle doit aussi pouvoir s’exercer sur le recueil des données.

Toutefois, en l’état actuel du texte, il n’existe aucun moyen de vérifier avec exactitude que les fichiers qui seront constitués à partir des données collectées seront tenus conformément aux objectifs et à la durée de conservation fixés par la loi, et dont nous venons de débattre.

En effet, à la différence du régime auquel sont actuellement soumis tous les autres fichiers, qu’ils soient publics, privés ou de police, il n’est pas envisagé que la CNIL puisse exercer des pouvoirs d’inspection et de contrôle sur ces nouveaux fichiers. Il est donc nécessaire que la CNCTR puisse également disposer de conseils de la CNIL en matière de protection des données à caractère personnel.

Nous pensons en outre que l’ANSSI – Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information – devrait être sollicitée sur des thématiques relevant de la sécurité informatique.

Il conviendrait enfin que la CNCTR ait, à son tour, la possibilité de saisir ces deux autorités.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

La commission est défavorable à ces deux amendements.

L’amendement n° 152 rectifié porte sur un alinéa prévoyant la possibilité, pour la Commission nationale de contrôle, de solliciter l’avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes. En effet, s’agissant de communications électroniques, la CNCTR peut avoir besoin de demander un avis technique. La disposition prévue à l’alinéa 147 nous paraissait donc bienvenue puisqu’elle tendait simplement à lui permettre de consulter l’ARCEP : la CNCTR aurait formulé une demande sur une question d’ordre général et l’ARCEP y aurait répondu.

Ce vous proposez, monsieur Sueur, c’est autre chose : il serait possible de « faire appel » non seulement à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, mais aussi à la Commission nationale de l’informatique et des libertés et au Défenseur des droits.

Deux points posent problème.

Le premier est l’expression « faire appel ». Que signifie-t-elle ? « Faire appel », ce n’est pas « consulter ». Les mots ont un sens ! « Faire appel » laisse supposer qu’il pourrait y avoir un échange s’agissant d’un certain nombre de données.

Comment la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, dont les travaux, en raison d’une autre disposition figurant à l’alinéa 107 du même article, « sont couverts par le secret de la défense nationale », pourrait-elle, en faisant appel à d’autres institutions administratives indépendantes, leur fournir des informations ? Certes, la rédaction de l’amendement prévoit que c’est dans le respect du secret de la défense nationale que la CNCTR pourrait faire appel à ces autorités administratives indépendantes. Toutefois, elle se trouverait dans une situation bizarre : soit elle ne pourrait pas respecter l’obligation du secret, soit elle devrait renoncer à donner aux autres autorités des éléments utiles pour que celles-ci puissent apporter un éclairage pertinent sur la question posée.

Plus importante encore est la question de savoir pour quelles raisons la CNIL ou le Défenseur des droits auraient une expertise à apporter à la CNCTR.

La CNCTR n’a jamais à se prononcer sur des fichiers. Par conséquent, la seule expertise que pourrait apporter la CNIL à la CNCTR est parfaitement étrangère aux missions de cette dernière.

Quant au Défenseur des droits, il a un rôle qui le tient tout de même très éloigné de la réalité des missions de la CNCTR. Il ne pourrait d’ailleurs pas intervenir dans des dossiers individuels concernant la CNCTR et il n’est pas non plus habilité à se prononcer sur des questions d’ordre général ayant trait à la mise en œuvre de mesures de surveillance fondées sur des finalités d’intérêt national.

Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

De la même manière, elle est défavorable à l’amendement n° 58, mais elle sera favorable à l’amendement n° 167 du Gouvernement, qui sera présenté ensuite.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Concernant l’amendement n° 152 rectifié, je ferai remarquer que rien n’interdit à la CNCTR d’interroger ou de solliciter des avis. Il n’y a pas nécessité d’une base législative pour que cette commission, si elle le souhaite, consulte d’autres autorités. Le Gouvernement a entendu prévoir la présence, au sein de la CNCTR, d’une personnalité qualifiée en la matière, laquelle sera désignée par l’ARCEP.

Il n’y a donc pas matière à légiférer sur la possibilité pour la CNCTR de consulter, en tant que de besoin, ces autorités.

Simplement, cela ne se ferait sans doute que dans un seul sens, et cela me permet d’en venir à l’amendement n° 58, dont l’objet précise que la CNCTR pourra répondre à des demandes de ces autres autorités. S’il devait en être ainsi, il y aurait, d’une part, une confusion des missions et, d’autre part, un changement même de la nature des prérogatives reconnues par la loi à la CNCTR. Celle-ci n’a pas à répondre à des demandes formulées par ces autorités.

Pour ces raisons, le Gouvernement demande le retrait de l’amendement n° 152 rectifié, considérant qu’une disposition législative n’est pas nécessaire à cet égard puisque la CNCTR pourra apprécier d’elle-même la nécessité éventuelle de consulter d’autres autorités, et il est défavorable à l’amendement n° 58, qui vise à ouvrir la possibilité, pour la CNCTR, de répondre à des demandes de ces autorités.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Vous me voyez, madame la présidente, dans une certaine perplexité, la position de M. le rapporteur n’étant pas exactement celle de Mme la ministre, ce qui n’a d’ailleurs rien d’anormal dans cette démocratie qui nous réunit tous.

En effet, monsieur le rapporteur, vous avez expliqué que l’expression « faire appel » posait problème. Dès lors, si je rectifiais cet amendement en remplaçant « faire appel » par « consulter », émettriez-vous un avis favorable ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Il y a deux sujets différents, monsieur Hyest : soit on considère que cela peut figurer dans la loi, à condition de mettre le verbe « consulter », soit on considère que cela n’a pas lieu d’y figurer !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

M. Philippe Bas, rapporteur. Si vous rectifiiez ainsi votre amendement, mon cher collègue, sans aucun enthousiasme, je suis obligé de vous le dire, la commission s’en remettrait probablement à la sagesse de notre assemblée…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Dans notre droit, l’expression « faire appel » est utilisée, s’agissant des relations entre autorités administratives indépendantes, d’une manière qui implique la participation à l’examen d’un dossier. Cela exposerait donc la CNCTR, dans le cas qui nous intéresse, à devoir partager un secret de la défense nationale que, par ailleurs, le présent texte interdit de partager.

En remplaçant « faire appel » par « consulter », vous retireriez bien le venin – pardonnez-moi l’expression – du dispositif de votre amendement. En revanche, on pourrait dire que sa portée juridique serait inexistante. En effet, demander un avis entre institutions est déjà possible.

Voilà pourquoi, cher collègue, je n’irais pas jusqu’à émettre un avis favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je constate que, dans cette réponse, M. le rapporteur rejoint in fine la position exprimée par Mme la garde de sceaux, selon laquelle rien ne s’oppose à ce que la CNCTR demande leur avis à d’autres institutions.

Je salue d’ailleurs cette position. En effet, j’ai parfois le sentiment que l’on considère la CNIL comme un élément quelque peu démoniaque, ou à tout le moins problématique, en la matière. La vérité m’oblige à dire que nous n’avons pas tous, sur cette question, la même position, y compris au sein de nos groupes respectifs.

Pour ma part, je tiens seulement à affirmer que la CNIL est une institution de la République, comme d’ailleurs le Défenseur des droits. Que la CNCTR considère qu’elle peut, pour des raisons d’expertise, consulter une autorité de la République parfaitement légitime et tout à fait respectable me paraît la moindre des choses.

Puisque M. le rapporteur a conclu son second argumentaire en affirmant cette position, qui avait été précédemment articulée par Mme la garde des sceaux, je vais vous faciliter la tâche, madame la présidente, et retirer mon amendement. Suivant les paroles prononcées par M. le rapporteur et Mme la garde des sceaux, je considère qu’il est naturel que la CNTCR puisse procéder à des consultations, dans le respect, naturellement, du secret de la défense nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L’amendement n° 152 rectifié est retiré.

La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote sur l’amendement n° 58.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Vous vous êtes prononcée, madame la garde des sceaux, sur l’exposé des motifs de notre amendement, mais c’est son contenu qui doit avant tout être considéré.

Tel qu’il est rédigé, l’alinéa 147 prévoit un lien réciproque entre la CNCTR et l’ARCEP. Nous proposons qu’il soit étendu à la CNIL et l’ANSSI. Cela pourrait être utile ; je dirai même que cela sera de toute façon nécessaire au bon fonctionnement de la CNCTR, pour lui permettre de remplir les missions que vous lui avez assignées.

J’aimerais savoir si la position de refus exprimée à l’endroit de notre amendement a trait au fond du dispositif ou si elle tient simplement à la formulation retenue dans son objet écrit.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Je remercie d’abord Jean-Pierre Sueur d’avoir bien voulu retirer son amendement.

Je souhaite ensuite répondre très directement à Mme Cukierman. L’objet écrit d’un amendement est éclairant. C’est une marque de respect vis-à-vis des parlementaires que de s’assurer de la compréhension du dispositif d’un amendement en se référant à son exposé des motifs, l’auteur de l’amendement ayant fait l’effort d’expliciter son intention.

Au-delà de cela, vous savez que les débats parlementaires vont servir de référence. Par ces débats, on contribue aussi à construire la doctrine de la CNCTR. En effet, ils lui serviront tant, sans doute, pour l’élaboration de son règlement intérieur que dans son activité courante. Il lui arrivera probablement de se demander quelle était l’intention du législateur. C’est la raison pour laquelle la référence à l’objet de votre amendement était tout à fait pertinente.

Le dispositif de cet amendement pose une autre difficulté, sur laquelle je ne me suis pas appesantie. Vous proposez que la CNCTR consulte diverses autorités, mais aussi une agence qui ne dispose même pas de la personnalité juridique.

Par ailleurs, il n’est pas nécessaire qu’une disposition juridique autorise la CNCTR à consulter qui elle veut, si elle juge que cela peut l’aider à exécuter ses missions, missions qui, elles, sont définies par la loi. Nul besoin de base législative donc, surtout si c’est pour citer une agence ne disposant pas de la personnalité juridique.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement maintient donc, sans vouloir être désagréable, son avis défavorable.

Sourires.

L’amendement n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à vingt heures quinze, est reprise à vingt-et-une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Thierry Foucaud.