Intervention de Esther Benbassa

Réunion du 4 juin 2015 à 21h45
Renseignement et nomination du président de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement — Article 4

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 4 de ce projet de loi n’est pas celui qui a fait le plus parler de lui ; il n’en est pas moins fondamental à mes yeux. Il s’agit en effet de prévoir les modalités de recours contre la mise en œuvre des techniques de recueil de renseignements dont nous avons débattu hier soir.

Le projet de loi attribue au Conseil d’État la compétence exclusive pour connaître de ces requêtes.

Si le groupe écologiste n’éprouve a priori aucune suspicion à l’endroit du juge administratif, l’exclusion totale du juge judiciaire du dispositif lui paraît toutefois appeler quelques remarques.

Selon notre rapporteur, l’article 66 de la Constitution n’a pas vocation à s’appliquer ici, en ce qu’il réserve l’intervention du juge judiciaire aux mesures privatives de liberté. Or, depuis 1999, les contentieux d’atteinte grave et prolongée à la liberté individuelle relèvent de la compétence de principe du juge judiciaire, de même que le contentieux des droits fondamentaux, qui lui est réservé par tradition, et des mesures privatives de liberté ne sont alors pas nécessairement susceptibles d’être prises.

Ainsi, le juge de la liberté et de la détention est compétent pour autoriser les perquisitions de nuit, ainsi que les visites domiciliaires et les saisies de pièces à conviction.

De la même façon, tous les contrôles d’identité, y compris de nature administrative, et toutes les fouilles de véhicules, même dans le cadre de l’exercice des pouvoirs de police administrative prévus à l’article 78-2-4, sont placés sous le contrôle de l’autorité judiciaire.

De surcroît, le droit au respect de la vie privée figure parmi les contentieux des droits fondamentaux, réservés par tradition au juge judiciaire.

Nous considérons que ces éléments ne peuvent être balayés d’un revers de la main et que les atteintes les plus graves à la liberté individuelle, impliquant à la fois la violation de la vie privée et du domicile, auraient pu être soumises au juge judiciaire.

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