Cet amendement tend à instaurer, pour les personnes majeures en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable leur infligeant une souffrance qui ne peut être apaisée et qu’elles jugent insupportable, un droit à bénéficier d’une véritable aide active pour mourir. Cette aide permet, par un acte délibéré, une mort rapide et sans douleur. L’amendement ouvre également ce droit aux personnes qui se trouvent hors d’état d’exprimer leur volonté, à condition qu’elles aient expressément mentionné cette volonté de façon univoque dans leurs directives anticipées.
J’y insiste, si ce dispositif doit être très strictement encadré, il s’agit bien évidemment d’un droit, d’une liberté, d’une faculté, et en aucun cas d’une obligation. Le médecin doit avoir la conviction que la demande de la personne est totalement libre, éclairée, réfléchie et qu’il n’existe aucune autre solution acceptable par elle-même dans sa situation. Bien entendu, les médecins auront toujours la faculté d’exercer leur clause de conscience.
Mes chers collègues, cet amendement ne constitue en fait que la répétition, à quelques mots près, de ce que moi-même et bien d’autres avions proposé il y a plusieurs années au Sénat. Il est quasiment identique à une proposition de loi qu’avait déposée le groupe socialiste de l’Assemblée nationale en 2009, dont le premier signataire était le président du groupe de l’époque. Sur quatorze membres de l’actuel gouvernement, alors députés, dix d’entre eux avaient formellement cosigné cette proposition de loi. Vous me pardonnerez cette remarque, mais j’aimerais ne pas en déduire que nous serions moins convaincus en 2015 que nous ne l’étions en 2009.
Cet amendement est également identique à celui qui avait été déposé en 2011 par des membres du groupe socialiste, du groupe communiste républicain et citoyen et de l’UMP. Nous étions parvenus à rédiger un texte commun, qui avait été adopté par la commission des affaires sociales avant d’être rejeté en séance. Dois-je en déduire que la commission des affaires sociales de 2011 était plus progressiste en ce domaine qu’elle ne l’est aujourd’hui ?
Dans sa lettre posthume, mon amie Nicole Boucheton nous alerte. Se rendre en Suisse, dit-elle, demande beaucoup d’argent : la prise en charge elle-même, le voyage, l’hébergement sur place lorsque l’on vient de loin. Encore faut-il être capable physiquement de se déplacer. Elle révèle aussi une inégalité sociale insupportable que l’on a connue à propos d’autres problèmes de société : certains ont la possibilité de se rendre à l’étranger pour pouvoir bénéficier d’une aide active à mourir, tandis que d’autres n’en ont pas les moyens. Nicole Boucheton conclut sa lettre posthume en évoquant l’engagement 21 du candidat François Hollande : « J’aurais aimé en profiter et ne pas avoir à m’exiler en Suisse ».
Nous avons déposé cet amendement, car de multiples cas sont en attente dans notre pays. Certaines personnes, lorsqu’elles apprennent l’issue inéluctable de leur maladie, qui s’accompagnera en fin de parcours d’atroces souffrances et aboutira certainement à la sédation terminale dans les tout derniers jours, préféreraient pouvoir tout arrêter lorsqu’elles sont encore conscientes, dire au revoir à leur famille les yeux ouverts et partir en leur présence. Tel est l’objet de cet amendement.