Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 16 juin 2015 à 21h30
Malades et personnes en fin de vie — Article additionnel après l'article 2

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

Madame la ministre, je voudrais vous remercier et vous féliciter, car nous n’avons pas toujours bénéficié d’un dialogue aussi direct, aussi compréhensif, ni même aussi sincère.

Monsieur le président de la commission des affaires sociales, il faut faire très attention aux mots que l’on emploie : la loi belge est appliquée depuis suffisamment longtemps pour qu’on puisse en faire le bilan ; elle fonctionne bien, à telle enseigne que la Belgique vient de l’étendre aux mineurs.

Je me rappelle que le Comité consultatif national d’éthique avait reçu une lettre assez désagréable quand il avait mis en cause les résultats de cette loi. Des médecins belges de confession catholique avaient écrit que, malgré leurs réticences initiales, ils continueraient à pratiquer l’euthanasie. Fidèles à leurs croyances, ils considéraient qu’ils apportaient ainsi une aide, et ils ne voulaient pas revenir en arrière. Un médecin belge a d’ailleurs publié un livre qui illustre parfaitement ce que je viens de dire.

Par ailleurs, le nombre d’euthanasies n’a pas augmenté en Belgique par rapport à ce qui se faisait auparavant dans la clandestinité ; aucun recours n’a été déposé, depuis que la loi existe, devant le procureur du Roi. La loi belge ne doit donc pas être si mauvaise… D’ailleurs, des lois similaires existent dans d’autres pays.

Nous devons garder à l’esprit que l’opinion publique est loin d’être hostile à cette disposition. Les sondages successifs le montrent. Je vous invite à assister aux réunions tenues par l'association pour le droit de mourir dans la dignité, vous verrez le nombre de personnes qui y participent. Si je puis me permettre ce trait d’humour, certains partis politiques aimeraient avoir autant de monde à leurs réunions…

Pour en revenir au fond du problème, notre amendement, comme il a été rappelé, ne supprime aucun droit et n’ajoute aucune obligation ; il vise simplement à offrir une liberté, celle de mettre fin à son existence dans des conditions bien précises et encadrées.

Vous avez tous en tête, mes chers collègues, des cas très douloureux, tels ceux que j’ai évoqués dans la discussion générale : des personnes âgées qui supplient leur conjoint de mettre fin à leurs souffrances. La seule solution pour le juge est de faire preuve de compréhension et de ne pas appliquer la loi. Dans ma région, il y a encore peu de temps, un monsieur de quatre-vingt-cinq ans s’est retrouvé devant le tribunal parce que son épouse l’avait supplié de mettre fin à ses jours. Nous devons prendre en compte ces drames et permettre que la loi encadre ces pratiques.

Nous en reparlerons certainement en abordant l’examen de l’article 3, mais quand votre médecin vous informe que votre pronostic vital est engagé dans les deux à trois mois qui viennent et que, de toute façon, vous finirez vos jours à l’hôpital parce que des soins de confort seront nécessaires, vous savez que la fin approche inéluctablement et qu’elle sera précédée, peut-être, d’une sédation terminale profonde. Dès lors, pourquoi ne pas accepter que vous puissiez anticiper ce dénouement final en disant : « Je préfère arrêter maintenant, ne pas en passer par là, pour moi-même et pour ma famille ; je souhaite partir les yeux ouverts et accomplir ainsi ce passage. » Le passage, comme l’on dit lors de certaines obsèques religieuses, cela peut être de dire au revoir de son vivant, tirer un bilan de sa vie avec sa famille et ses proches, avec ceux qu’on aime. Pourquoi le refuser à ceux qui le souhaitent ?

Nous nous grandirions et nous ferions un grand pas pour notre démocratie et pour la République si nous ouvrions ce droit. Il s’agit d’une possibilité qui ne s’imposera à personne, qui sera encadrée et qui, à mon avis, constituera une mesure législative aussi forte que l’abolition de la peine de mort, la loi relative à l’IVG ou le droit de vote pour les femmes.

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