Le projet de loi de modernisation du droit de l'outre-mer, dont le titre est un peu pompeux, vise en réalité à proroger des dispositifs transitoires et à prévoir l'application de mesures législatives aux collectivités régies par le principe de spécialité législative.
Aucune ligne directrice ne se dégage de ce texte qui vient à la suite d'autres, portant diverses dispositions applicables à l'outre-mer, comme, par exemple, la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique d'outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer. C'est regrettable car des réflexions de long terme sont nécessaires pour ces territoires ultramarins, notamment dans le domaine foncier. Quoi qu'il en soit, ce texte conforte des avancées, même marginales, pour nos concitoyens outre-mer.
Ce projet de loi comporte vingt-sept articles consacrés à six thèmes principaux : l'économie, le statut de l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM), la maîtrise et l'aménagement fonciers, la fonction publique, les collectivités locales et la sécurité.
Afin de lutter contre la vie chère à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, le projet de loi prévoit la création d'un observatoire des prix, des marges et des revenus dans ces deux collectivités et l'extension du bouclier « qualité-prix » à Saint-Martin, puisque ces collectivités ne dépendent plus de la Guadeloupe.
L'Agence de l'outre-mer pour la mobilité ayant connu d'importants dérapages financiers - c'est un euphémisme - le projet de loi met fin au statut de société publique d'État régie par le droit privé, qui date de 1946. LADOM devient un établissement public dont la gestion comptable pourra être contrôlée, ainsi que l'avait demandé la commission des finances du Sénat en 2011.
Pour faire face à la pression démographique en Guyane et à Mayotte, le Gouvernement souhaite instaurer dans chacune de ces collectivités un établissement public d'État exerçant à la fois des compétences de portage foncier et d'aménagement, par dérogation au droit commun, ce qui conduit à pérenniser l'établissement public d'aménagement de Guyane (Epag), qui existe depuis 1996, et à créer un établissement public foncier et d'aménagement à Mayotte, où les problèmes fonciers sont très importants.
Le projet de loi prolonge de trois ans l'activité des agences de la zone des cinquante pas géométriques, en Guadeloupe et en Martinique. C'est la quatrième prolongation de ces structures, qui doivent mettre en valeur les zones du domaine public situées sur le littoral et régulariser les occupations sans titre.
Le texte encourage l'intégration des agents contractuels exerçant à Wallis-et-Futuna et en Polynésie française : pour Wallis-et-Futuna, des concours réservés et des concours internes seraient proposés, conformément à la loi Sauvadet du 12 mars 2012 ; pour la Polynésie française, le dispositif de titularisation sans examen serait prolongé et les détachements facilités.
Concernant les collectivités territoriales, le projet de loi propose de multiples dispositions d'importance inégale. Pour les communes et les EPCI à fiscalité propre à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, de nouvelles règles sont adoptées, identiques à celles de l'article 30 du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe). En outre, les communes de plus de 80 000 habitants de Nouvelle-Calédonie - c'est-à-dire Nouméa - pourraient créer des postes d'adjoint chargé des quartiers. Enfin, il est proposé, dans les communes associées en Polynésie française, d'élire le maire délégué parmi les conseillers de la liste arrivée en tête dans la section électorale. Cela paraît normal... mais ce n'est pas le cas aujourd'hui.
En matière de sécurité, le texte fixe un quota de détention d'armes pour les Calédoniens pour endiguer la prolifération d'armements dans l'archipel. Il met en cohérence les règles de transport aérien applicables à Saint-Barthélemy avec les règlements européens. Cette île auparavant région ultrapériphérique (RUP) est devenue au niveau européen pays et territoire d'outre-mer (PTOM) : les règlements européens ne s'y appliquent plus, sauf dérogation.
Enfin, le projet de loi prévoit plusieurs habilitations portant notamment sur le droit du travail à Mayotte et sur les conditions de constatation d'infractions en Nouvelle-Calédonie.
Malgré le peu d'ambition de ce texte, je souhaite l'améliorer afin de répondre aux besoins de nos concitoyens d'outre-mer.
Je vous proposerai trente amendements afin d'améliorer et de sécuriser des dispositions de court terme : par exemple, en définissant plus précisément les ressources de LADOM et des membres de son conseil d'administration ; en fixant la durée du processus d'intégration à la fonction publique des contractuels des communes et groupements de communes de la Polynésie française à cinq ans et non à six comme le prévoit le projet de loi ; en précisant que le détachement dans cette collectivité concernerait les seuls fonctionnaires et non les contractuels, comme en métropole ; en prévoyant un délit - et non une simple contravention - si le quota de détention d'armes en Nouvelle-Calédonie n'est pas respecté, afin de rendre le dispositif suffisamment dissuasif.
En outre, mes amendements encadrent mieux les habilitations, car le Gouvernement rencontre manifestement des difficultés pour les exploiter. Celle relative au droit du travail à Mayotte court depuis novembre 2012 !
Il convient aussi d'engager sur certains sujets une réflexion de long terme. Ainsi, l'encadrement des procédures comptables de LADOM ne sera pas suffisant. Prolonger une fois encore les agences chargées des cinquante pas géométriques n'est qu'une fuite en avant : la situation sera sans doute la même à l'issue de cette nouvelle période. Attendons la séance publique pour proposer une solution pérenne en coordination avec la délégation sénatoriale à l'outre-mer, puisqu'elle présente demain les conclusions de son rapport sur le foncier.