Un mot sur la stratégie que je vous propose, puisqu'il ne s'agit pas d'une deuxième lecture. En première lecture, nous avions adopté une démarche constructive, comme la commission du développement durable ; notre volonté était d'aller vers la transition énergétique de la manière la plus intelligente possible, ce qui n'a pas empêché l'expression de quelques désaccords. Nous avons été déçus de la fin de non-recevoir opposée en commission mixte paritaire étant donné le chemin important que nous avions parcouru malgré nos divergences sur la part du nucléaire dans le mix énergétique. Nous n'avions pas accepté le couperet de 2025 pour la réduction de cette part dans la production d'électricité afin de profiter le plus longtemps possible de nos installations, tout en tenant compte de leur vieillissement. L'opposition sénatoriale s'était d'ailleurs abstenue. Je proposerai, sur le nucléaire, de revenir à la position du Sénat en première lecture.
Quelque 78 articles, sur 209, ont été votés à l'identique par les députés, qui ont ainsi tenu compte des apports du Sénat. Sur les 131 autres, une bonne centaine comporte des apports et des modifications mineures, que nous vous invitons à accepter. La trentaine d'articles restants font l'objet de divergences, mais nous adoptons là encore une posture constructive. Je proposerai de rétablir la lecture du Sénat pour une minorité importante d'entre eux et des corrections pour les autres - Louis Nègre aura la même stratégie.
Enfin, prêtez attention à la forme. Les députés n'ont pas à tenir compte de notre travail. Ils s'appuieront sur leur texte et non sur le nôtre, mais y prendront des éléments si nous sommes convaincants.
Pour le titre I, je reviendrai à notre première lecture sur le nucléaire, sans modifier le reste. Pour le titre II, portant sur les bâtiments, seuls neuf articles ont été adoptés conformes, 23 restant en discussion. L'Assemblée nationale a maintenu les dispositions sur l'isolation extérieure et la suppression de la possibilité pour le conseil départemental de moduler les droits de mutation à titre onéreux en fonction des performances énergétiques des bâtiments - j'en suis ravi. Je propose des modifications rédactionnelles, sauf sur un point de litige : l'échéance pour les travaux sur les bâtiments énergivores a été rapprochée à 2025 au lieu de 2030. Cette mesure, qui concerne dix millions de bâtiments, n'est pas du tout réaliste. Je proposerai notre rédaction sur l'article 4 ainsi que pour les organismes liés à la construction, même si je n'entretiens aucune illusion. L'article 5 ne serait pas modifié à une précision près, non plus que l'article 5 quater. L'article 6 ter a fait l'objet d'une simple précision, je suggérerai de suivre l'Assemblée nationale, afin de jouer le jeu de la concertation. J'envisage des précisions à l'article 8.
Je proposerai de ne pas revenir sur les grandes lignes du titre V, dont treize articles ont été adoptés conformes. L'Assemblée nationale a apporté une heureuse modification à l'article 23 en élargissant les possibilités de renouvellement des aides à l'outre-mer : conservons-la, sous réserve d'un ajustement. Le principe d'un délai maximal de dix-huit mois pour raccorder les installations de production d'électricité à partir de sources d'énergie renouvelable au réseau, à l'article 23 bis, est adoptable en l'état. L'Assemblée nationale a corrigé, à raison, notre rédaction à l'article 27. L'amendement adopté en séance, contre lequel je m'étais prononcé, posait un vrai problème constitutionnel.
Seuls deux articles ont été adoptés conformes au titre VI, relatif à la sécurité nucléaire. Je ne propose aucune modification sur les six revenant en discussion.
Au titre VII, en matière de régulation de marché, onze articles ont été adoptés à l'identique et onze autres reviennent en discussion. Nous avions défendu les organismes électro-intensifs et l'Assemblée nationale a repris nos apports. Je vous inviterai à adapter à l'article 43 bis le mécanisme d'interruptibilité pour le gaz. Au même article, les députés ont introduit un nouveau dispositif de soutien à la cogénération industrielle : je n'avais pas osé le faire mais la position du Gouvernement a évolué depuis. J'approuve par conséquent le principe de ce dispositif qui pose cependant une difficulté sérieuse d'application, j'y reviendrai. Conservons également l'article 47 ter, qui garantit le statut des salariés des industries électriques et gazières.
Dix articles ont été adoptés conformes au titre VIII et 22 restent en discussion, dont trois ou quatre suscitent de vraies divergences. L'Assemblée nationale est revenue sur notre rédaction de l'article 48 sur le méthane entérique. Je n'ai pas compris la réponse de M. Le Foll à ce sujet. Je ne présenterai pas d'amendement, mais il y en aura peut-être en séance. Toujours à l'article 48, je vous proposerai de ne pas revenir sur le renforcement des obligations de reporting et de gestion des risques environnementaux établi par l'Assemblée nationale.
Je regrette en revanche que les députés soient revenus sur la rédaction du Sénat de l'article 50, modifiée à la faveur d'une suspension de séance et qui avait reçu un avis favorable du Gouvernement. Nous savons tous que la réforme de la CSPE épousera nos propositions sur ce qui relève du budget et sur ce qui doit être financé par le consommateur d'électricité, soit le soutien aux énergies renouvelables. Je proposerai en conséquence d'adopter l'amendement de rétablissement de la commission des finances.
Les députés ont ajouté deux dispositions à l'article 55. Je suggère de revenir à notre rédaction de première lecture, et d'effectuer un travail de conviction auprès de M. François Brottes sur Fessenheim et sur l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), à laquelle on demande d'assurer la compatibilité du plan stratégique avec les autorisations et les demandes d'autorisation en cours, ce qui ne relève pas de sa mission. Ce n'est pas le moment d'ajouter des missions à l'ASN, qui se plaint du reste de manquer de moyens. Je proposerai de supprimer cette mesure, sur laquelle j'aimerais entendre le Gouvernement.
À l'article 60 portant sur la lutte contre la précarité énergétique, l'Assemblée nationale a reporté la mise en place du chèque énergie au 31 décembre 2018, ce qui ne me choque pas. Je ne proposerai pas de modification, non plus que sur la suppression de l'interdiction générale des coupures d'eau.