Intervention de Philippe Bas

Réunion du 17 juin 2015 à 14h30
Malades et personnes en fin de vie — Article 3

Photo de Philippe BasPhilippe Bas :

Madame la présidente, mes chers collègues, les travaux de la nuit dernière ont permis d’avancer sur une voie qui doit être confirmée maintenant, à l’occasion de l’examen de cet article 3.

Si l’on juge opportun de légiférer, question à laquelle je me garde personnellement de répondre par avance de manière positive, il s’agit bien de déterminer ici les conditions dans lesquelles une sédation profonde pourra être mise en œuvre.

Le texte qui nous est soumis fait apparaître une condition commune à tous les cas de figure : il faut que la souffrance soit réfractaire à tout autre traitement. Comme l’a très bien dit le président de la commission des affaires sociales, cela signifie que la sédation profonde fait partie des soins palliatifs, qu’elle en est le stade ultime. Cela signifie aussi que le recours à la sédation profonde ne saurait être autorisé dans les cas où tous les autres traitements n’auraient pas été mobilisés en vue de faire diminuer la souffrance du patient - cet élément étant, de mon point de vue, tout à fait essentiel.

Le Sénat doit se prononcer de la manière la plus claire.

Ceux qui voudraient opposer droit à la sédation profonde et droit aux soins palliatifs font fausse route. La sédation profonde ne peut être que le stade ultime des soins palliatifs quand tout le reste a été utilisé, y compris, d’ailleurs, une forme d’anesthésie complète, qui, elle, ne serait pas sans retour, à la différence de la sédation profonde telle qu’elle est aujourd’hui définie.

Il y a, ensuite, deux cas différents. Pour reprendre des termes qui sont non ceux de la loi mais ceux du français courant, le premier cas concerne les personnes qui sont entrées en agonie. Le mot « agonie », lui, est parfaitement clair. La personne entrée en agonie, qui est consciente et dont la souffrance est réfractaire à tout autre soin palliatif, peut demander la sédation profonde.

L’autre cas, c’est celui du patient qui n’est pas entré en agonie, mais qui est inconscient. On vise ici des patients dans un état végétatif, qui pourraient vivre de nombreuses années, mais qui ne survivent que grâce à la mise en œuvre d’un soutien médical dont la suspension entraînerait immédiatement la mort. Ce cas est particulièrement difficile pour nous : le malade étant inconscient, comment recueillir son consentement « libre et éclairé » ? Nous verrons par la suite l’effort qui est fait pour rechercher l’expression de ce consentement à travers les directives anticipées.

Une autre interrogation est soulevée à juste titre par beaucoup de nos collègues : si le malade peut vivre longtemps, comment faire en sorte que le traitement de ce type de situation ne soit pas une ouverture sur l’euthanasie ?

Pour répondre à l’ensemble de ces interrogations, il est tout à fait essentiel de ne pas prévoir dans la loi une combinaison obligatoire de l’arrêt des traitements de maintien en vie et de la mise en œuvre de la sédation profonde. Car le risque serait alors très grand de recourir à la combinaison des deux pour en faire un moyen d’accélérer volontairement la mort. Cela reviendrait à entrer dans l’inconnu, ce que notre société ne saurait à l’évidence accepter sans hésiter beaucoup.

En ce qui me concerne, je m’y refuserai. C’est la raison pour laquelle je soutiens avec force – vous le comprendrez – l’amendement présenté à la commission des lois par M. François Pillet pour rendre possible la déconnexion entre la sédation profonde et l’arrêt des soins de maintien en vie.

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