La procédure accélérée n’ayant pas été engagée pour cette proposition de loi, il n’y a pas lieu, à ce stade, d’anticiper les positions de nos collègues députés en commission mixte paritaire. Du reste, il est fort heureux que, sur un sujet aussi grave, le Parlement puisse s’exprimer tout à fait librement, sans subir la moindre pression.
Au-delà des convictions et des engagements des uns et des autres, au-delà de l’approche parfois un peu théorique des problèmes, nous devons, mes chers collègues, tenir compte des réalités vécues. Dès lors que nous admettons tous que la sédation profonde ne peut être que le stade ultime dans la mise en œuvre des soins palliatifs, il faut considérer que nous parlons, surtout dans le cas d’une agonie, de patients subissant déjà un traitement antidouleur lourd, qui, la plupart du temps, provoque une altération plus ou moins forte de leur conscience et de leurs facultés d’expression. De fait, selon la définition qu’en donne le code de la santé publique, les soins palliatifs forment un continuum, sans changement de nature à un moment ou à un autre.
Pour qu’un patient se trouvant dans la situation que je viens de décrire puisse demander à faire valoir un droit à bénéficier d’une sédation profonde, il faudra à l’évidence qu’on l’ait au préalable informé de son état exact et de l’imminence de son décès, afin qu’il puisse exprimer son consentement de manière libre et éclairée. Tous les soignants ne souhaitent certainement pas se voir imposer de délivrer une telle information. Souvent, un patient en fin de vie, ayant déjà souffert précédemment avant d’aller mieux, espère voir sa souffrance s’apaiser et sa vie continuer.
Il y a là, à mon avis, un obstacle très important à l’inscription dans le texte du principe d’une sédation continue jusqu’au décès. Il faut pouvoir mettre en place la sédation profonde sans avoir eu préalablement à annoncer au malade que celle-ci durera jusqu’à sa mort. Du reste, ce sont les conditions dans lesquelles, dans le cadre des soins palliatifs, la sédation profonde est actuellement pratiquée.
Voilà pourquoi je considère, après avoir beaucoup hésité, qu’il convient de voter l’amendement n° 59 rectifié bis. Ses dispositions permettront à la sédation profonde d’être pratiquée le plus facilement, lorsque les raisons médicales d’y avoir recours seront réunies et sans qu’il ait été nécessaire d’annoncer une vérité pénible à un malade qui n’a peut-être pas envie de s’entendre dire que la sédation profonde sera irréversible et qu’il est arrivé à la dernière heure de sa vie.