Intervention de Esther Benbassa

Réunion du 18 juin 2015 à 9h30
Discrimination à raison de la précarité sociale — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, être pauvre n’est pas uniquement un problème économique, c’est aussi un phénomène multidimensionnel qui englobe le manque de revenus et l’inexistence des capacités de base nécessaires pour vivre dans la dignité.

La discrimination et l’exclusion sont parmi les principales causes et conséquences de la pauvreté. Les femmes, les enfants, les personnes âgées, les personnes handicapées, les migrants, les réfugiés, les demandeurs d’asile et les personnes vivant avec le VIH sont les catégories les plus exposées à l’extrême pauvreté et aux discriminations qui en découlent. Celles-ci contribuent à aggraver leur situation et à accroître leur exclusion sociale.

Des enfants interdits de cantine parce que leurs parents sont chômeurs, des médecins qui n’accordent pas de rendez-vous à des malades parce qu’ils sont bénéficiaires de la CMU, des CV ignorés parce que le postulant vit dans un centre d’hébergement : voilà ce qu’est être discriminé parce qu’on est pauvre !

Le traitement défavorable et inégalitaire que subissent parfois les personnes pauvres découle de la perception négative dont elles sont l’objet. Aussi nous est-il proposé d’ajouter, à l’article 225-1 du code pénal, un vingt et unième critère de discrimination : celui de la précarité sociale.

Dans le rapport intitulé La lutte contre les discriminations : de l’incantation à l’action, que j’ai rédigé, au nom de la commission des lois, avec mon estimé ancien collègue Jean-René Lecerf, la proposition n° 2, parmi les onze principales propositions que nous y formulions, recommandait d’ajouter la précarité sociale à la liste des critères de discrimination figurant à l’article 225-1 du code pénal afin d’harmoniser la législation et son application jurisprudentielle. Tel est l’objectif visé par le texte qui nous réunit aujourd’hui, ce dont je me félicite.

Je veux saluer ici l’initiative de notre collègue Yannick Vaugrenard et le travail de notre rapporteur Philippe Kaltenbach, qui s’est attaché, afin que la proposition de loi ne soit pas qu’une déclaration de principe, à définir un critère juridique opérant et répondant aux exigences du droit pénal. Reste encore à trouver un mot pour désigner cette discrimination, similaire au terme anglais « povertyism ». Cette absence de dénomination dénote encore plus fortement le déni dont elle est l’objet.

La proposition de loi constitue un message fort, qui dit aux victimes de discriminations que leur préjudice est reconnu et à leurs auteurs que leur comportement et leurs discours ne sauraient être tolérés dans un État de droit. Pour toutes ces raisons, le groupe écologiste la soutient avec conviction. Encore faut-il, après les symboles, passer aux actes pour combattre la pauvreté, parfois extrême, qui touche un nombre croissant de nos concitoyens en ces temps de crise économique. Il y a urgence !

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