Intervention de Alain Dufaut

Réunion du 22 juin 2015 à 16h00
Dialogue social et emploi — Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée dans le texte de la commission

Photo de Alain DufautAlain Dufaut :

Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication s’est saisie du titre II de ce projet de loi, lequel prévoit de « conforter le régime d’assurance chômage de l’intermittence », et en particulier son article 20.

Voilà de nombreuses années que notre commission se consacre au sujet. Je peux même dire que nous y avons travaillé continûment depuis la grande crise de 2003, marquée par l’annulation de nombreux festivals, dont celui d’Avignon. Celui qui vous parle était à l’époque premier adjoint, chargé des finances, de la ville d’Avignon. Autant vous dire que je sais le traumatisme que peut causer la suppression d’un festival !

En la matière, de nombreux travaux ont été menés depuis dix ans. Je songe au comité de suivi, réuni à l’instigation de Jack Ralite et d’Étienne Pinte. Je pense aux nombreuses auditions, aux tables rondes, aux rapports d’information qui se sont succédé. Le dernier de ces rapports date de 2013 ; il a été remis par notre collègue Maryvonne Blondin, et j’ai modestement participé à sa réalisation.

Tous ces travaux nous l’ont appris, la réalité du monde des intermittents est bien éloignée de ce qu’en disent trop facilement les médias. La réforme des règles d’indemnisation est certes nécessaire, mais – il faut en convenir – elle se révèle particulièrement délicate à mettre en œuvre.

C’est bien pourquoi nous avons choisi, à propos de ce texte, une position constructive, au nom de la concertation sociale engagée l’été dernier, dans l’intérêt de l’activité culturelle et du développement de nos territoires.

La réforme est nécessaire, nous le savons tous. Oui, le déséquilibre des comptes de l’assurance chômage des intermittents du spectacle est exorbitant : 1, 2 milliard d’euros de dépenses pour 200 millions d’euros de recettes, soit un delta de 1 milliard d’euros, qui correspond, au total, à un quart du déficit de l’UNEDIC depuis dix ans…

Nous sommes bien face à un véritable problème, même si l’on peut accepter l’idée que les comptes de ce secteur soient déséquilibrés, comme ils le sont pour les intérimaires ou pour les salariés en contrat à durée déterminée.

Nous savons également que les règles d’indemnisation spécifiques, fixées aux annexes VIII et X, sont devenues un régime, et même un « statut » des intermittents. Cette situation arrange les employeurs comme les salariés du spectacle, aussi bien que les donneurs d’ordre que sont les pouvoirs publics. Nous sommes tous, peu ou prou, élus des collectivités et, dans nos territoires, nous nous battons tous pour le développement culturel, pour nos festivals, pour le spectacle vivant qui, c’est vrai, est devenu dépendant des annexes VIII et X.

Le problème, nous le savons bien, c’est que l’on fait trop peser sur l’assurance chômage. L’UNEDIC est devenue le premier mécène culturel de notre pays, et cette charge est trop lourde pour la solidarité interprofessionnelle. Cela ne peut pas durer !

Mes chers collègues, vous savez comme moi ce qu’il advient quand une catégorie professionnelle s’arc-boute sur son statut, et que tout un pan d’activité en dépend : il faut rétablir la confiance, évaluer, négocier et, surtout, responsabiliser.

C’est ce qu’a fait avec bonheur la mission de concertation confiée à Jean-Patrick Gille, Hortense Archambault et Jean-Denis Combrexelle l’été dernier, alors que nous nous acheminions vers de nouvelles annulations de festivals et de tournages, vers un nouveau séisme dans le dossier des intermittents.

Pendant plusieurs mois, dans l’enceinte du Conseil économique, social et environnemental, le CESE, les partenaires sociaux ont identifié les pistes de réforme. Ils ont commencé à les évaluer à l’aide d’un outil statistique commun. L’État et l’UNEDIC ont pris leur part de ce travail.

C’est parce que le titre II institutionnalise cette négociation et qu’il permet d’espérer une réforme plus profonde du régime des intermittents, c’est parce qu’il fait avancer les choses que notre commission des affaires culturelles l’a accepté dans son principe.

La reconnaissance légale de l’existence de règles spécifiques d’indemnisation du chômage des intermittents est un geste d’apaisement social, qui inscrit clairement cette indemnisation dans la solidarité interprofessionnelle.

S’agit-il d’une sanctuarisation, comme on l’entend dire ? Ouvre-t-on une brèche dans laquelle s’engouffreraient d’autres catégories professionnelles en demandant, à leur tour, la sanctuarisation de leurs annexes ?

Mes chers collègues, faites attention aux vocables utilisés et relisez le texte : la loi ne fait ici que reconnaître l’existence de règles spécifiques visant à « tenir compte des modalités particulières d’exercice des professions » du spectacle.

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