Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte présenté aujourd’hui s’inscrit dans la continuité des actions du Gouvernement en faveur du dialogue social. Le Gouvernement n’a cessé, ces trois dernières années, d’accorder une place centrale au dialogue social dans l’élaboration et la mise en œuvre de ses politiques en matière d’emploi, de travail et de formation professionnelle.
Ces trente dernières années, le processus constant de mondialisation dans lequel notre économie est engagée a placé ses acteurs en situation de concurrence accrue et les encourage à rechercher une rentabilité des capitaux à court terme.
Comme nous l’avions souligné, avec mon collègue Joël Bourdin, dans notre rapport sur le pacte social, ce libéralisme a engendré une plus grande flexibilité du travail, et a ainsi profondément bouleversé le pacte social dans l’entreprise. Bien souvent, les jeunes et les seniors sont les premiers à subir les mécanismes du marché. Un véritable malaise s’est installé progressivement dans l’entreprise : d’un côté, les inégalités salariales qui se creusent ; de l’autre, les salaires stagnent.
Cette situation est liée au développement d’emplois atypiques, à la persistance du chômage, à l’effet des restructurations du tissu d’entreprises et à l’envolée des plus hautes rémunérations salariales.
Dans le même temps, en France, trop peu de salariés adhèrent à un syndicat ; ils sont donc peu représentés.
Face à ce constat, le Gouvernement, dès sa prise de fonctions, s’est attaché à mettre en œuvre les mesures de nature à favoriser le marché du travail, avec la loi relative à la sécurisation de l’emploi, qui comprend, par exemple, le compte personnel de formation, les droits rechargeables pour les demandeurs d’emploi et la modulation des cotisations patronales selon les contrats, ainsi que la loi relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale. Il a également pris des mesures concernant la lutte contre la concurrence sociale déloyale, ainsi que plusieurs dispositions relatives aux conseils de prud’hommes et à l’inspection du travail. Par ailleurs, il a créé le pacte de responsabilité et de solidarité.
Le projet de loi actuellement en discussion s’inscrit dans la continuité des précédentes mesures en ce qu’il apporte un renouveau dans le dialogue social. Il vise, en effet, à accorder de nouveaux droits aux salariés et à leurs représentants, à simplifier le dialogue social, à le rendre plus efficace et, surtout, à valoriser le travail ; on ne peut que s’en féliciter.
En outre, le Gouvernement considère que le dialogue social dans l’entreprise peut être réformé dans une logique gagnant-gagnant. Moderniser le dialogue social, c’est, ne l’oublions pas, permettre à l’entreprise de réaliser de meilleures performances.
Le projet de loi comporte donc un certain nombre d’avancées, notamment pour les 4, 6 millions de salariés des TPE, auxquels il offre – enfin ! – une représentation au travers des commissions paritaires régionales. Celles-ci permettront d’encadrer le dialogue social dans toutes les entreprises, même les plus petites, de le rendre effectif, plus clair et, globalement, responsable. Lors de la discussion de ce texte, nous défendrons des amendements visant à rétablir l’obligation de créer ces commissions, et non de les rendre facultatives.
Une commission régionale interprofessionnelle, composée de dix salariés et de dix employeurs de TPE, sera instaurée dans chacune des treize futures grandes régions et outre-mer. Ces commissions pourront donner des conseils aux salariés et aux employeurs en matière de droit du travail et auront également des fonctions d’information et de concertation en matière d’emploi et de formation. Elles n’auront évidemment aucun droit d’ingérence dans la marche des entreprises, mais permettront aux salariés de très petites entreprises de bénéficier, eux aussi, d’une forme de représentation.
Cette disposition suscite des inquiétudes auprès de certains employeurs, au motif que des personnes étrangères pourraient accéder à l’entreprise. Aussi, je souhaite rappeler que les membres de ces commissions n’auront accès à l’entreprise que sur autorisation de l’employeur : le dernier mot revient donc bel et bien à ce dernier.
Ce texte reconnaît l’engagement des syndicalistes et de tous les élus.
Les taux de syndicalisation relevés par l’OCDE pour les années 2012 et 2013 sont très révélateurs : plus de 50 % en Belgique et dans les pays du Nord, 37 % en Italie, 18 % en Allemagne et en Espagne contre, malheureusement, 7, 5 % en France, soit à peine plus qu’en Estonie…
Pour lutter contre la crise des vocations syndicales, laquelle est, comme vous le savez, préjudiciable au dialogue social, il est donc prévu de valoriser les parcours professionnels des élus et des délégués syndicaux dans les entreprises, en élargissant les heures de délégation, mesure dont on ne peut que se féliciter.
Le dialogue social sera également plus paritaire : la parité hommes-femmes est renforcée, ainsi que le respect des obligations des entreprises en matière d’égalité professionnelle, mais ma collègue Anne Emery-Dumas développera plus longuement ce point.
Je salue l’avancée réalisée par nos collègues de l’Assemblée nationale quant à la présence des salariés dans les conseils d’administration. En effet, en supprimant la condition de la mise en place du comité d’entreprise pour les entreprises de plus de cinquante salariés, le dispositif relatif aux administrateurs sera réellement effectif, car ceux-ci pourront être présents dans les holdings employant moins de cinquante salariés, qui sont souvent le haut lieu des décisions.
En ce qui concerne la participation des administrateurs salariés, certains d’entre nous proposeront de revenir sur le seuil retenu par l’Assemblée nationale, c’est-à-dire mille employés, contre cinq mille.
Autre avancée de ce texte, un minimum de vingt heures de formation par an est prévu pour les administrateurs salariés.
De plus, ce projet de loi permet de rendre le dialogue social plus efficace. Les dix-sept obligations en matière d’information et de consultation du comité d’entreprise seront désormais regroupées en trois grands rendez-vous, qui porteront sur la situation économique et sociale de l’entreprise, ainsi que sur les orientations stratégiques.
Ce projet de loi prévoit aussi d’adapter les règles de la représentation au nombre de salariés de l’entreprise. Ainsi, la délégation unique du personnel, qui permet déjà de regrouper les délégués du personnel et le comité d’entreprise dans les entreprises comprenant entre cinquante et deux cents salariés, sera élargie aux entreprises comptant moins de trois salariés et englobera le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le CHSCT. Il s’agit bien d’un regroupement et non d’une fusion : chaque institution conserve l’ensemble de ses attributions. Ainsi, le CHSCT garde la personnalité morale et aura toujours la capacité d’ester en justice.
Autre avancée concernant la santé au travail et la pénibilité, je citerai la suppression de la transmission, chaque année, à compter de 2020, de la fiche individuelle de pénibilité à la Caisse nationale d’assurance vieillesse, la CNAV. Cette fiche sera transformée en une fiche d’exposition : des référentiels de branche seront négociés et élaborés par poste de travail et par métier. C’est la Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail, la CARSAT, qui comptabilisera les droits.
Je tiens également à saluer le vote de l’Assemblée nationale concernant la reconnaissance du burn- out. La commission des affaires sociales ayant supprimé cette reconnaissance, nous proposerons un amendement tendant à préserver la possibilité de reconnaître certaines pathologies psychiques comme maladies professionnelles.
Une autre grande avancée de ce texte tient également à la création d’une prime d’activité à compter du 1er janvier 2016, afin d’encourager l’activité et le retour à l’emploi. Ce sont 5, 6 millions de personnes, dont 1, 2 million de jeunes, qui seront éligibles à cette prime. Cette nouvelle prime cible les travailleurs dont le revenu est compris entre 900 et 1 300 euros par mois. Un suivi de l’impact de cette mesure est également prévu. Ainsi, la nouvelle prime, qui est ouverte aux jeunes et dont l’accès sera plus simple, sera versée chaque mois. Ceux qui travaillent, mais qui ne gagnent pas assez pour vivre correctement, pourront alors assumer les charges nouvelles entraînées par une reprise d’activité.
La mesure concernant le compte personnel d’activité scellera l’avènement de la sécurité sociale professionnelle réclamée par les syndicats depuis trente ans. Ce compte d’activité regroupera tous les droits reconnus au salarié, c’est-à-dire les comptes formation, pénibilité, épargne-temps, ainsi que le suivi tout au long de la carrière professionnelle.
Pour en finir avec les crises successives relatives au statut des intermittents du spectacle, le Gouvernement reconnaît la légitimité du caractère exceptionnel de l’intermittence et créer un nouveau mode de négociation des règles en matière d’assurance chômage, de manière à prévenir, au travers du dialogue social, la survenance de nouvelles crises.
Pour lutter contre le chômage de longue durée, le Gouvernement met en place le contrat « nouvelle chance ». Ce nouvel outil, mieux adapté aux demandeurs d’emploi peu qualifiés, constituera une passerelle pour le retour à l’emploi, après une formation de vingt-quatre mois maximum.
En matière de dialogue social, j’ajouterai l’importance d’une formation pour les managers. Monsieur le ministre, il faut insister sur le dialogue et la confiance. Il convient de mettre du dialogue social là où il n’y en a pas, et, pour ce faire, les directions des ressources humaines doivent avoir une vision stratégique du dialogue social. Il faut accompagner les managers et les salariés en leur donnant des informations, des explications pour une bonne compréhension des objectifs et de la stratégie d’entreprise, en somme, pour un rêve partagé. C’est essentiel.
Par ailleurs, nous devons aussi, au Sénat et à l’Assemblée nationale, promouvoir le dialogue social pour faire avancer la situation des collaborateurs des parlementaires. Ceux-ci n’ont toujours pas de convention collective, alors que le dialogue social permet principalement d’édicter des conventions collectives. En tant qu’employeur, il est crucial d’organiser notre représentation collective. Monsieur le ministre, vous connaissez très bien cette question, et il nous faudra bien un jour avancer en la matière.
Pour conclure, ce texte constitue un véritable progrès social : il garantit la représentation de tous les salariés ; il vise à soutenir l’activité des travailleurs modestes, avec la création de la prime d’activité ; il tend à favoriser le retour à l’emploi et poursuit l’effort engagé pour sécuriser les parcours professionnels des travailleurs, qu’ils aient un emploi ou qu’ils soient en recherche d’emploi.
Notre pays doit se moderniser en matière de dialogue social.
Le dialogue social n’est pas un frein à la compétitivité, et simplification ne signifie pas recul des droits des salariés.
Contrairement à ce que l’on constate chez nos voisins européens, en Allemagne ou dans les pays d’Europe du Nord, le dialogue social et la participation des salariés aux instances de décision sont souvent perçus par les employeurs français comme des contraintes, et non pas comme une plus-value. Nous devons donner un nouvel élan aux relations avec les partenaires sociaux. Cette démarche est d’autant plus pertinente que la Commission européenne a récemment annoncé qu’elle souhaitait, au lendemain de la crise, redonner une impulsion aux relations avec les partenaires sociaux. Ces relations sont déterminantes dans la mise en place d’une nouvelle gouvernance économique.
Ce projet de loi a, je le sais, suscité des inquiétudes dans les TPE et les PME. Mais, je le répète, ce qui prime dans ce texte, c’est la volonté du Gouvernement de favoriser l’activité et l’emploi dans les entreprises. Les mesures permettant de faciliter l’embauche du premier salarié, d’assouplir l’utilisation des contrats de travail, de lever les inquiétudes liées au recours aux prud’hommes, de lutter contre la fraude et d’encourager à franchir les seuils, sont autant de dispositions en faveur des entreprises et de l’emploi.
Jamais auparavant on n’avait vu un gouvernement s’engager si fortement en ce domaine. Alors, oui, ce texte marque véritablement un progrès !