Intervention de Jean-Baptiste Lemoyne

Réunion du 22 juin 2015 à 21h30
Dialogue social et emploi — Article 1er

Photo de Jean-Baptiste LemoyneJean-Baptiste Lemoyne :

Pour commencer, je veux saluer, comme Mme Bricq, le rappel historique très précis qu’a fait Mme la rapporteur dans son rapport ; j’en tirerai en revanche une conclusion différente de celle de Nicole Bricq.

En effet, Catherine Procaccia rappelle que, depuis un certain nombre d’années – en réalité depuis la loi 13 novembre 1982 relative à la négociation collective et au règlement des conflits collectifs du travail, l’une des lois dites « lois Auroux » –, il est tout à fait possible d’instituer des commissions paritaires locales.

On peut donc se demander pourquoi, s’il est possible de le faire depuis trente-trois ans, un plus grand nombre de commissions n’ont pas été mises en place ! Voilà mon raisonnement ! On a l’impression que nous en sommes en train de découvrir un système miraculeux, qui permettra un dialogue social fluide, mais j’observe que le dispositif introduit voilà trente-trois ans n’a pas été mis en place uniformément et partout !

Là où le besoin s’est fait sentir, cela a été dit, des commissions ont effectivement été créées dans certaines régions, pour l’artisanat. Je n’y reviens pas, mais ne perdons toutefois pas de vue qu’il y avait peut-être des raisons qui motivaient les organisations à le faire !

Par ailleurs, quand ces commissions relatives à l’artisanat ont été mises en place, il a fallu les financer, d’où l’instauration de la contribution de 0, 15 % de la masse salariale des artisans concernés. Un taux de 0, 15 %, c’est à la fois peu et beaucoup ! En effet, vous le savez comme moi – nous sommes nombreux à être élus de territoires ruraux –, les artisans font attention à leurs dépenses !

La possible création de ces commissions régionales peut donc justifier les appréhensions de certains chefs de très petite entreprise. On leur dit aujourd'hui que cela ne leur coûtera rien, que cela ne leur fera pas mal, si j’ose dire, et que ces commissions seront un lieu de dialogue où il sera possible de discuter des bonnes pratiques ; mais ils peuvent craindre un effet de cliquet.

D’ailleurs, les discussions concernant l’article 1er, depuis sa présentation en conseil des ministres, montrent que cet effet de cliquet est une réalité. En effet, initialement, le texte du Gouvernement instaurait des commissions paritaires régionales interprofessionnelles ayant pour principale mission de constituer une enceinte d’échanges et de mise en valeur des bonnes pratiques. Dans l’après-midi suivant son dépôt sur le bureau de l’Assemblée nationale, un communiqué de la Confédération française démocratique du travail, la CFDT, approuvait le principe, mais suggérait d’y ajouter une mission de médiation. Apparemment, le téléphone a fonctionné et les députés du groupe socialiste ont déposé un amendement visant à confier à ces commissions, au sein de l’article 1er, une mission de méditation !

Celle-ci s’accompagne, en outre, de la possibilité, pour les membres de la commission, de pénétrer dans les locaux des entreprises. Cette possibilité ne peut intervenir, certes, qu’après accord exprès de l’employeur, mais celui qui refusera sera cloué au pilori : « Pourquoi donc ne voulez-vous pas laisser nos représentants entrer dans l’entreprise ? » On sait alors comment peut se finir ce genre de situations : potentiellement au contentieux, avec l’intervention du juge.

Tout cela m’amène donc à soutenir que les craintes qui ont été exprimées par certains patrons sont liées non pas à un refus de leur part de discuter, mais à leur connaissance des précédents !

Je rappelle par ailleurs, puisqu’il est question de donner la parole aux salariés des TPE, que c’est la précédente majorité qui, en 2010, a mis en place le scrutin sur sigle ! On veut être concret ? Très bien ! Que ce scrutin sur sigle se traduise par la mise en place d’une conférence nationale des TPE ! On pourra alors y mettre en valeur les bonnes pratiques, diffuser l’information et faire avancer certains chantiers spécifiques à ces entreprises.

Par ailleurs, on évoquait tout à l’heure le modèle allemand. J’ai personnellement en mémoire une anecdote à ce sujet. Il y a quelques années, lors d’une manifestation liée à la société Continental – implantée dans les deux pays –, un syndicaliste allemand s’est déplacé en France et a ainsi pu constater la façon dont se déroulaient les choses et dont se comportaient certains syndicalistes français. Je peux vous dire qu’il n’avait pas le sentiment de faire le même métier ! La manière d’appréhender l’action syndicale est donc différente dans les deux pays !

Pour toutes ces raisons, madame la présidente, je voterai personnellement les amendements de suppression, même si, j’en suis conscient, la commission a considérablement amélioré le texte adopté par l’Assemblée nationale.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion