… qui s’est réunie le 16 juin dernier.
L’exigence de nous conformer aux principes posés par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen a été notre obsession tout au long de nos délibérations. Nous étions jusqu’à présent dans le non-droit ; nous avons voulu inscrire le renseignement dans le droit, créer le droit, et je souhaite que nous y soyons parvenus. Nous nous soumettrons bien entendu au contrôle vigilant du Conseil constitutionnel sur tous les points sur lesquels le Sénat a entendu mettre son empreinte de défenseur des libertés. En tant que rapporteur de ce texte, je serais même heureux que M. le président du Sénat saisisse lui-même le Conseil constitutionnel, afin que celui-ci se prononce sur l’ensemble de nos apports et vérifie que les objectifs poursuivis ont bien été atteints. Ainsi, si ce texte est adopté aujourd'hui par la Haute Assemblée et s’il l’est demain par l'Assemblée nationale, il s’inscrira pleinement dans le respect du principe de légalité.
En ce qui concerne les techniques de renseignement, nous avons posé à l’article 1er du projet de loi, les principes de légalité que doit suivre l’autorité pour recourir aux techniques de renseignement. Qu’est-ce que cela veut dire ?
Cela signifie que les décisions de mise en œuvre des techniques de renseignement devront émaner d’une autorité ayant compétence pour le faire.
Cela signifie que la procédure suivie devra être conforme à la loi. Si un service de renseignement recourt à une technique de renseignement sans passer par la procédure légale, il agira dans l’illégalité et il devra donc être sanctionné.
Cela signifie que les décisions prises devront respecter les missions confiées à chaque service qui les met en œuvre, lesquelles sont définies par la loi. Il n’est pas question qu’un service fasse à la place d’un autre ce que ce dernier serait habilité à faire.
Cela signifie qu’il faudra justifier la réalité des menaces, des risques, des enjeux invoqués pour obtenir l’autorisation d’appliquer les techniques de renseignement.
Cela signifie que toute utilisation d’une technique de renseignement devra répondre aux intérêts fondamentaux de la nation, énumérés dans le présent texte.
Surtout, cela signifie que les atteintes portées au respect de la vie privée ou aux garanties offertes à l’exercice de certains mandats ou de certaines professions devront être proportionnées aux motifs invoqués.
En somme, l’arsenal juridique mis à la disposition de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, la CNCTR, à la suite de nos délibérations, assure la pleine effectivité du contrôle des techniques de renseignement pour la première fois dans l’histoire de la République.
Je tiens à le dire, les échanges préparatoires menés avec le président-rapporteur de la commission des lois de l’Assemblée nationale ont été excellents et la collaboration entre les deux assemblées a été féconde. Cela nous a permis d’aboutir à un accord sur tous les points, sauf sur un point qui a fait irruption au cours de nos débats.
L’adoption du projet de loi favorisera la progression de l’État de droit. En effet, le texte n’instaure absolument aucune surveillance de masse. Il propose même de faire exactement le contraire en ne prévoyant que des surveillances ciblées. Comme je le rappelais à l’instant, toute mesure de renseignement qui ne serait pas ciblée irait à l’encontre du principe de légalité, dont nous avons défini le contenu. Pour que la mise en œuvre des techniques de renseignement respecte le principe de proportionnalité, qui participe de la légalité, il faudra à chaque fois viser avec précision les éléments de fait et les finalités qui les justifieront.
Les apports du Sénat tendant à renforcer les pouvoirs de contrôle et les garanties d’indépendance de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement ont été intégralement repris par la commission mixte paritaire, tout comme l’ont été les nombreuses autres contributions du Sénat visant toutes à conforter la constitutionnalité du projet de loi, en assurant le respect de nos droits et de nos libertés et l’effectivité du contrôle juridictionnel.
Mes chers collègues, le compromis trouvé en commission mixte paritaire me permet de vous présenter un texte qui est très proche de celui que le Sénat a adopté en première lecture. Désormais, les principes de la politique publique de renseignement sont clairs et un cadre légal existe. Je tiens à souligner que le compromis trouvé au sujet du renseignement pénitentiaire n’interdit pas la mise en œuvre des techniques de renseignement en prison ; il assure au contraire leur mise en œuvre dans les conditions de droit commun. Aussi un détenu ne sera-t-il pas davantage à l’abri qu’un citoyen ordinaire dont la surveillance serait rendue nécessaire en matière de renseignement.
La commission mixte paritaire a maintenu la procédure d’autorisation des techniques de renseignement dans la rédaction que le Sénat avait adoptée. Elle a repris le souhait que nous avions exprimé de voir le Premier ministre et les ministres concernés librement choisir des représentants de l’autorité publique dans leur entourage, sans pour autant « fonctionnariser » ce qui doit rester une fonction de responsabilité auprès de l’autorité exécutive. Elle a également maintenu la disposition prévoyant que le renouvellement des autorisations soit justifié de manière particulière, repris celle qui limite les finalités permettant la mise en œuvre de la procédure d’urgence absolue et clarifié le recours à la procédure d’urgence opérationnelle.
Le texte qui vous est soumis aujourd’hui est également fidèle à celui que vous avez adopté sur un autre point, à savoir le régime spécifique applicable aux professions protégées.
La solution préconisée par le Sénat concernant le point de départ du délai de conservation des informations recueillies dans la mise en œuvre des techniques de renseignement a aussi été retenue. Ce point de départ est fixé au moment du recueil de l’information et non au moment où l’information est transcrite. À défaut, cela aurait laissé toute latitude à l’autorité administrative pour décider du point de départ du délai, alors même que ce point de départ doit être objectif.
D’entrée de jeu, j’indique que je suis tout à fait favorable à l’amendement du Gouvernement – il répond au souhait que j’avais moi-même exprimé lors de la réunion de la commission mixte paritaire –, qui vise à conserver le régime actuel de surveillance des citoyens étrangers de passage en France. Sur le territoire national, un seul régime juridique doit s’appliquer, quelle que soit la nationalité des personnes qui se trouvent sur notre sol.