Intervention de Esther Benbassa

Réunion du 23 juin 2015 à 14h30
Renseignement — Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

Il faut, j’en suis certaine, opposer au terrorisme une résistance efficace et consciente sans jamais brader nos libertés, première cible, justement, des obscurantistes qui nous visent.

Mes chers collègues, je voudrais partager avec vous les propos d’Edward Snowden, lanceur d’alerte s’il en est, qui résonnent aujourd’hui d’une manière bien singulière : « Le fait de dire qu’on se fiche de la vie privée parce qu’on n’a rien à cacher revient à dire qu’on se fiche de la liberté d’expression parce qu’on n’a rien à dire. »

Pour que le projet de loi soit acceptable, il aurait fallu que son champ d’application soit davantage limité et que les motifs d’intérêt public justifiant la mise en œuvre des activités de renseignement soient définis de manière précise et restrictive. À la lecture du texte de la commission mixte paritaire, qui reprend dans son ensemble la rédaction élaborée par la Haute Assemblée, force est de constater qu’on en est loin.

On ne peut pas, au nom de la sécurité, et même s’il s’agit de lutter contre le terrorisme, placer entre les mains de l’administration les pouvoirs normalement dévolus aux juges. Pour prévenir d’éventuelles conséquences fâcheuses, les pouvoirs de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement auraient dû être renforcés. Nous avions d’ailleurs préconisé qu’elle puisse, lorsqu’on lui demande l’autorisation de mettre en œuvre une mesure, vérifier, sans délai et sans restriction, que celle-ci est parfaitement légale, proportionnée et subsidiaire.

Non seulement ce n’est pas le cas dans le texte qui nous est soumis aujourd’hui, mais une disposition a été ajoutée, sur l’initiative du rapporteur de l’Assemblée nationale, comme l’ont rappelé certains orateurs, afin d’autoriser le Premier ministre à recourir aux techniques de renseignement sans avis préalable de la CNCTR lorsque la mise en œuvre de ces techniques ne concerne ni un Français ni un résident habituel en France. Le Conseil constitutionnel aurait probablement eu à examiner cette disposition contraire au principe d’égalité devant la loi. Nous nous réjouissons de la volonté du Gouvernement de la supprimer.

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