Monsieur le président, monsieur le président-rapporteur de la commission des lois, monsieur le président-rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des formes armées – un texte rapporté par deux présidents de commission montre bien l’importance du sujet ! –, monsieur le ministre, mes chers collègues, le recours à la procédure accélérée nous a obligés à aller vite, à tel point que, même si nous avons œuvré efficacement en commission mixte paritaire, il reste quelques coquilles dans le texte.
Cela étant, les travaux en CMP ont permis de conforter la position du Sénat sur ce texte important. Il fallait garantir la constitutionnalité du projet de loi – le rapporteur de l’Assemblée nationale a noté que le Sénat y a largement contribué –, le respect de l’État de droit et assurer la fiabilité des dispositifs prévus. Entre le projet de loi initial et le texte que nous allons adopter, force est de constater qu’il y a quand même des différences notables, comme le faisait remarquer l’un de nos collègues, notamment en ce qui concerne le contrôle.
Comme cela a été dit et répété, l’efficacité des services de renseignement ne doit pas nous conduire à négliger le strict respect des libertés publiques. Ainsi, l’article 1er A, dont nous devons la rédaction à notre excellent rapporteur Philippe Bas, cadre bien l’enjeu de ce texte. Selon moi, il était indispensable de prévoir ce chapeau.
Je veux insister de nouveau sur le contrôle et les délais. Nous avons fortement développé le contrôle juridictionnel du Conseil d’État. Or certains n’ont pas encore compris que la prévention relève de la juridiction administrative, tandis que la répression ressortit à la juridiction judiciaire. Et l’une comme l’autre ont vocation à protéger les libertés publiques !
Il faut aussi noter le rôle accru de la nouvelle Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. Comme je l’ai déjà dit, nous devons avoir à l’égard de cet organisme les mêmes exigences que celles que nous avions à l’égard de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité. Il faudra bien sûr que cette commission dispose de moyens, mais M. le Premier ministre en a pris l'engagement, comme vous-même, monsieur le ministre. Ces nouveaux moyens s’imposent, compte tenu de la complexité des nouvelles techniques qui pourront être utilisées. Cela ne signifie pas, pour autant, que l’effectif des membres de cette commission doive être pléthorique : l’efficacité de certains organismes est parfois inversement proportionnelle à leur effectif. Sur ce point, le Sénat a été suivi.
La composition de cette commission devrait garantir un équilibre entre sécurité et libertés publiques, qui repose sur l’accès permanent, complet et direct aux renseignements collectés. Cet accès est extrêmement important : il faudra veiller à ce qu’il soit effectif, et la commission devra se montrer exigeante. Il est évident que l’évolution constante des techniques de renseignement et la menace terroriste omniprésente justifiaient pleinement l’approche globale de ce projet de loi. En effet, différents textes avaient été adoptés au fil des années, mais ils ne permettaient pas une approche globale, notamment en ce qui concerne le renseignement extérieur.
À mesure que les techniques sont plus intrusives, elles doivent d’autant plus faire l’objet de contrôles stricts. C’est le cas ! Nous l’avons dit, le principe de proportionnalité doit être spécialement respecté. Je pense que le fantasme de la surveillance généralisé ne résiste pas à une lecture attentive du projet de loi.
En ce qui concerne les techniques de cryptage, la rédaction retenue me paraît présenter toutes les garanties. Je rappelle que certains traitements automatisés doivent être réservés aux seuls besoins de la prévention du terrorisme et faire l’objet d’un contrôle particulier – il s’agit des dispositions de l’article L. 851-4 du code de la sécurité intérieure contenues dans l’article 2 du présent projet de loi.
Un mot encore sur les délais : là aussi, l’apport du Sénat a été retenu. C’est évidemment à partir du recueil du renseignement que le délai doit courir et non à partir de son exploitation. Il était important de le préciser, parce que le délai de conservation pouvait devenir indéfini s’il ne courait qu’à partir de l’exploitation. Dans le cas contraire, il suffirait aux services de dire qu’ils n’ont pas exploité le renseignement pour que sa conservation dure indéfiniment.
Pour l’anecdote, monsieur le ministre, si les délais de conservation me paraissent parfois un peu longs, ce n’est pas parce que je suspecte les services, mais parce que je crains que les données ne soient pas exploitées assez rapidement. Chacun sait que les renseignements ne servent à rien s’ils ne sont pas exploités. C’est pourquoi j’insiste sur ce principe. J’ajoute qu’il faut bien sûr donner aux services les moyens d’exploiter ces données, notamment aux services chargés du renseignement intérieur, mais vous allez le faire.
Précédemment a été évoqué le problème de la surveillance des détenus, en raison de la menace terroriste, mais pas seulement, puisque la grande criminalité poursuit parfois ses agissements en prison, les réseaux ne cessant pas leur activité aux portes des établissements pénitentiaires. Le Sénat avait fait un travail utile. Ce sujet avait provoqué des protestations un peu vives à l’Assemblée nationale et nous avons eu raison de laisser les choses en l’état, en distinguant bien ce qui relève de la surveillance pénitentiaire, d’une part, de ce qui relève du renseignement pénitentiaire, d’autre part. Surtout, les services de renseignement, quels qu’ils soient, peuvent intervenir dans les établissements pénitentiaires. La question devra sans doute être approfondie, mais je crois qu’il était préférable, à ce stade, de ne pas évoquer ce problème, les choses pouvant fonctionner parfaitement.
Je n’aurai garde de terminer mon propos sans évoquer une petite incongruité : l’introduction, par la commission mixte paritaire, d’un alinéa 27 à l’article 1er du projet de loi, ainsi que de son corollaire, l’alinéa 124. En tout état de cause, si ce texte avait été voté tel quel, je pense que nous aurions saisi le Conseil constitutionnel, mais le Président de la République s’est déjà engagé à le faire. Nous aurions toutefois apporté notre contribution en indiquant, d’une part, qu’une commission mixte paritaire ne peut pas introduire de dispositions nouvelles qui n’ont pas été discutées par l’une ou l’autre des assemblées et, d’autre part, que ces dispositions posent un vrai problème de constitutionnalité, comme vous l’expliquez si bien dans l’objet de votre amendement, monsieur le ministre. Je suis donc heureux que le Gouvernement ait déposé un amendement pour nettoyer ce texte qui présente, par ailleurs, beaucoup de vertus.
En conclusion, j’indique que la grande majorité du groupe Les Républicains votera ce texte, qui va dans le sens de l’intérêt général et qui permettra de rendre plus efficace la lutte contre le terrorisme, ainsi que tous les fléaux, comme la grande criminalité – parfois liée au terrorisme, d’ailleurs –, qui menacent notre société.