Intervention de Clotilde Valter

Réunion du 7 juillet 2015 à 14h30
Réouverture exceptionnelle des délais d'inscription sur les listes électorales — Adoption en nouvelle lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Clotilde Valter :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de M. le ministre de l’intérieur, retenu par d’autres obligations.

Vous êtes de nouveau appelés à examiner la proposition de loi visant à la réouverture des délais d’inscription sur les listes électorales pour l’année 2015. II s’agit de déroger de façon exceptionnelle au principe de révision annuelle des listes électorales, prévu par l’article L. 16 du code électoral.

Toutes les élections récentes, y compris les élections départementales de mars dernier, ont démontré combien il était impératif de lutter contre le fléau de l’abstention, qui mine la démocratie. Dans la perspective des élections régionales de la fin de l’année, il était donc urgent d’agir, d’autant que c’est la première fois depuis 1965 qu’un scrutin aura lieu en fin d’année.

Sans cette proposition de loi, les élections de décembre 2015 se feraient sur la base de demandes d’inscription déposées près d’un an auparavant, au 31 décembre 2014. Il y aurait donc un décalage très important entre la date limite des inscriptions sur les listes électorales et celle du scrutin ; nous avons le devoir d’y remédier.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le texte adopté par votre commission propose de généraliser l’application de l’article L. 30 du code électoral. Cette solution remet en cause tout le système de gestion des listes et la sincérité de celles-ci. Le Gouvernement ne peut donc y adhérer.

Comme vous le savez, la procédure de l’article L. 30 est dérogatoire, elle est conçue pour des cas limités et elle ne permet pas de mobiliser l’INSEE, car les délais sont déjà extrêmement serrés pour procéder aux échanges entre les communes et mobiliser les commissions administratives communales compétentes en la matière.

Cette procédure présente donc deux faiblesses majeures.

Premièrement, il n’y a pas de vérification de la capacité électorale du demandeur, ce qui peut conduire à inscrire des personnes n’ayant pas le droit de voter. En effet, dans le cadre normal de la procédure de révision annuelle, la commune est tenue de saisir l’INSEE de toute demande d’inscription, afin notamment de vérifier la capacité électorale du demandeur. Dans le cadre de la procédure prévue à l’article L. 30, l’INSEE n’est pas consultée, ce qui peut conduire à l’inscription de personnes qui, en réalité, n’auraient pas le droit de voter.

Deuxièmement, de nombreuses doubles inscriptions sont constatées dans les faits au moment du scrutin. Les délais très courts entre la demande d’inscription et le scrutin ne garantissent pas l’effectivité de l’information entre les communes. Ainsi, dans les faits, la commune d’inscription d’un électeur au titre de l’article L. 30 notifie cette information à la commune de départ dans les tout derniers jours avant le scrutin, ce qui peut empêcher la radiation à temps de l’électeur de cette première liste. Cette procédure peut ainsi engendrer des doubles inscriptions susceptibles de mettre en cause la sincérité du scrutin.

Vous avez tenté d’y remédier par l’allongement du délai à vingt jours, au lieu de dix. Mais ce dispositif reste imparfait, en l’absence d’informations coordonnées avec l’INSEE, alors que, je l’ai indiqué, cette coordination est importante.

Au contraire, la proposition de loi de Mme Pochon maintient le cadre de la révision périodique des listes ; elle ne fait qu’en différer le démarrage. Le texte adopté par l’Assemblée nationale ne remet donc pas en cause le fonctionnement de droit commun de la révision des listes électorales, mais y intègre, à titre exceptionnel, en 2015, un délai supplémentaire d’inscription sur les listes électorales pour tous les citoyens.

En prenant en compte les demandes d’inscription déposées jusqu’au 30 septembre, la loi laisse à l’INSEE et aux communes deux mois pour arrêter définitivement les listes électorales à la fin du mois de novembre. Le délai du 30 septembre permettra à l’ensemble des citoyens ayant changé de domicile au cours de l’été de déposer une demande d’inscription. Cette mesure est particulièrement favorable aux étudiants qui s’installent en septembre dans une nouvelle ville pour poursuivre leurs études, et globalement à l’ensemble de la population concernée par un déménagement, dû par exemple à une mutation.

Je voudrais également souligner un inconvénient de votre proposition consistant à élargir le champ de l’article L. 30 : tous les Français qui se sont inscrits sur les listes électorales depuis le 1er janvier dernier devraient retourner s’inscrire au titre de l’article L. 30, ce qui, vous en conviendrez, n’irait ni dans le sens de la simplification pour les usagers ni dans celui de l’allégement des charges administratives des communes.

À l’inverse, le fait de différer les dates de validité des inscriptions, comme nous le proposons, ouvre non seulement le droit de vote aux élections régionales pour les Français qui s’inscriront sur les listes dès la publication de cette loi et jusqu’à la fin septembre, mais également à tous les citoyens qui ont fait la démarche depuis le 31 décembre 2014.

Compte tenu de ces éléments, le Gouvernement maintient sa position en faveur du texte dans sa version adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture.

Enfin, je voudrais vous rappeler que le Président de la République s’est clairement exprimé pour une modernisation de l’accès au scrutin, avec l’ambition que nos concitoyens puissent s’inscrire dans un délai d’un mois avant l’échéance électorale, et non plus seulement l’année précédant le scrutin. Nous avons d’ores et déjà, avec les députés Élisabeth Pochon et Jean-Luc Warsmann, commencé à travailler à une telle réforme.

Cette initiative permettra de reprendre l’esprit de vos amendements, monsieur le rapporteur. Le ministère de l’intérieur, qui suit de très près la préparation de cette future proposition de loi, veillera à ce que ceux de vos collègues qui le souhaiteraient et vous-même puissiez participer aux travaux préparatoires, dans la tradition des initiatives transpartisanes qui devraient nous rassembler.

Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-nous de continuer à travailler ainsi, en confiance, en votant les amendements de rétablissement du texte de l’Assemblée nationale proposés par le groupe socialiste et républicain du Sénat. C’est là un enjeu républicain qui doit nous rassembler au-delà de nos différences !

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