Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, il est toujours un peu ennuyeux de travailler ainsi dans l’urgence, mais, à situation exceptionnelle, solution exceptionnelle. Or il est assez exceptionnel de modifier les dates d’élections et, en France, de voter au mois de décembre. Dans ce contexte, il serait tout de même dommageable de ne pas favoriser au maximum les inscriptions sur les listes électorales.
Le rapport d’information des députés Élisabeth Pochon et Jean-Luc Warsmann est d’un grand intérêt. Même si nous ne souscrivons pas forcément aux vingt-trois propositions qu’il contient, celles-ci constituent une base de réflexion tout à fait utile.
Il est important que nous ne nous éloignions pas de l’objectif qui a été solennellement rappelé, y compris très clairement par le Gouvernement en première lecture, à savoir que l’année 2016, exempte d’élections, doit être l’occasion d’un débat de fond permettant d’améliorer le système de gestion des listes électorales, mais aussi, tout simplement, parce que c’est un sujet central, de nos pratiques en matière démocratique.
Comment pouvons-nous tolérer que, de manière délibérée ou du fait de certaines rigidités administratives, mais aussi d’une mauvaise appréhension du problème, 3 millions de nos concitoyens ne soient pas inscrits sur les listes électorales et que 6, 5 millions d’entre eux soient « mal inscrits » ? Or qui dit « mal inscrit » dit « difficilement votant »…
Certes, l’ouverture permanente de l’inscription sur les listes électorales ne permettra pas de créer un raz-de-marée de participation au scrutin, mais elle offrira au moins de nouvelles conditions d’accès au vote. De fait, le système de révision annuelle des listes électorales empêche de nombreux citoyens de voter, même si le peu d’intérêt pour notre fonctionnement démocratique dépasse largement la problématique de l’inscription sur les listes électorales, y compris, cher collègue Détraigne, celle du millefeuille administratif ou autre aspect institutionnel.
Le phénomène est particulièrement marquant chez les moins de trente-cinq ans. Si l’on met à part les élections présidentielles, les étudiants, en particulier, peut-être à cause de leur mobilité, sont près de 65 % à s’abstenir. Il y a tout de même là de quoi s’inquiéter !
Vous l’aurez compris, la situation actuelle ne peut pas nous satisfaire. Nous partageons la volonté de mener une réforme profonde de nos listes électorales pour redynamiser la participation. Nous sommes cependant pressés par le calendrier ; une mesure doit donc être prise immédiatement pour que les listes électorales soient correctement actualisées. À cet égard, nous souscrivons aux arguments de notre collègue Kaltenbach, qui met en avant la nécessaire simplicité d’une mesure permettant de résoudre le problème d’ici aux élections régionales de décembre prochain : cela peut malgré tout justifier le « minimum », c’est-à-dire la réouverture des délais d’inscription jusqu’au 30 septembre et la mise en place rapide des modalités pratiques, y compris par voie réglementaire.
Nous restons néanmoins persuadés qu’une réforme en profondeur de l’exercice démocratique doit être réalisée. Il serait utile que l’engagement du Gouvernement soit mis en œuvre rapidement et de manière ambitieuse, non seulement en termes de simplification et d’élargissement des modalités d’inscription, mais aussi en termes d’accès à l’inscription.
Nous sommes là, à plusieurs égards, au cœur de la citoyenneté. La montée des extrémismes, la perte de confiance dans notre système politique, l’éloignement d’avec le politique sont aujourd’hui des préoccupations incontournables, ouvrant de sombres perspectives, étouffantes pour la démocratie ; ce problème dépasse d'ailleurs largement nos frontières, même si la bouffée d’oxygène qui nous vient aujourd’hui de la Grèce apporte quelque espoir.
Nous travaillerons sans relâche - avec certains d’entre vous, j’en suis sûr -, par exemple, à la reconnaissance entière du vote blanc. L’étude de sociologie électorale de Cécile Braconnier et Jean-Yves Dormagen rappelle que l’abstention peut être vécue comme une expression politique. La reconnaissance du vote blanc doit entrer dans cette dynamique.
Enfin, la question de la définition de la citoyenneté est centrale. L’histoire de notre pays a été marquée par l’élargissement du corps électoral, de l’établissement du suffrage universel, en 1848, à l’abaissement de la majorité électorale à dix-huit ans, en 1974, en passant par l’institution du droit de vote des femmes, en 1944. Ainsi, comment pouvons-nous continuer à justifier que des résidents étrangers participant depuis de nombreuses années à la vie de leur collectivité par leur travail, leurs impôts et leur engagement associatif ne puissent pas prendre position sur les décisions qui les concernent au niveau communal ? À ce sujet, les articles XIV et XV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, inscrite dans le préambule de notre Constitution, rappellent certes la nécessité de la contribution publique, mais surtout le lien entre celle-ci et la qualité de citoyen.