Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous examinons en deuxième lecture ce projet de loi relatif à la réforme du droit d’asile, dont l’objectif premier est de renforcer les droits des demandeurs, d’accélérer les délais d’examen des demandes et de mettre en place un dispositif national d’accueil directif, tout en répondant aux exigences de transposition des dernières directives européennes.
Les précédents orateurs ont souligné l’échec de la CMP. En première lecture, le groupe socialiste avait déploré certaines des évolutions adoptées par le Sénat. En nouvelle lecture, nonobstant le fait que l’Assemblée nationale a tenu compte de quelques-unes des améliorations que nous avions apportées au texte, la commission des lois du Sénat et son rapporteur ont su faire preuve d’un certain esprit de compromis en ne reprenant pas plusieurs dispositions votées en première lecture.
Je pense en particulier au nouveau dispositif de déconcentration de l’OFPRA, à l’obligation de quitter le territoire français à la suite d’un refus de l’OFPRA ou de la CNDA, dont les défauts juridiques avaient été soulignés lors du débat au Sénat et au dispositif de notre collègue Roger Karoutchi, qui avait été voté par voie d’amendement et qui allait à l’encontre des directives européennes en matière de droit du travail – les demandeurs du droit d’asile doivent en effet pouvoir accéder au marché du travail après neuf mois de présence sur le territoire d’un pays membre.
Certaines propositions du Sénat sont consensuelles, notamment celle qui est relative à la composition du conseil d’administration de l’OFPRA. Il en va de même de la volonté du rapporteur de confier le contentieux des décisions de refus d’entrée sur le territoire prises sur avis de l’OFPRA à la Cour nationale du droit d’asile, plutôt qu’au juge administratif de droit commun. Cette disposition, fruit d’une réflexion intelligente sur le devenir de la CNDA, s’inscrit dans la droite ligne de l’action du Gouvernement. Ce denier a en effet décidé de conserver à la Cour nationale du droit d’asile sa compétence en matière de contentieux de l’asile. La proposition de M. le rapporteur mérite donc d’être étudiée.
Toutefois, le refus d’accorder à l’OFPRA un pouvoir d’appréciation sur un certain nombre de questions, en particulier sur le maintien de protections dans certaines situations, nous semble non seulement inadéquat, mais aussi témoigner d’un manque de confiance dans l’administration.
L’abandon du lieu d’hébergement ne doit pas non plus valoir clôture de la demande. Une telle disposition va au-delà de ce qui est souhaitable.
En outre, vouloir imposer à l’OFPRA un délai spécifique de trois mois pour étudier les demandes est en décalage avec la réalité. Certains cas peuvent être étudiés rapidement, d’autres réclament plus de temps. Imposer des délais trop courts à l’OFPRA, c’est prendre le risque d’augmenter le nombre de refus et donc le nombre de saisines de la CNDA. En voulant réduire les délais, vous ne ferez donc que les augmenter. C'est la raison pour laquelle nous proposerons un amendement visant à instaurer un délai « moyen » de trois mois.
Enfin, la commission n’a pas accepté que le dépôt d’une demande d’asile vaille autorisation de séjour.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste – à moins bien sûr que l’ensemble de ses amendements ne soit adopté –, comme en première lecture, s’abstiendra sur ce texte, et cela malgré l’esprit de compromis dont a su faire preuve M. le rapporteur lors des débats en commission.
Mes chers collègues, au regard de la situation générale de l’asile en Europe, il me semble nécessaire de vous faire part de quelques réflexions.
Nous faisons face à une véritable crise migratoire. Chaque jour, des familles entières connaissent une situation indigne. Je salue l’engagement du Gouvernement de créer 4 000 places supplémentaires. Le dispositif national d’accueil semble plus que jamais d’actualité. L’hébergement directif permet de répartir les demandes de protection sur l’ensemble du territoire. Certains gestionnaires de logements sociaux ont émis des propositions intéressantes, mais dont la portée me semble quelque peu limitée : en installant les demandeurs dans des zones où l’activité économique est très faible, on risque, dans un deuxième temps, de ne pas favoriser leur intégration.
Ces propositions sont également en rupture avec ce qui se passait jusqu’en 2012. Depuis cette date, l’OFPRA et la CNDA ont énormément travaillé pour améliorer les conditions de travail et les délais de réponse aux demandeurs. Il est important – c’est la raison d’être de ce projet de loi – de trouver aujourd’hui les outils leur permettant d’aller encore plus vite. Lutter contre les délais longs, c’est lutter contre l’installation de personnes qui auront du mal à quitter notre territoire, surtout après y avoir passé deux ou trois ans.
Par ailleurs, la théorie de l’appel d’air, chère à Nicolas Sarkozy et à ses amis…