Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous débattons de ce projet de loi alors même que la France et l’Europe se mobilisent pour faire face à une crise migratoire d’une ampleur tout à fait préoccupante. Cette crise devient même insoutenable au regard de la multiplication des drames successifs qui se sont joués ces derniers mois en Méditerranée.
La France, comme bien souvent, est aux avant-postes et elle est également une force de propositions au sein de l’Europe. Un nouveau dispositif se dessine d’ailleurs en Europe, et c’est tant mieux. La France doit l’accompagner par une réforme du droit d’asile sur son territoire, et c’est précisément l’objet de ce texte.
En effet, qu’ils viennent d’Irak, de Syrie ou d’Érythrée, les femmes et les hommes qui ont fui leur pays pour préserver leur intégrité physique, ainsi que celle de leur famille, doivent pouvoir faire valoir leurs droits dans le cadre de procédures efficaces et rapides.
Force est de le constater, aujourd’hui le droit d’asile est profondément affaibli. Cette réforme est donc salutaire et doit nous permettre de pallier les dysfonctionnements observés. Je rappellerai simplement un chiffre : entre 2007 et 2012, les demandes d’asile ont presque doublé en France et, malheureusement, durant cette période, aucune mesure n’a été envisagée pour mieux gérer cette augmentation.
L’OFPRA, comme la CNDA, n’est plus en mesure aujourd’hui, au vu de ses effectifs et de ses moyens, d’offrir des délais de traitement des demandes qui soient acceptables. Les dispositifs d’hébergement des demandeurs sont totalement saturés.
Heureusement, le Gouvernement a pris les choses en main et mobilise les moyens humains et matériels qui sont indissociables de la réforme que nous examinons. Il a également d’ores et déjà accentué sa lutte contre les filières de l’immigration clandestine.
Les débats au Sénat sur ce projet de loi ont été riches, et je suis satisfait de constater que la position de la majorité sénatoriale a évolué dans le bon sens. En effet, nous avons adopté une démarche consensuelle en décidant de raccourcir les délais, ce dont je ne peux que me réjouir, et la majorité sénatoriale a abandonné certaines des idées avancées en première lecture, comme le rejet automatique d’une demande valant obligation de quitter le territoire, qui était pour le moins ubuesque.
Toutefois, force est de constater qu’il reste encore, dans le texte qui nous est proposé par les rapporteurs, des dispositions qui sont inacceptables pour le groupe socialiste. Je pense notamment à la clôture du dossier déclenchée par l'abandon du lieu d'hébergement. Il en est de même concernant la volonté des rapporteurs de lier l’OFPRA dans son pouvoir d’appréciation en lui donnant des injonctions. Sur ces sujets, il reste donc encore un travail à effectuer.
Notre collègue Jean Yves Leconte a déposé plusieurs amendements, et j’espère que nos rapporteurs y seront sensibles. En effet, en l’état actuel du texte, le groupe socialiste s’abstiendra. En revanche, si le rapporteur et la commission des lois allaient dans le sens souhaité par Jean-Yves Leconte, nous pourrions revoir notre position et voter en faveur du texte, ce qui permettrait de parvenir à un large consensus. La balle est donc dans le camp des rapporteurs, et nous serons extrêmement attentifs au sort qui sera réservé aux amendements de notre collègue Leconte.
Enfin, et je m’adresse ici à la majorité sénatoriale, cessons de dire que la France serait aujourd’hui plus laxiste que ses voisins en matière de reconduite à la frontière des personnes en situation irrégulière ! C’est totalement erroné ; il n’existe aucune spécificité française sur ce point.
Plusieurs orateurs l’ont souligné, nous devons faire preuve de pragmatisme, tout en restant fidèles à nos valeurs en ce qui concerne l’attribution de l’asile pour les personnes pourchassées au sein de leur pays, dans la mesure où il s’agit d’un aspect essentiel de la République française. En effet, nous sommes tous attachés à ce droit d’asile. Cependant, nous devons aussi le faire vivre au quotidien, et c’est précisément l’objet de ce projet de loi.