Intervention de Thierry Repentin

Réunion du 29 juin 2011 à 14h30
Exercice du droit de préemption — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Thierry RepentinThierry Repentin :

Mon troisième et dernier point concerne, naturellement, la question du juste prix.

Le prix acquitté lors de la préemption doit permettre de ne pas spolier le propriétaire tout en rendant possible la réalisation du projet d’intérêt général.

Cela va sans dire, même s’il est toujours utile de le rappeler, la collectivité qui préempte paie le bien qu’elle achète. Droit de préemption et droit de propriété ne s’opposent pas l’un à l’autre.

Il nous faut ici sortir des représentations anciennes : non, les prix fixés par les Domaines ne sont plus fondés sur des références de marché obsolètes ; non, ils ne sont pas défavorables au vendeur.

Bien au contraire, les modes de calcul désormais le plus souvent retenus par France Domaine sont assis sur des constructibilités maximales et sont donc très avantageux pour le cédant.

En outre, en cas de préemption pour la réalisation d’un programme de logements, la typologie des logements – par exemple la présence ou non de logements sociaux – n’est, dans certains départements, pas prise en compte dans la valorisation foncière. Pourtant, inclure 25 % ou 30 % de logements sociaux dans chaque opération nouvelle, comme le prescrivent un nombre croissant de PLU, a un impact sur le coût maximum qu’il est possible de consacrer au foncier.

Mes chers collègues, la valeur absolue d’un terrain ou d’un logement n’existe pas. Il n’y a que des valeurs relatives, selon la localisation mais aussi selon la destination future. Nous appelons donc de nos vœux un changement de culture dans la formation du prix foncier. À défaut, au rythme actuel de l’inflation foncière et immobilière, plus aucun projet de logement abordable ne pourra voir le jour.

Il nous faut impérativement passer du « prix potentiel » au « prix absorbable ». J’entends par là que la valeur des terrains ou des biens devrait désormais se définir « à rebours » en fonction du prix de sortie acceptable pour le futur usager, que celui-ci vive dans le parc social ou dans le parc privé, que l’acquisition serve à un programme de logements, un équipement public, une zone d’activité économique ou une infrastructure.

Nous proposerons tout à l’heure un amendement en ce sens.

Outre l’instauration de ce prix à rebours, cet amendement a également pour objet la suppression du double rôle de juge et partie tenu par France Domaine s’agissant des biens de l’État.

Ainsi, l’établissement ne pourrait plus estimer les biens détenus directement ou indirectement par sa tutelle. La mission d’estimation serait alors confiée à deux notaires de la région où est situé le bien.

Je me permets, mes chers collègues, de glisser ici une remarque au sujet de l’article 2, trop rigide dans sa rédaction actuelle.

Une telle fermeture des possibilités de rétractation est une véritable épée de Damoclès pour la collectivité territoriale et risque même de dissuader celle-ci de faire usage du DPU, ce qui est l’inverse du but recherché, en tout cas par mon groupe, au nom duquel je m’exprime, et sans doute par l’auteur de la présente proposition de loi.

Je crains, en outre, que cette disposition ne conduise le juge de l’expropriation à une certaine générosité au profit du cédant dans la zone grise comprise entre le prix des Domaines et ce prix majoré de 9, 99 %, prix que la collectivité devrait acquitter sans pouvoir renoncer à l’achat. Si ma crainte se confirmait, le phénomène serait fortement pénalisant tant pour les finances locales que pour l’équilibre de l’opération envisagée.

S’agissant encore de la question des prix, je veux exprimer à nouveau l’engagement de mon groupe dans la lutte contre la spéculation foncière, l’inflation foncière et immobilière et, enfin, l’enrichissement sans cause qui en découle.

En moyenne, les prix fonciers et immobiliers dans notre pays ont augmenté de 140 % entre 2000 et 2010.

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