Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 29 juin 2011 à 14h30
Exercice du droit de préemption — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le droit de préemption est un instrument indispensable de la politique d’aménagement des territoires de nos collectivités territoriales. Il est à la fois indispensable et légitime, car ce sont les collectivités qui investissent pour l’intérêt général et leurs investissements engendrent couramment des plus-values foncières significatives pour les particuliers.

Le contrôle du foncier et les réserves foncières constituent l’une des clés de l’aménagement urbain d’aujourd'hui et de demain.

La notion d’intérêt général constitue le fondement du droit de préemption, dont l’exercice doit être à la fois facilité et sécurisé, d’autant que sa mise en œuvre est en principe particulièrement simple si on la compare aux procédures de déclaration d’utilité publique et d’expropriation.

En outre, le droit de préemption respecte, naturellement, le droit propriété, tout en permettant d’atténuer certains abus de ce droit au nom de l’intérêt général.

L’utilité du droit de préemption est reconnue par nos concitoyens et son principe peu contesté.

Le texte qui nous est soumis constitue aux yeux de mon groupe un progrès et, de ce fait, nous le voterons unanimement.

En revanche, nous considérons qu’il eût été pertinent d’avoir un texte global sur l’ensemble des problématiques des droits de préemption et, par exemple, de tenir compte des avancées souvent indispensables contenues dans la proposition de loi de nos collègues du groupe socialiste et que vient de rappeler Thierry Repentin.

Ainsi, la question de l’utilisation du droit de préemption par les intercommunalités n’est pas, en l’état, correctement résolue.

Alors que la loi de réforme des collectivités territoriales impose à toutes les communes de rejoindre une intercommunalité et que la rationalisation de la carte intercommunale est à l’ordre du jour, la procédure actuelle ne tient pas suffisamment compte du fait intercommunal.

De même, le système de la délégation du droit de préemption de la commune à l’EPCI au coup par coup ne correspond plus aux besoins actuels.

Par ailleurs, le transfert pur et simple du droit de préemption de la commune vers l’EPCI calé sur la compétence en matière de PLU qui est envisagé n’est pas la panacée. Il conviendra d’évoluer vers un système permettant tant à la commune qu’à l’EPCI de disposer du droit de préemption lorsque tel est leur choix. La mise en place de deux délais successifs est parfaitement réalisable, le seul risque étant celui d’un conflit entre la commune et l’intercommunalité, conflit dont, en tout état de cause, l’exercice du droit de préemption ne serait qu’un révélateur.

Cette double saisine est d’autant plus nécessaire que, ces dernières années, le droit de préemption se voit assigner des finalités qui dépassent le strict aménagement foncier du territoire : la police administrative au service de la prévention des risques, les fonds de commerce et les baux commerciaux, sans oublier la préemption pour autrui.

Aujourd’hui, l’architecture d’ensemble des droits de préemption est perturbée.

En premier lieu, les différents droits de préemption sont mal hiérarchisés et leur articulation est imparfaite.

En deuxième lieu, les risques de superposition des droits de préemptions sont accrus, notamment ceux qui sont liés au chevauchement entre DPU et droit de préemption des espaces naturels sensibles.

En troisième lieu, les compétences sont dispersées entre les différents niveaux de collectivités publiques et il n’existe pas d’instance ou de documents d’arbitrage entre logiques concurrentes. En effet, le schéma de cohérence territoriale ne joue pas ce rôle de manière satisfaisante.

Nous estimons par ailleurs qu’il convient de conforter par la loi l’évolution jurisprudentielle amorcée par le Conseil d’État dans les arrêts des 7 mars 2008 et 20 novembre 2009. En effet, la justification par la collectivité locale de la réalité d’un projet d’action ou d’aménagement si la nature du projet apparaît dans la décision sans caractéristique précise et sans le document de référence est un progrès important, car l’insuffisance de motivation devenait un obstacle procédural remettant en cause le droit de préemption. La loi doit donc fixer dans le marbre cette évolution jurisprudentielle.

En réalité, le cadre normatif ne permet pas d’appréhender pleinement la réalité des besoins de nos collectivités territoriales. Je pense en particulier à la préemption en considération de l’acquéreur dans le but de faire barrage à certaines opérations contraires à la politique foncière et d’aménagement du territoire de la collectivité. Cela n’a rien de choquant dans la mesure où le droit de préemption est totalement différent de l’expropriation, puisqu’il y a mise en vente volontaire du bien par le particulier et que la saisine éventuelle du juge de l’expropriation pour arbitrer le prix est nécessaire pour éviter – situation qui existe encore – les ventes à prix artificiel dont le seul objectif est de piéger la collectivité.

De la même manière, nous estimons que l’utilisation assez courante du droit de préemption pour stabiliser le marché foncier est parfaitement légitime et doit être développée.

L’amélioration de l’information des collectivités est une heureuse avancée.

Vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, dans les zones détendues, chères à votre cœur

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