Il s’agit d’un amendement qui avait déjà été adopté par le Sénat en première lecture et que l’Assemblée nationale a bien évidemment retiré. Il vise à revenir sur la disposition qui permet l’ouverture du marché du travail aux demandeurs d’asile lorsqu’il n’a pas été statué sur leur demande neuf mois après son dépôt, contre douze mois aujourd’hui.
Cela pose d’abord une question de forme : pourquoi le Gouvernement entend-il insérer dans la loi cette disposition, qui est strictement d’ordre réglementaire ? S’il souhaitait passer à un délai de neuf mois, il pouvait le faire par décret, sans qu’il soit nécessaire de le faire figurer dans la loi.
Est-il vraiment nécessaire d’émettre ainsi un signal en direction des réseaux de passeurs en leur disant : « Allez-y, nous réduisons encore le délai à partir duquel un demandeur d’asile peut essayer d’entrer sur le marché du travail » ?
Je relève ensuite un élément de fond. J’entends que la directive européenne de 2013 fixerait ce délai à neuf mois. Certes. Mais elle prévoit également la possibilité d’établir des priorités et il faut, bien sûr, accorder la priorité aux étrangers en situation régulière.
Or les étrangers en situation régulière peuvent être évidemment des immigrés en situation régulière qui ont accès au marché du travail.
Le demandeur d’asile dont la demande est satisfaite voit son problème réglé. En revanche, prenons le cas de celui dont la demande est en cours de traitement : au bout de neuf mois, il entre sur le marché du travail et est embauché dans une entreprise. Un mois plus tard, il est débouté de sa demande d’asile. Croyez-vous sincèrement que vous aurez facilité le raccompagnement aux frontières ? Non, naturellement.
La règle en vigueur aujourd’hui fixe un délai de douze mois. Si le Gouvernement parvient réellement à faire en sorte que la procédure de demande d’asile, entre l’OFPRA et la CNDA, se déroule dans un délai de neuf mois, ces dispositions seront alors sans objet. En effet, dans ce cas, après neuf mois, le demandeur aura obtenu une réponse, positive ou négative, ce qui règle le problème.
Mais pourquoi changer les délais de l’accessibilité du marché du travail, alors que le délai de neuf mois fixé pour la procédure n’est pas encore une réalité ? Cela n’a pas de sens !
En somme, ce sujet ressortit du domaine réglementaire et non législatif, et l’ouverture du marché du travail n’est pas une obligation de la directive de 2013, qui accorde la capacité de faire des priorités. Dans ces conditions, cette mesure me semble constituer un signal, qui n’a pas lieu d’être, en direction des réseaux.