Notre collègue Esther Benbassa nous proposait tout à l’heure d’ouvrir l’accès au marché du travail à tout demandeur d’asile.
Pour ma part, je suis largement en accord avec les raisons qu’elle avançait à l’appui de son amendement. Notre collègue Roger Karoutchi a cependant rappelé les arguments qui s’y opposent.
Cela étant dit, le texte en discussion aujourd’hui, s’il exprime une position d’équilibre, n’est pas totalement conforme à la directive Accueil. Je veux la citer, en particulier à l’intention de M. Karoutchi : « Les États membres décident dans quelles conditions l’accès au marché du travail est octroyé au demandeur, conformément à leur droit national, tout en garantissant que les demandeurs ont un accès effectif à ce marché. » J’insiste sur ce dernier point, que la Commission européenne a précisé dans une communication : selon elle, si des conditions d’accès à l’emploi des demandeurs d’asile peuvent être imposées, elles ne doivent pas en pratique être limitatives au point d’entraver l’accès à l’emploi.
Or les conditions dans lesquelles le projet de loi prévoit cet accès à l’emploi ne sont pas équivalentes à celles auxquelles est soumis un étranger en situation régulière. De fait, la situation du demandeur d’asile sera plutôt similaire à celle d’une personne qui voudrait entrer en France pour travailler ou à celle des étudiants. Ces derniers ont le droit de travailler vingt heures ; en revanche, s’ils demandent plus d’heures de travail, ils doivent remplir un certain nombre de conditions, celles-là mêmes qu’on veut imposer aux demandeurs d’asile après ce délai de neuf mois.
Je constate donc que le texte, dans son état actuel, ne répond pas à la demande de la directive. Quelle est en effet la situation du demandeur d’asile après neuf mois ? Suivant les objectifs de ce projet de loi, l’examen de son dossier par l’OFPRA devrait être effectué dans un délai de trois mois, auxquels s’ajoutent cinq mois d’examen par la CNDA. La procédure entière, si l’on croit à cette réforme, devrait donc durer huit mois : tout marcherait bien.
Si pourtant sa demande n’a pas reçu de réponse après neuf mois, il a en principe le droit de travailler, mais on constate que, de fait, les conditions d’accès au marché du travail sont plutôt léonines et équivalentes à celles qui s’imposent à tout étranger désireux de venir travailler en France. Cela n’est pas conforme à la directive Accueil. Voilà pourquoi je vous propose de voter cet amendement, qui vise à rendre effectif le droit au travail après neuf mois.