Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous nous apprêtons à relever un défi de taille, celui de la transition énergétique, qui pourrait bien être l’une des étapes marquantes de notre histoire. La France a les cartes en main pour le relever : de formidables richesses renouvelables, un capital humain hautement qualifié et des entreprises innovantes. Toutefois, la transition énergétique sera synonyme de croissance uniquement si nous avons la sagesse de la rendre supportable pour les familles, les entreprises, la société tout entière et si nous faisons le pari de la réussir sans nous retrancher derrière des objectifs chiffrés et des injonctions inopérantes sur le plan économique, social et environnemental.
Dans cette perspective, je suis convaincu de la nécessité de ne pas adopter une posture prescriptive et de ne pas imposer des changements brutaux à nos modes de production et de consommation. Le propre de l’histoire de l’humanité est que l’amélioration des techniques de production s’est toujours opérée de manière continue, au fil des connaissances scientifiques.
J’axerai de nouveau mon propos sur la nécessité de croiser l’ambition environnementale à la préservation de la compétitivité de nos entreprises, à la nécessaire reconquête industrielle, à la préservation de notre modèle social, à la richesse et la diversité territoriale de notre pays.
À la lecture de votre projet de loi, madame la ministre, je m’interroge sur au moins quatre points.
En premier lieu, je veux à nouveau mettre en garde contre les objectifs chiffrés, assignés à l’article 1er, de notre politique énergétique, à savoir notamment « poursuivre un objectif de réduction de la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 par rapport à l’année de référence 2012 ». Cette disposition poursuit un objectif de décroissance qui place notre économie et nos entreprises dans une situation dangereuse de distorsion de concurrence. Je rappelle que, en trente ans, le PIB provenant de l’activité industrielle est passé de 30 % à 19 %. Nous ne retrouverons le plein-emploi que si l’activité industrielle redémarre en France, ce qui implique que la consommation énergétique reparte à la hausse.
En deuxième lieu, je déplore l’amoncellement de nouvelles contraintes administratives que recouvre ce texte pour les entreprises et les ménages, à l’inverse des engagements pris pour les diminuer et rendre plus lisible l’action publique. Ainsi, le projet de loi appelle une traduction dans près de 100 mesures réglementaires, dont près de 50 sont des décrets en Conseil d’État. Il prévoit par ailleurs une demi-douzaine d’instances nouvelles. On ne peut pas continuer à négliger la simplification administrative de la France !
Le projet de loi n’apporte pas non plus de réponses satisfaisantes en matière de logement et de transport, deux postes qui grèvent encore trop souvent le budget des ménages.
En ce qui concerne le logement – c’est mon troisième point –, le fait de rendre les rénovations énergétiques obligatoires en cas de travaux risquerait dans un premier temps d’alourdir la facture pour les ménages et non de la faire baisser. L’article 3 C introduisait cette disposition en prévoyant que « les bâtiments privés résidentiels doivent faire l’objet d’une rénovation énergétique à l’occasion d’une mutation ». Je me réjouis donc de la position de notre rapporteur et de son travail, qui a permis de supprimer cet article en commission des affaires économiques.
De même, je me félicite de l’adoption de l’amendement de M. le rapporteur à l’article 4, qui a rétabli la possibilité pour les personnes morales de droit public de faire construire des bâtiments à énergie positive ou à haute performance environnementale, alors que l’Assemblée nationale voulait cumuler les deux obligations.
Le texte multiplie par ailleurs les dispositifs visant à faciliter les rénovations énergétiques via un fonds de garantie de la rénovation énergétique mais n’assure aucune cohérence ni aucune visibilité par rapport aux dispositifs existants. Sur ce point, les amendements proposés par la commission des affaires économiques me semblent pertinents, puisqu’ils instaurent plus de liberté dans le choix du type d’isolation lors de travaux de rénovation sur des bâtiments.
J’en arrive à mon quatrième point : même constat à propos des transports, peu de mesures concrètes !
On a trop facilement tendance à rejeter la voiture. Faisons confiance aux constructeurs, faisons confiance à l’innovation, et je suis persuadé que nous aurons, demain, des véhicules propres qui permettront à la population de se déplacer ! En effet, n’oubliez pas, madame la ministre, que, pour une grande partie de nos concitoyens, il n’existe pas de transports en commun pour aller travailler, étudier, se soigner ou pour tout autre déplacement. La voiture est donc absolument indispensable ; aussi, faisons confiance au progrès et donnons à la recherche les moyens nécessaires !
À la lecture de ces quatre points, un constat ressort : les mesures proposées pour amorcer la transition énergétique risquent de s’appliquer trop souvent au détriment de la compétitivité des entreprises et du pouvoir d’achat des ménages. Or notre ambition en matière de transition énergétique doit s’articuler avec notre volonté en matière économique, notre conception du rôle de la France au sein de l’Union européenne et dans le monde et notre ambition sociale. Je ne pourrai donc voter le projet de loi que si nous avons la sagesse de rendre supportable cette transition énergétique pour notre économie, notre société et les Français.