Intervention de René Danesi

Réunion du 9 juillet 2015 à 10h30
Transition énergétique — Discussion en nouvelle lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de René DanesiRené Danesi :

Or diminuer la production nucléaire n’est pas conforme à l’intérêt de la France. En effet, cette production électrique est la moins chère d’Europe, à raison de 54, 40 euros par mégawatts, selon la Cour des comptes. Cela donne donc un avantage compétitif aux entreprises établies en France, et c’est bien le seul que l’État leur donne actuellement.

Ainsi, plafonner puis diminuer la part du nucléaire dans la production électrique supprimerait des milliers d’emplois dans chaque territoire concerné par l’arrêt des réacteurs. Ce serait le cas en premier lieu en Alsace, avec la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim. Rien ne justifiant, du point de vue de la sûreté, cette fermeture, l’Alsace n’acceptera pas que sa centrale nucléaire soit sacrifiée sur l’autel de l’élection présidentielle de 2017 !

Seconde faiblesse : le projet de loi se perd dans les détails et prétend modifier les modes de vie de nos concitoyens. Ce n’est pas la première fois qu’il en est ainsi, mais, cette fois, on va plus loin dans la vie quotidienne des Français en mettant leur patrimoine dans le viseur. On rappelle que le logement a déjà été mis à mal par la loi Duflot, au point que le Gouvernement a neutralisé ses dispositions les plus négatives avec la loi Macron.

C’est donc avec la foi du charbonnier que le projet de loi prévoit, après son examen par l’Assemblée nationale, trois dispositions nouvelles.

Premièrement, son article 5 dispose que, avec effet quasiment immédiat, tous les travaux de rénovation, tels que ravalement de façade ou réfection de la toiture, devront être l’occasion de travaux d’efficacité énergétique pour atteindre les objectifs de la politique énergétique nationale.

Deuxièmement, son article 3 B précise que tous les bâtiments privés résidentiels ayant une consommation en énergie primaire supérieure à 330 kilowattheures par mètre carré et par an doivent subir une rénovation énergétique avant 2025, c’est-à-dire dans les dix ans.

Troisièmement, son article 3 C prévoit que, à partir de 2030, les bâtiments privés résidentiels devront faire l’objet d’une rénovation énergétique à l’occasion d’une mutation.

Il est vrai que les bâtiments privés et publics occupent une part prépondérante dans la consommation nationale d’énergie. C’est d’ailleurs pourquoi les économies d’énergie sont fiscalement encouragées depuis des années et la réglementation thermique 2012, la norme RT 2012, s’applique à toutes les constructions nouvelles.

On peut évidemment considérer que l’effort doit être amplifié, mais encore faut-il raison garder : les dispositions mentionnées ci-dessus concernent des millions de logements. En conséquence, aucune des dates butoir qui seront votées ne pourra être tenue. Aucune ! Il faudrait abandonner la mauvaise habitude de fixer des dates dans la loi en sachant qu’on ne pourra pas les respecter. Cela a ainsi été le cas pour la suppression des décharges publiques, pour l’assainissement de nos villes et villages ou encore pour l’accessibilité des bâtiments. Cette façon de faire affaiblit la loi dès son adoption.

De plus, les finances de l’État étant ce qu’elles sont, les incitations à atteindre les objectifs légalement fixés iront en diminuant, de sorte que l’effort d’investissement demandé aux propriétaires et, par ricochet, aux locataires sera nettement au-dessus des capacités de la majorité d’entre eux. Toutes ces obligations seront approuvées par les bobos, mais elles angoisseront les petits propriétaires qui seront souvent acculés à la vente.

Le projet de loi s’immisce par ailleurs trop dans la vie quotidienne des Français. J’en veux pour preuve l’article 19 bis, tel que voté par l’Assemblée nationale, qui prévoit l’interdiction pure et simple de tous les sacs de caisse, même biodégradables. J’en veux encore pour preuve la valse-hésitation entre l’Assemblée nationale et le Sénat sur les couverts en plastique, si pratiques pour nos milliers d’associations de bénévoles qui organisent des manifestations festives.

Ainsi, avant de multiplier les interdits en tout genre au nom des bonnes causes successives du Gouvernement, il serait judicieux de méditer les résultats d’un récent sondage de l’Institut Viavoice en partenariat avec La Revue Civique. Ce sondage indique clairement qu’un point de rupture a été atteint en matière d’interdits en tout genre et que les Français sont exaspérés par les restrictions de leurs libertés. Cette exaspération se trouve en particulier chez les plus modestes, face à des messages à sens unique de la France d’en haut vers celle d’en bas.

Face à un projet de loi qui présente les faiblesses que je viens d’énoncer, le travail de nos commissions et de nos rapporteurs pour son amélioration est méritoire, et je le salue. Espérons que ce travail permettra d’aboutir in fine à un texte plus équilibré et plus réaliste, c'est-à-dire entraînant l’adhésion des Français, indispensable pour la réussite de la transition énergétique de notre pays.

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