Intervention de Philippe Bas

Réunion du 14 septembre 2015 à 16h00
Modernisation de notre système de santé — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Philippe BasPhilippe Bas :

D’ailleurs, certains de ces amendements piétinent largement les règles constitutionnelles de partage entre la loi et le règlement. Le président de la commission des affaires sociales y a été extrêmement vigilant, ce dont je le remercie.

Naguère, on appelait ce genre de texte fourre-tout servant de voiture-balai législative aux différentes dispositions préparées par les bureaux du ministère des affaires sociales un « projet de loi portant diverses dispositions d’ordre social ». Celui que nous examinons à partir d’aujourd’hui affiche des ambitions plus élevées, puisqu’il y est question de modernisation, mais la réalité n’a malheureusement pas changé.

Il ne m’appartient pas de m’étendre sur la disposition relative au tiers payant : la commission des affaires sociales a fait son travail, en montrant que cette proposition de réforme comportait plus d’inconvénients que d’avantages, point de vue que je partage entièrement.

De fait, la commission des lois s’est plus particulièrement prononcée sur des dispositions qui, comme souvent d’ailleurs en matière de santé, soulèvent des questions très importantes relatives aux droits des personnes. En effet, dans ce domaine, les questions fondamentales ne sont jamais absentes, comme on l’a encore vu voilà quelques mois lorsque nous avons débattu ensemble de la fin de vie.

La première de ces questions, c’est celle du don d’organes. Il y avait lieu ici de rechercher un bon équilibre entre la garantie du respect de la volonté de l’individu et le devoir de solidarité envers les malades, deux exigences tout à fait fondamentales l’une et l’autre.

Il me semble que, avec la commission des affaires sociales, nous sommes parvenus à un bon compromis. Il faut être attentif à ce que les dispositions législatives que nous votons ne scandalisent pas les familles et les proches, alors qu’il leur est déjà si difficile de faire leur deuil, d’autant que, lorsque se pose la question du prélèvement, l’origine du décès est généralement accidentelle.

Cette question du prélèvement d’organes intervient dans un contexte où le travail de deuil se fait de manière accélérée. Il se produit alors même que les proches et la famille constatent que le malade, qui a été placé sous assistance respiratoire pour préserver ses organes, continue à respirer malgré son état de mort clinique.

Le travail que font depuis un certain nombre d’années les infirmiers référents dans les services hospitaliers, notamment de réanimation, est de très grande qualité. Il faut se garder de le perturber. En accompagnant les proches, les familles, ces infirmiers leur permettent d’exprimer ce qu’ils connaissent de la volonté du défunt. C’est un travail indispensable, et jamais un service hospitalier n’exercera par un prélèvement une forme de violence sur la famille en l’absence de cet accompagnement.

Je me réjouis du travail qui a été fait et qui permettra au Sénat, une fois de plus, de montrer son souci de préserver un bon équilibre, respectueux du droit des personnes. Ce faisant, notre assemblée montre qu’elle a une connaissance précise de ce qui se passe réellement dans ces moments souvent tragiques, quand se pose la question du prélèvement d’organes.

J’en viens à l’action de groupe en matière de santé. Évidemment, elle n’a rien à voir avec le sujet qui précède, mais il s’agit là aussi de déroger à un principe fondamental de notre droit, selon lequel nul ne plaide par procureur.

En matière de santé, il faut prendre en compte la situation particulière de chaque individu victime d’un éventuel aléa thérapeutique, d’une erreur ou même d’une fraude dans l’élaboration d’un protocole médical ou dans la mise au point ou l’utilisation des médicaments. Les effets peuvent très différents pour les uns et pour les autres. C’est pourquoi on ne peut créer de dispositions générales.

La commission des affaires sociales a bien pris en compte notre préoccupation, et je l’en remercie. Sur ce point, nous sommes arrivés à un compromis tout à fait intéressant.

J’en arrive à l’ouverture des données de santé. Quel dommage de ne pas utiliser davantage, pour élaborer nos politiques de santé publique, les données si nombreuses et si précises qui sont réunies par nos caisses d’assurance maladie et centralisées à la Caisse nationale d’assurance maladie !

Je comprends la motivation sous-tendant le projet de loi, à savoir la nécessité que ces données ne restent pas au fond de nos ordinateurs. Dans le même temps, il convient de respecter le secret de la vie privée, auquel les exigences de la santé publique ne peuvent porter une atteinte excessive, les informations médicales touchant évidemment à la sphère la plus intime de la vie privée de chacun d’entre nous.

C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité assurer, là aussi, un encadrement suffisamment strict de l’exploitation de ces données, qui n’entrave pas le respect desdits principes fondamentaux tout en permettant d’aller bien au-delà.

J’aborderai, enfin, les dispositions relatives à l’hospitalisation sous contrainte. La liberté individuelle, qui a pour conséquence le principe du consentement aux soins libre et éclairé, trouve ses limites par la nécessité de protéger contre lui-même l’individu atteint de troubles psychiques aigus, mais également son entourage, voire la société, en tout cas les tiers, face au risque d’agression.

Le meilleur encadrement des mesures de contention, prévu à l’article 13 quater et résultant de la rédaction à laquelle nous sommes parvenus ensemble, me paraît, ainsi qu’à André Reichardt, tout à fait pertinent.

Une autre question peut-être plus administrative, mais hautement symbolique, a trait au statut de l’infirmerie psychiatrique de la ville de Paris, qui dépend de la préfecture de police. Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ayant dénoncé cet état de fait, le projet de loi est l’occasion de tirer les conséquences de sa recommandation. C’est une question de principe, qui ne met pas en cause les équipes gérant cette structure, dont le professionnalisme et la grande qualité du travail sont au contraire parfaitement reconnus.

Cette structure sans équivalent se révèle toujours aussi utile. Il ne faut pas la supprimer, mais il est important qu’elle soit réintégrée dans le droit commun de la santé publique et soumise aux mesures de contrôle qui s’appliquent aux établissements psychiatriques. Tel est le sens du présent texte.

Mes chers collègues, la commission des lois vous propose donc d’adopter les articles dont elle s’est saisie, tel qu’ils ont été modifiés, sur son initiative, par la commission des affaires sociales.

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