Intervention de Esther Benbassa

Réunion du 16 septembre 2015 à 21h30
Accueil des réfugiés en france et en europe — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’accueil des réfugiés est un devoir incombant aux États démocratiques, qui consolide concrètement le principe démocratique lui-même. Il rappelle aux citoyens de ces États que la démocratie est un mode de gouvernement inégalé, malgré ses défauts. Car c’est bien la démocratie que les réfugiés, persécutés dans leur propre pays, viennent chercher en Europe au péril de leur vie.

Notre pays n’a pas, hélas ! été à la hauteur des principes dont il se réclame. Nos responsables politiques, dans leur grande majorité, n’ont pas su réagir ainsi qu’il convenait, et ont perdu beaucoup de temps dans des tergiversations dont les discours et les actes des derniers mois portent la trace et perpétueront le souvenir devant l’histoire. Cela fut peut-être un peu plus vrai à droite, mais ce le fut aussi quelque peu à gauche.

La comparaison avec l’Allemagne, pour nous Français, est humiliante. Pendant que les dirigeants allemands, portés par un véritable enthousiasme populaire, acceptent de prendre plus que leur part dans l’accueil des réfugiés, pendant qu’outre-Rhin on accueille presque 20 000 personnes en un week-end, les nôtres se contorsionnent toujours au sujet des 24 000 réfugiés qu’ils devraient recevoir en deux ans, comme s’ils étaient, autant qu’une part de notre opinion publique, perméables au populisme nationaliste distillé par le FN et certains segments de la droite dite « républicaine ».

En fait, les petits calculs politiciens ont prévalu sur le devoir de solidarité, bafouant un principe simplement constitutionnel, figurant à l’alinéa 4 du préambule de la Constitution de 1946, repris à l’article 53-1 de la Constitution de 1958, à savoir le droit d’asile. Rappelons-nous les polémiques indignes, voilà quelques mois, sur les fameux « quotas » de réfugiés à accueillir.

Il aura donc fallu la photo du petit Aylan Kurdi et l’émotion qu’elle a suscitée pour que notre exécutif envisage officiellement d’accueillir 24 000 réfugiés en deux ans et commence de regarder en face une réalité qui se dessine pourtant depuis des mois. Je n’oublie pas, pour ne parler que d’eux, les réfugiés de La Chapelle.

Je ne sais s’il est encore temps, pour notre exécutif, de sauver son image, de sauver un honneur perdu dans les circonvolutions d’éléments de langage, qui, pendant des mois, ont évoqué certaines pages peu glorieuses de l’histoire de notre pays.

Heureusement, la société civile, elle, a su réagir et se mobiliser avec détermination, mettant en relief l’incurie des pouvoirs publics. Finalement, les Français seraient désormais, semble-t-il, majoritairement favorables à l’accueil des réfugiés, …

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