Intervention de Jérôme Durain

Commission des affaires sociales — Réunion du 30 septembre 2015 à 9h30
Modernisation de notre système de santé — Suite de l'examen des amendements au texte de la commission

Photo de Jérôme DurainJérôme Durain :

Malgré ses succès indéniables, le système d'apprentissage germanique est confronté à d'importants défis à court et moyen terme.

Il convient en effet de rappeler que jamais le nombre d'apprentis n'a été aussi bas dans ces deux pays. Le nombre de contrats d'apprentissage conclus en Allemagne est le plus faible depuis la réunification, alors que les perspectives d'évolution démographique sont défavorables dans les années à venir, avec une pénurie de main d'oeuvre attendue dans certains secteurs. En outre, l'élévation du niveau scolaire détourne certains jeunes des formations en apprentissage, dont l'attractivité faiblit depuis plusieurs années. En Autriche, le nombre d'apprentis est en baisse quasi constante depuis le pic de 1980 (plus de 194 000 contrats avaient alors été conclus, soit presque 75 000 de plus qu'en 2013).

Par ailleurs, le taux de rupture des contrats d'apprentissage demeure à un niveau élevé : 24,4 % en Allemagne, contre 28,1 % en France en 2012. Certes, deux tiers des apprentis allemands sont embauchés par leur entreprise d'accueil, et la moitié en Autriche, contre un tiers en France. Mais un grand nombre d'apprentis allemands ayant connu une rupture de contrat quittent définitivement cette voie de formation.

Surtout, le marché allemand de l'apprentissage est doublement déséquilibré. En 2014, 37 101 places en apprentissage sont restées vacantes, et 20 872 jeunes n'ont pas trouvé de place en apprentissage, sur un total de 522 232 contrats conclus. Le nombre de places vacantes a même doublé par rapport à 2009. Les difficultés d'appariement entre l'offre et la demande d'apprentissage sont variables selon les métiers. Certaines professions peinent à attirer des candidats (comme les serveurs de restaurant, les plombiers ou les vendeurs dans l'alimentation de détail), tandis que d'autres connaissent un afflux de demandes (assistants vétérinaires, laborantins, fleuristes).

Compte tenu des difficultés d'un grand nombre de jeunes à trouver une place en apprentissage, l'Allemagne et l'Autriche ont mis en place des systèmes palliatifs qui ont toutefois montré leurs limites.

En Allemagne, une nouvelle voie de formation professionnelle initiale (Übergangsystem, ou secteur de transition) a ainsi été créée pour assurer une formation théorique et pratique au sein de structures financées par des subventions publiques. L'objectif principal est de permettre une remise à niveau des jeunes, notamment issue de l'immigration, en vue de l'obtention d'une place d'apprentissage en entreprise.

Notre délégation s'est rendue dans un centre à Kreuzberg à Berlin, financé par des fonds du secteur de transition, qui assure notamment des formations pour les métiers de la restauration, de la confection de textile, de la coiffure ou de la réparation mécanique.

Entre 50 et 62 % des jeunes en transition trouvent une place en apprentissage à l'issue d'un délai de douze mois. Toutefois, de nombreux observateurs critiquent le secteur de transition, compte tenu de la multiplication des programmes et des initiatives, de l'absence de pilotage du système, de son opacité et de son coût élevé.

L'Autriche a également mis en place un dispositif similaire à travers le système d'apprentissage inter-entreprises (Überbetriebliche Lehrausbildung, ou ÜBA).

Notre délégation s'est également rendue dans un établissement à Vienne qui délivre dans ce cadre des formations dans les métiers de la restauration.

L'équivalent autrichien de Pôle emploi a consacré 140 millions d'euros en 2013/2014 pour aider 14 500 jeunes bénéficiant d'un ÜBA. En 2011/2012, près de quatre jeunes sur dix ont trouvé une place d'apprentissage en entreprise. Le Gouvernement autrichien souhaite cependant aller plus loin et envisage de rendre obligatoire la formation des jeunes de moins de 18 ans, tout en interdisant aux entreprises d'embaucher des jeunes sans formation en deçà de cet âge.

Notre délégation ne souhaite pas proposer à ce stade des propositions précises et opérationnelles pour réformer le système d'apprentissage français, car elle espère que cette réflexion se poursuive, par exemple, au sein d'un groupe de travail ouvert à toutes les commissions concernées.

Nous sommes bien conscients qu'aucun modèle ne peut être tel quel importé dans un autre pays, mais il nous semble que certaines bonnes pratiques en Allemagne et en Autriche mériteraient d'être prises en considération, alors que le système d'apprentissage fait l'objet de critiques de toute part.

Nous pensons notamment à la conclusion d'un pacte national sur l'apprentissage, qui réunirait tous les acteurs du monde de l'apprentissage, avec des objectifs pluriannuels précis, réalistes, et renseignés chaque année.

Pour faire vivre ce pacte, il serait également nécessaire d'assurer un véritable pilotage national de l'apprentissage, à travers la création d'un « BiBB à la française », visant à coordonner l'action des régions, sans bien sûr revenir sur les acquis de la décentralisation. La loi du 5 mars 2014 sur la formation professionnelle a ouvert la voie en instaurant le Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles et ses déclinaisons régionales, les Crefop. Ce pilotage national de l'apprentissage implique la désignation d'un chef de file parmi les ministères concernés, et de définir le rôle que doit jouer le ministère de l'éducation nationale, dont l'implication aujourd'hui est pour le moins problématique.

Par ailleurs, il est à nos yeux essentiel que les partenaires sociaux élaborent eux-mêmes les projets de référentiels de formation en apprentissage, afin de répondre aux besoins concrets des entreprises, tout en respectant les droits des apprentis et leur employabilité à long terme.

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