Intervention de Jean-Jacques Lasserre

Réunion du 6 octobre 2015 à 15h15
Situation et avenir de l'agriculture — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Jean-Jacques LasserreJean-Jacques Lasserre :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je sais bien que la critique est aisée et l’art difficile. Il reste que votre satisfaction, monsieur le ministre, n’est vraiment pas justifiée par l’état de notre agriculture. Je n’insisterai d’ailleurs pas sur le tableau très préoccupant que les orateurs précédents en ont brossé ; je me bornerai à présenter quatre observations.

Monsieur le président, le principal objectif de la proposition de loi sur laquelle nous travaillerons avec vous devrait être de favoriser un changement du regard dominant porté sur l’agriculture. Je puis vous assurer qu’elle en a grandement besoin !

Voici ma première observation : de grâce, n’opposons pas les solutions. Au contraire, valorisons-les ! En d’autres termes, sortons des procès paralysants qui opposent les différentes solutions s’offrant à nous. Ces oppositions souvent professionnelles, très souvent politiques, sont l’une des causes de la paralysie qui affecte le développement de notre agriculture.

Des solutions très variées et très différentes existent. Ainsi, on oppose beaucoup trop souvent les circuits courts et l’agriculture biologique, solutions que nous jugeons tout à fait convenables, mais dont on sait que la généralisation ne serait pas un remède efficace pour toute l’agriculture, à l’agriculture dite « de production de masse ». Nous devons permettre à ces deux modèles de s’épanouir de concert en se respectant, et surtout en respectant les contraintes environnantes qui s’imposent à eux. Je persiste à penser que c’est possible. Chacune de ces agricultures présente ses inconvénients, qu’il faut surmonter ; à nous de trouver les solutions correspondantes.

Ainsi, les circuits courts, quelles que soient leurs formes, entrent dans une phase qui nécessitera d’autres modes d’organisation, d’autres moyens de mise en marché et des dispositifs de respect de la certification des produits.

Quant à l’agriculture de production de masse, elle a fait d’incontestables efforts : même si tout n’est pas réglé, la profession agricole a bien montré son aptitude à respecter les contraintes environnantes. Nous gagnerions désormais à examiner très concrètement et très lucidement au plan législatif les différents cadres de production que nous pourrions non seulement accepter, mais aussi promouvoir, en matière, par exemple, d’utilisation des intrants et de l’eau.

Il faut réconcilier cette agriculture avec l’opinion ! De fait, les procès qui lui ont été intentés, les mots qui ont été employés à son égard, parfois fondés, le plus souvent démagogiques, ont été beaucoup trop fréquemment destructeurs de notre économie agricole.

Ma deuxième observation porte sur l’agroalimentaire, un secteur qui était un fleuron de notre économie et qui le reste dans certains domaines.

Dans nombre de filières, notamment celles du lait et de la viande, les risques sont réels que l’industrie agroalimentaire rencontre des difficultés d’approvisionnement. L’abandon du métier d’agriculteur est la cause principale de cette situation. Nous devons restaurer les relations de confiance avec l’industrie agroalimentaire, afin de déterminer avec elle les meilleures conditions possible pour assurer le maintien de l’agriculture.

En particulier, nous devons travailler en profondeur sur la notion de contrats. Nous connaissons, monsieur le ministre, la pugnacité avec laquelle vous agissez dans ce domaine. Seulement, nous pensons qu’il faut donner ses chances à chacun des contractants : il est bien évident que des contrats ne peuvent pas tenir si tous les contractants, notamment les agriculteurs, ne sont pas en situation de les négocier et de les honorer.

Par ailleurs, la relation entre l’agroalimentaire et la distribution, abordée jusqu’ici sans grand résultat, doit être redéfinie et codifiée ; à cet égard, j’attends beaucoup de la proposition de loi en cours d’élaboration. Il y a sur ce plan un réel débat politique, non abouti. Cette régulation devra s’appuyer sur une utilisation beaucoup plus encadrée des différents signes de qualité. Sortons le plus vite possible des stratégies trop envahissantes de marketing et d’usage abusif, pour nous recentrer sur les véritables signes de qualité – Dieu sait si, en France, nous en avons ! L’agriculture gagnerait à une telle clarification, tout comme les consommateurs, qui pourraient enfin s’y retrouver.

Ma troisième observation a trait à la sauvegarde des outils de production, qu’ils soient individuels ou collectifs.

Monsieur le ministre, vous savez que, dans toutes les régions de France, il y a extrême urgence. Des points de non-retour sont d’ores et déjà atteints. La population agricole vieillit et, dans le même temps, les outils de production individuels et collectifs deviennent totalement obsolètes, tandis que toute initiative en matière de développement devient de plus en plus difficile.

J’aborderai seulement deux sujets : l’hydraulique et les bâtiments d’élevage.

En ce qui concerne l’hydraulique, sortons, par pitié, des clichés paralysants et de l’exploitation émotionnelle ! L’utilisation de l’eau et la gestion de sa ressource sont actuellement bien maîtrisées sur le plan technique. L’eau restera toujours un facteur de développement et de garantie de celui-ci. Faisons preuve de lucidité et de dynamisme et cessons d’instrumentaliser ces questions à des fins politiques !

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