Intervention de François-Noël Buffet

Réunion du 7 octobre 2015 à 14h30
Droit des étrangers en france — Article 8 bis A

Photo de François-Noël BuffetFrançois-Noël Buffet, rapporteur :

Je vais expliquer pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. Je tâcherai, en dépit de la grande technicité de mon propos, d’être aussi pédagogique que possible.

Cet amendement vise à retirer les titres accordés aux personnes ayant commis des faits les exposant à certaines condamnations pénales.

En réalité, aujourd'hui, il existe deux régimes juridiques permettant de retirer un titre de séjour.

Le premier découle des dispositions de l’article L. 313-3 du CESEDA, qui prévoient un retrait en cas de menace pour l’ordre public sans condamnation pénale préalable. L’existence d’une menace pour l’ordre public caractérisé permet à l’autorité administrative de retirer le titre de séjour sans autre forme de procès. D’ailleurs, la commission a renforcé ce pouvoir dont bénéficie l’administration, puisqu’elle l’a étendu aux cartes de séjour temporaire.

Le second régime est défini par les dispositions de l’article L. 313-5 du même code, qui visent une liste limitative d’infractions, comme le trafic de stupéfiants – M. le ministre l’a rappelé. En l’état du droit positif, le simple fait d’être « passible » d’une condamnation peut justifier le retrait d’un titre de séjour. Cette possibilité existe donc d'ores et déjà !

Toutefois, cette procédure est peu utilisée par les préfets, car elle est peut-être un peu fragile sur le plan juridique. En effet, en l’absence de condamnation judiciaire, comment prouver qu’un individu a réellement commis les faits qui lui sont reprochés ? La question n’est pas que théorique. La circulaire du 20 janvier 2014 prévoit qu’un simple rapport administratif des services de police peut justifier le retrait du titre de séjour, en dépit de sa valeur probante limitée. En outre, il n’appartient pas au préfet de constater des infractions pénales, même dans le cadre d’une procédure administrative.

À cet égard, la proposition du Gouvernement de préciser que la personne doit avoir « commis les faits » ne modifie pas, à mon avis, le risque d’insécurité juridique tel qu’il existe aujourd'hui. C’est pourquoi la commission des lois a souhaité que le recours à l’article L. 313-5 du CESEDA ne soit possible qu’après l’existence d’une condamnation pénale. Avant celle-ci, le préfet pourra toujours utiliser, quelles que soient les circonstances, le premier régime de retrait de titre – celui de l’article L. 313-3 du CESEDA – en cas de menace à l’ordre public. L’action de l’administration sur le plan de la prévention et de la sécurité publique sera donc non pas affaiblie, mais renforcée, son cadre juridique ayant été consolidé.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission des lois a émis un avis défavorable sur l’amendement du Gouvernement. Au demeurant, si le Sénat estime que je suis trop laxiste, je me soumettrai à sa décision !

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