Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, avec l’examen de ce projet de loi, nous sommes en train de gagner un pari qui ne l’était pas d’avance.
Après avoir relevé le défi du Grenelle de l’environnement, formidable et inédit processus de consultation et de dialogue démocratiques, qui ne fut pas simplement un événement médiatique, le Gouvernement en a concrétisé les engagements et les objectifs dans le présent projet de loi de programme, ainsi que dans le projet de loi portant engagement national pour l’environnement, que nous discuterons dans quelques semaines.
À ce propos, monsieur le ministre, le groupe UMP apprécierait que ce dernier texte soit d’abord inscrit à l’ordre du jour du Sénat, eu égard au rôle central assigné aux collectivités locales dans la mise en œuvre de la plupart de ses dispositions.
Je ne vais pas revenir sur les principales mesures du présent texte ; elles ont été parfaitement détaillées par notre collègue Bruno Sido, dont je tiens tout particulièrement à saluer l’excellent travail.
Dans son ensemble, le groupe UMP adhère aux objectifs affichés par le projet de loi, notamment celui des « 3 fois 20 » issu du paquet « climat-énergie » élaboré à l’échelon européen : réduction de 20 % des consommations d’énergie, diminution de 20 % des émissions de gaz à effet de serre et passage à 20 % de la part des énergies renouvelables dans notre consommation d’énergie en 2020.
Nous sommes tous d’accord pour reconnaître et saluer l’occasion historique que constitue ce texte : celle de passer d’un modèle économique à un autre, à savoir l’économie de marché sobre en carbone.
Il s’agit plus d’une mutation que d’une révolution ou d’une simple réforme, car nous devons conserver les fondamentaux de la société actuelle et tenir compte des réalités économiques et sociales. La crise économique et financière que connaît le monde aujourd’hui me semble être le contexte idéal pour effectuer ce passage vers un nouveau modèle de développement.
Nous avons le devoir de trouver de nouveaux gisements de croissance et d’emploi pour assurer un niveau de vie décent à nos concitoyens, et ce que l’on appelle la croissance verte, qui est non pas une décroissance ou un retour en arrière, mais bien une projection dans l’avenir, constitue ce gisement à découvrir et à valoriser.
Monsieur le ministre, je voudrais insister sur un point.
Sans minimiser l’importance de cette mutation, je suis persuadé qu’il ne faut pas que nous nous éloignions du monde économique et de ses réalités, au risque de créer une véritable fracture économique entre nos entreprises et celles de nos voisins ou des pays émergents qui ne respectent pas les mêmes normes.
Cela impose une autre exigence : nous ne devons pas nous éloigner des normes européennes qui existent déjà en ces matières. Tout risque de distorsion de concurrence est à éviter, même si la marche vers certains objectifs très ambitieux s’en trouve rallongée. Nous ne changerons pas notre modèle économique de façon isolée et nous n’imposerons pas au monde entier des normes qu’il ne peut pas, pour des raisons économiques ou culturelles, aujourd'hui accepter.
Il faut donc inscrire notre démarche dans une méthode pragmatique, ce qui n’exclut nullement l’ambition. En clair, il est parfait d’ouvrir la voie vers de nouvelles solutions, mais nous ne devons pas être naïfs en oubliant, par exemple, que, dans les négociations actuelles au sein de l’OMC, la contrainte environnementale n’est toujours pas intégrée. Elle ne le sera qu’au cours du prochain cycle, après celui de Doha.
Ne fragilisons donc pas un peu plus encore notre modèle de développement en faisant abstraction du monde qui nous entoure. Jouer les chevaliers blancs est séduisant, mais peut se révéler dangereux pour nos entreprises, à qui seraient imposées des obligations certes vertueuses, mais porteuses de risques.
En revanche, sous les réserves que je viens d’exprimer, démontrer que cette économie de marché sobre en carbone, cette fameuse croissance verte, peut exister et qu’il suffit de l’inventer est une grande ambition, une ambition européenne, et non pas seulement française. Soyons-en persuadés, tous nos choix futurs, notamment en matière d’énergie, d’investissement, de recherche, de transports, d’équipements ou de nouvelles technologies, doivent s’inscrire dans le cadre européen.
N’oublions pas que le mouvement de prise de conscience de la contrainte environnementale et de ses enjeux économiques est lent, car il est mondial. Il a fallu attendre près de vingt-cinq ans pour qu’un pays, le nôtre, l’inscrive dans la loi et dans un cadre d’action politique.
Le processus du Grenelle se situe dans ce mouvement. Le contexte de son aboutissement a été marqué par les travaux de l’économiste britannique Nicholas Stern et les prévisions du GIEC, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, sur le changement climatique.
Je veux également évoquer notre action au cours de la présidence française de l’Union européenne, pour laquelle nous avions choisi comme priorité, malgré le contexte difficile, l’adoption du paquet « énergie-climat ». Un accord historique a été conclu le 12 décembre dernier, qui répond à l’objectif des « 3 fois 20 en 2020 » contenu dans les conclusions du Grenelle.
Par ailleurs, lors de la conférence de Poznan de décembre dernier, une étape cruciale a été franchie avec l’adoption d’une feuille de route pour 2009, jusqu’à la conférence de Copenhague, qui devra mettre en place une gouvernance mondiale en matière de climat.
En conclusion, si l’économie de marché reste au cœur de notre société, il faut considérer qu’il y a un « dû à l’homme et à sa dignité ». C’est aussi et surtout dans cette perspective qu’il faut appréhender le dossier du dérèglement climatique et diminuer l’empreinte écologique de l’homme sur cette planète, non par la décroissance, mais par la recherche sans cesse renouvelée de sauts technologiques.
Je voterai ce texte et suis persuadé que le groupe UMP en fera autant à une très forte majorité, sinon à l’unanimité. Avec l’amitié, la fidélité et le respect que je leur porte, c’est le conseil que je donnerai à mes collègues.