Intervention de Marcel Deneux

Réunion du 27 janvier 2009 à 16h00
Mise en oeuvre du grenelle de l'environnement — Discussion d'un projet de loi

Photo de Marcel DeneuxMarcel Deneux :

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, nous commençons donc la discussion au Sénat de ce projet de loi relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement : c’est un texte fondateur pour les temps à venir.

Je veux rappeler la tenue de ces assises de l’environnement qui ont fait suite à l’élection présidentielle, et leur heureux aboutissement, grâce à l’esprit qui a animé les participants tout au long de ces semaines de discussions du second semestre de 2007. Vous avez, monsieur le ministre d’État, avec vos secrétaires d’État et tous vos collaborateurs, réussi à réunir et à faire dialoguer des personnes dont la sincérité n’est pas en cause, mais qui n’avaient pas l’habitude de se parler. Vous avez permis de dégager un consensus qui va guider l’action politique en la matière pendant longtemps.

Au total, le Grenelle de l’environnement a débouché sur 263 engagements, dont l’échéance est certes plus ou moins proche, et la mise en œuvre plus ou moins facile. Néanmoins, un tel résultat était impensable il y a deux ans !

Il va s’ensuivre une longue période de débats, afin qu’émerge dans l’opinion publique une prise de conscience permettant de soutenir une volonté politique qui devra être durable si nous voulons être fidèles aux engagements pris lors de ces assises, en 2007.

Nous sommes aujourd'hui engagés dans une période d’évolution où nous devons faire montre d’une forte dose de pédagogie. Il faut réussir à faire passer l’idée que, pour l’avenir de la planète, et donc de la France, les problèmes environnementaux, au sens large, sont prioritaires et doivent progressivement être traités comme tels dans tous les secteurs où les décisions engagent de manière irréversible.

Le Gouvernement a choisi d’atteindre ces objectifs en plusieurs étapes. Comme le permet la Constitution, il a d’abord élaboré un projet de loi de programme, qui se borne à afficher des objectifs sans comporter de dispositions normatives d’application directe qui rendraient leur mise en œuvre rapidement effective. Viendront ensuite, nous le savons, d’autres textes, pour lesquels il sera sans doute beaucoup plus difficile de réunir une majorité, d’autant que le calendrier, marqué notamment par un télescopage avec la crise économique, amplifiée par la crise financière, n’est pas favorable. Nous n’avons pas choisi !...

Vous devrez résister, monsieur le ministre d’État, à ceux qui continueront à vous dire que la réflexion sur l’environnement est réservée aux périodes fastes dans les pays riches, que l’écologie et le développement économique ne sont pas compatibles. Cela est faux, et vous en êtes convaincu.

La vérité, c’est que la France, qui compte au nombre des pays les plus riches du monde et les plus avancés sur le plan scientifique, a un devoir de solidarité et d’exemplarité.

Il faut le redire, il existe un chemin vers un développement économique et des créations d’emplois obtenus grâce à une véritable croissance, nouvelle, fondée sur la promotion de technologies émergentes plus respectueuses de l’environnement. Des études réalisées par différentes instances le confirment, je n’y insisterai pas.

Pour convaincre les plus réticents, il faut mettre en valeur les conclusions du rapport de sir Nicholas Stern, qui démontrent que si l’on ne fait rien, cela coûtera, à terme, largement plus cher qu’agir, et que conduire une politique de développement durable, en y consacrant une part du PIB tout à fait raisonnable, est à notre portée.

Tous ceux qui trouvent que le Gouvernement en fait trop en matière environnementale vous diront que les actions à mener devront être compatibles avec nos équilibres budgétaires. On trouve dans ce texte toutes les réponses propres à dissiper leurs inquiétudes.

Je voudrais saluer au passage le travail considérable fourni par le rapporteur, Bruno Sido, que je remercie pour tous ses apports au texte déjà riche issu des travaux de l'Assemblée nationale. Je n’ai pas le temps de parler du contenu du texte dans le détail.

J’ai été le rapporteur d’une proposition de résolution du Sénat sur le paquet « énergie-climat ». Le Gouvernement français a fait adopter par les Vingt-Sept, le 12 décembre dernier, au cours de sa présidence semestrielle de l’Union européenne, une position qui nous convient. Les orientations du texte qui nous est soumis aujourd’hui sont tout à fait en phase avec cette position européenne : le programme est ambitieux, puisqu’il est déjà question des objectifs à l’horizon de 2020.

Je veux néanmoins rappeler la nécessité d’améliorer le système d’échanges de quotas d’émission de CO2, et notamment de préciser les règles d’affectation des produits des enchères.

J’insisterai également sur la mise en place d’un mécanisme d’ajustement aux frontières, afin d’éviter que les secteurs exposés aux fuites de carbone ne soient éventuellement pénalisés, ce qui aggraverait nos problèmes d’emploi.

S’agissant des énergies renouvelables, je rappellerai que la France s’est engagée à porter leur part dans le bouquet énergétique à 23 %. Si nous voulons atteindre ce pourcentage, nous devons tenir les objectifs assignés à l’éolien. Cela étant, le véritable enjeu est le développement important de la biomasse, particulièrement de la « raffinerie verte », qui aplanira notamment la voie pour la deuxième génération de biocarburants.

D’une manière générale, il faut lever tous les obstacles au développement des différentes filières en matière d’énergies renouvelables si nous voulons mettre toutes les chances de notre côté et, bien sûr, accentuer les efforts de recherche, notamment en ce qui concerne les technologies de captage et de stockage du carbone.

J’évoquerai maintenant la sobriété en matière de consommation d’énergie – c’est mon dada ! : je parle bien de sobriété, et non de privation. Ce qui coûte le moins cher en CO2, c’est de consommer moins.

Élu de la Picardie, je suis conduit à vous rappeler, du fait de mes préoccupations environnementales, que la ville d’Amiens n’a toujours pas de TGV, que le projet du canal Seine-Nord Europe mérite d’être accéléré au moyen d’un financement original, que la ligne ferroviaire Amiens-Boulogne attend d’être électrifiée, de même que le raccordement d’Amiens avec Roissy. Il est possible de réaliser ces chantiers tout en tenant vraiment compte de l’environnement.

L’agriculteur retraité que je suis sait combien l’agriculture française se prépare à prendre le virage d’une véritable agriculture durable à travers la certification « haute valeur environnementale », dont l’un des objectifs doit être de montrer que les agriculteurs français n’ont pas attendu le Grenelle pour s’occuper d’environnement.

Lorsque nous aurons bien intégré dans nos comportements toutes les mesures que comprend ce texte en matière d’énergie, de bâtiments, de transports et de biodiversité, et forts des progrès réalisés à Poznań, il nous faudra préparer sérieusement Copenhague, pour en faire le point de départ d’une ère de prospérité mondiale à fondements différents. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre d’État, pour satisfaire cette grande ambition en menant à bien le chantier qui est ouvert.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion