Intervention de Roland Ries

Réunion du 27 janvier 2009 à 16h00
Mise en oeuvre du grenelle de l'environnement — Discussion d'un projet de loi

Photo de Roland RiesRoland Ries :

Monsieur le président, madame, monsieur les secrétaires d'État, mes chers collègues, mon intervention portera sur le volet « transports » de ce projet de loi.

Réduire les émissions de gaz à effet de serre de 20 % d’ici à 2020 et promouvoir le transfert modal de la route vers les autres modes de transport constituent, de toute évidence, des objectifs louables, et nous les soutenons. De même, nous soutenons la volonté de donner aux autorités organisatrices de transport la possibilité de définir une politique globale de la mobilité durable. Enfin, il est fort opportun de reprendre les dispositions importantes de la proposition de loi que j’ai fait voter à l’unanimité dans cette enceinte voilà deux ans tendant à promouvoir l’autopartage dans les deux volets législatifs du Grenelle.

À cet égard, il serait souhaitable que cette proposition de loi soit enfin déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale.

Mais, au-delà de ces déclarations de bonnes intentions, je suis au regret de dire qu’il y a loin de la coupe aux lèvres. La traduction budgétaire de ces belles orientations n’est pas au rendez-vous !

Vous l’avez dit, le budget pour 2009 devait être la traduction du Grenelle pour la période 2009-2011. Or, comme l’avait justement souligné mon collègue Michel Teston lors de la discussion de la loi de finances, les crédits du programme 203, « Infrastructures et services de transports » et, plus précisément, ceux de l’action 10, « Infrastructures de transports collectifs et ferroviaires », sont loin de traduire concrètement les orientations du Grenelle de l’environnement.

En un mot comme en mille, les lettres sont belles, mais les chiffres, pour l’instant, ne suivent pas en loi de finances.

À ce sujet, permettez-moi de revenir sur un dossier particulièrement sensible non seulement pour nos grandes agglomérations, mais aussi, de manière croissante, pour nos agglomérations moyennes, à savoir les investissements nécessaires pour développer les transports en commun en site propre, les TCSP.

Le Groupement des autorités responsables de transports publics, le GART, estime qu’un minimum de 18 milliards d’euros devrait être investi à l’horizon des dix ans qui viennent. Après avoir annoncé dans un premier temps une aide de 4 milliards d’euros, l’État l’a réduite à 2, 5 milliards d’euros. Encore faut-il défalquer de cette somme les 500 millions d’euros du plan Espoir banlieues, destinés au désenclavement des quartiers sensibles.

Dans le même ordre d’idées, et à plus court terme, l’appel à projets TCSP, dont la date limite de dépôt des dossiers est fixée au 31 janvier, qui concerne les projets susceptibles d’être mis en chantier rapidement, comporte une enveloppe de 710 millions d’euros, alors que le recensement effectué par le GART montre que, additionnés, les projets répondant à ces critères exigeraient plus de 1, 1 milliard d’euros.

Madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État, nous le savons bien, dans le domaine des transports, la qualité de l’offre détermine très directement la demande et influe sur les choix modaux.

Considérant la part croissante que prennent les collectivités territoriales dans le financement des transports – le poids des transports dans les budgets des régions varie entre 20 % et 25 %, et s’élève même à 35 % pour l’Île-de-France –, il devient chaque jour plus urgent de rechercher de nouvelles sources de financement. À cet égard, on ne peut que regretter de voir combien la fiscalité environnementale se situe souvent en deçà des engagements ou, à tout le moins, des orientations que vous évoquiez vous-même au moment des discussions initiales du Grenelle.

Passons sur l’instauration de l’écotaxe sur les poids lourds qui a connu, il faut bien le reconnaître, un certain « retard à l’allumage ». En Alsace, dont je suis originaire, la mesure n’a toujours pas vu le jour, trois ans après l’adoption du principe de son expérimentation. De toute évidence, il conviendra de mettre en conformité la rédaction relative à l’instauration de cette écotaxe avec l’article 60 de la dernière loi de finances, c’est-à-dire de passer du « on pourra » au « il faudra ».

Je regrette surtout que les nouveaux leviers de financement proposés par le GART, qui ne figuraient pas dans le projet de loi de finances, ne se retrouvent pas davantage dans ce projet de loi, ni dans ce qu’il est aujourd’hui convenu d’appeler le Grenelle II. Je pense en particulier au versement transport, qui constitue, vous le savez, un outil essentiel à la disposition des autorités organisatrices pour leur permettre de satisfaire leurs besoins de financement.

Pour faire face aux nouveaux défis des transports collectifs, des majorations spécifiques du taux plafond du versement transport devraient être rendues possibles dans les agglomérations de moins de 100 000 habitants réalisant un transport collectif en site propre.

Il faut aussi, à mon sens, donner aux régions la possibilité de mettre en place un versement transport en dehors des périmètres de transports urbains, pour financer le développement des services régionaux de transport, comme l’avait du reste préconisé le comité opérationnel du Grenelle n° 7 du transport urbain et périurbain. Cette ressource supplémentaire serait évidemment la bienvenue pour les régions, aujourd'hui étranglées par l’augmentation des charges qui résultent de leurs nouvelles compétences en matière ferroviaire.

La mise en place du versement transport régional aurait aussi pour effet – pourquoi ne pas le dire ? – de réduire les distorsions entre les entreprises selon qu’elles se situent, ou non, à l’intérieur d’un périmètre de transports urbains, un PTU. Cela faciliterait un meilleur équilibre territorial en termes de zones d’activité. Il n’y a pas de raison, en effet, qu’il y ait un versement transport à l’intérieur du périmètre d’une communauté urbaine, par exemple, et rien au-delà, alors que c’est précisément là où se posent avec le plus d’acuité les problèmes de desserte des zones d’activité.

À l’heure où les collectivités territoriales sont amenées à exercer des responsabilités plus importantes en matière de transports, il devient plus que jamais nécessaire de les aider à accéder à d’autres modes de financement. Taxation des plus-values foncières liées aux investissements dans les transports publics, dépénalisation du stationnement, péage urbain, part de TIPP, ce sont quelques-unes des pistes que le GART propose depuis longtemps, mais qui sont absentes du projet de loi. Nous défendrons plusieurs amendements allant dans ce sens.

J’en viens au transport fluvial. Là encore, le texte ne manque pas d’intentions louables. Il met en avant un plan de restauration et de modernisation du réseau fluvial. Un seul projet concret était mentionné dans la rédaction initiale, deux projets figurent dans le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale.

Cela étant, nous avons besoin non pas d’une addition de projets, d’un canevas inachevé, mais bel et bien d’un schéma directeur des voies navigables en France et d’une planification d’ensemble des investissements que l’État est prêt à consentir.

En la matière, l’Europe attend beaucoup de la France et de son réseau fluvial qui est, avec ses 8 500 kilomètres de voies d’eau, le plus long d’Europe.

Telles sont, madame, monsieur les secrétaires d’État, les réflexions que votre projet de loi nous inspire en matière de transports. Nous vous proposerons bien sûr des améliorations mais, nous le savons tous, sans financements adéquats, le Grenelle de l’environnement restera largement en deçà des espérances qu’il a suscitées.

Comme le rappelait fort justement un ancien président du Conseil constitutionnel, « la loi n’est pas faite pour affirmer des évidences, émettre des vœux ou dessiner l’état idéal du monde. Elle est faite pour fixer des obligations » et, devrais-je ajouter, des objectifs précis.

Madame, monsieur les secrétaires d’État, c’est sur ce plan que le groupe socialiste attend des réponses et des mesures concrètes.

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