Monsieur le président, madame, monsieur les secrétaires d’État, mes chers collègues, nous participons en ce mois de janvier 2009 à la discussion de ce que l’on appelle communément le Grenelle I, après un vote consensuel intervenu à l’Assemblée nationale en octobre 2008.
Ce texte emblématique est le fruit d’une longue procédure à laquelle j’ai eu l’honneur de participer en qualité de vice-président de la Fédération des parcs naturels régionaux de France et de pilote du comité opérationnel consacré à la biodiversité, le COMOP « biodiversité ».
Ce vote un peu tardif est bouleversé par l’apparition d’une grave crise économique mondiale qui modifie sensiblement l’angle de vue sur la crise écologique.
Mais cette longue procédure de concertation avec les forces vives de la nation et les ONG a permis de faire émerger dans l’opinion publique la conscience de la gravité de la crise écologique mondiale à laquelle nous devons faire face.
C’est un mouvement de fond que le pouvoir politique se doit de prendre en compte.
Nous savons aujourd’hui que nous sommes dans un monde fini où les ressources naturelles sont limitées et qu’il faut donc les utiliser avec parcimonie. Sans tomber dans le catastrophisme facile et la sinistrose ambiante, j’affirme que c’est la survie de l’espèce humaine sur notre planète qui est en jeu.
Il nous faut donc bâtir un autre monde, qui mesure les limites de la science et de la technique et qui, sans oublier la justice sociale, se fonde sur d’autres valeurs, liées à la préservation de notre environnement et au développement durable.
Il nous faut assurer une véritable conversion intellectuelle et morale. C’est à un réel sursaut que nous sommes conviés, car le temps presse, même s’il n’est pas encore trop tard. C’est pourquoi, au-delà des apostrophes incantatoires, il faut une volonté politique forte pour assumer cette transition inévitable.
Ce projet de loi introduit pour la première fois dans un texte législatif les notions de trame bleue et de trame verte. Son but est d’enrayer la chute de la biodiversité. L’objectif est donc de restaurer les continuités, les connectivités écologiques des milieux naturels.
Afin de lutter contre la fragmentation des habitats naturels, il faut mettre en place de véritables réseaux écologiques, tout en s’appuyant sur les besoins de déplacement des espèces principales. Il convient d’essayer de limiter au maximum les ruptures, de raisonner en termes de maillage et de fonctionnalité des écosystèmes.
L’enjeu majeur sera donc de traduire ces objectifs dans les documents d’urbanisme : plan local d’urbanisme, ou PLU, et schéma de cohérence territoriale, ou SCOT.
Aussi, je souhaite que l’État donne davantage de moyens humains et financiers aux petites communes pour élaborer SCOT et PLU. Sinon, la trame verte et bleue restera lettre morte, ce qui serait regrettable pour la préservation des milieux naturels.
Nous ne devons jamais oublier que la trame verte et bleue représente une richesse économique et qu’elle rend des services au niveau du cadre de vie, des activités de loisirs, de l’alimentation des populations, en particulier en eau potable, et de la préservation quant au risque d’inondation.
Avouons que les solutions sont souvent difficiles à mettre en œuvre, surtout quand on a affaire à de grandes infrastructures linéaires de transport. J’ai cru comprendre, à travers les exposés des orateurs précédents, que chacun a un projet de transport linéaire dans sa poche, mais il faudrait faire attention à ce qui existe plutôt que de créer de nouvelles structures, alors que de nombreuses lignes sont mal entretenues.
Tout cela devrait se faire dans la concertation et la contractualisation les plus larges possibles. Quand on a un projet routier, il faut prendre en considération différents critères - largeur, vitesse, trafic, grillage, remblai, mur antibruit, nuisances sonores et éclairage par rapport au milieu naturel environnant.
Aussi faudra-t-il prendre au sérieux l’installation de passages pour les animaux, crapauducs ou autres, en fonction des connaissances scientifiques du terrain.
Le cas échéant, on peut se poser la question des compensations. Mais qu’est-ce qui est compensable en matière de biodiversité ?
On ne doit pas non plus oublier le danger que représentent les plantes invasives ou exotiques qui agressent nos écosystèmes et qui sont une menace permanente sur les écosystèmes atlantiques et méditerranéens.
Sera-t-on cependant capable de construire des servitudes contractuelles pour pérenniser le bon fonctionnement des milieux naturels ? Vaste question qu’il faudra négocier avec le monde agricole.
Il faut nous en convaincre, la trame verte et bleue est une véritable assurance sur la vie pour l’homme sur la planète Terre.
Nous devons donc intégrer plus qu’on ne l’a fait dans le passé une réflexion et une action pour le maintien des espaces et des espèces naturels, les espèces communes comme les espèces exceptionnelles ou rares, et faire l’inventaire des espèces menacées.
La trame verte et bleue pose aussi des questions fiscales et budgétaires qui sont loin d’être réglées dans vos propositions, madame la secrétaire d’État.
Mais la crise écologique peut être une chance pour notre développement économique. L’économie verte est créatrice d’emplois : 440 000 emplois directs pour les seules activités liées à l’efficacité énergétique et aux énergies renouvelables, qui représentent un marché de 70 milliards d’euros d’ici à 2012, soit le double de 2007, au cours de laquelle 220 000 emplois directs ont été créés.
À l’heure d’une crise de l’emploi d’une violence inouïe, les travaux d’isolation des bâtiments, les infrastructures nécessaires à l’énergie renouvelable, les infrastructures de transports collectifs sont une chance qu’il faut absolument saisir, conforter et intensifier à l’avenir avec un appui financier plus fort qu’il n’est prévu.
Mais tout cela suppose des modifications dans nos comportements de consommateurs : acheter des voitures plus petites, plus économes, réfléchir à un meilleur dosage de l’éclairage public, en diminuant son intensité lumineuse. Aujourd’hui, 800 000 lampadaires à boule éclairent le ciel, mes chers collègues !
Nous devons aussi mesurer, réduire et compenser les émissions de gaz à effet de serre. Chaque Français émet neuf tonnes équivalent CO2 par an, contre dix-huit tonnes pour un Américain. Or les scientifiques estiment qu’il faudrait parvenir à moins de deux tonnes par habitant pour enrayer l’emballement de la machine climatique. Il reste encore, là aussi, beaucoup à faire ; la volonté politique sera-t-elle suffisante pour atteindre cet objectif ?
Dans notre vie de tous les jours, il faut mettre en œuvre une écologie concrète appliquée. Quand on veut acheter des produits courants en « bio », on est vite désarmé : cela va du biberon en plastique pour bébé aux couches recyclables et aux petits pots sans pesticides, en passant par le shampoing, les peintures ou les papiers peints.
Au-delà des mots, il faut une volonté réglementaire plus affirmée quand on sait que 45 % des légumes et 70 % des fruits contiennent des résidus de pesticides et que, respectivement, 7 % et 8, 5 % d’entre eux dépassent les normes.
Oui, il faut aller vers une agriculture « bio » ou « orientée bio », mais il faut aider les agriculteurs dans leur formation et dans la construction de la « filière bio », afin de leur permettre d’en vivre décemment. Si on pouvait le faire en priorité sur les aires d’alimentation des champs captants, ce serait encore mieux. Il faut changer nos modes de production et de consommation, et le débat actuel sur la nocivité du Roundup montre que le sujet est brûlant.
En conclusion, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, nous souhaitons aujourd’hui que vous ayez la capacité politique de mettre en œuvre ces objectifs auxquels nous souscrivons dans l’ensemble. Mais ils devront être accompagnés de moyens financiers et humains bien plus élevés qu’ils ne le sont aujourd’hui.
Il faudra en outre résister aux nombreux groupes de pression, industriels et financiers, qui ne visent qu’à tirer le maximum de profit du court terme, en oubliant l’intérêt général du long terme.
À cet égard, la façon dont le plan de relance a été présenté m’inquiète énormément. Il ne faut pas céder aux demandes visant à assouplir telle ou telle règle, sous prétexte d’une mise en œuvre plus rapide. Cela ne peut se faire qu’au détriment de l’environnement, de la santé et de nos concitoyens. Nous avons besoin d’être rassurés par des engagements précis.