Intervention de Claude Lise

Réunion du 27 janvier 2009 à 16h00
Mise en oeuvre du grenelle de l'environnement — Discussion d'un projet de loi

Photo de Claude LiseClaude Lise :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, « Je voudrais qu’à cet instant précis tous les Français et les Européens qui nous écoutent prennent conscience de l’immense richesse que nous apporte l’outre-mer ».

Ainsi s’exprimait le Président Nicolas Sarkozy, il y a tout juste un an, à Camopi, en Guyane. Et il rappelait, entre autres, que « l’outre-mer, c’est 97 % de la superficie des eaux maritimes françaises qui sont les deuxièmes plus vastes du monde » et que « cette richesse, présente sur les trois océans, permet à la France de siéger dans la quasi-totalité des instances internationales de préservation de l’environnement... »

Cet appel à une véritable prise de conscience de ce que représente l’outre-mer en matière de biodiversité, à une époque où notre planète est confrontée à de graves périls écologiques, était vraiment nécessaire. Et il a reçu l’écho favorable qu’il méritait chez les ultramarins.

Mais il a fallu assez vite déchanter, d’abord, à cause de la façon dont l’outre-mer a été associé au processus du Grenelle de l’environnement.

Comme souvent, on a d’abord privilégié les réunions à Paris. Puis, on a cru pouvoir se contenter d’un Grenelle de l’outre-mer à la Réunion, pour enfin se résoudre à tenir différents « Grenelle » outre-mer.

Malheureusement, ces « Grenelle » tropicaux ont été organisés dans des conditions de précipitation qui en ont sérieusement limité la portée. C’est ce qui m’a fait qualifier de « session de rattrapage » la réunion qui s’est tenue à la Martinique le 17 octobre 2007. Intervenant à l’ouverture des travaux, j’ai pu souligner que cela était d’autant plus regrettable que le conseil général que je préside avait lancé depuis plus de deux ans une démarche Agenda 21 dont les préconisations n’étaient même pas prises en compte !

Et la déception des ultramarins n’a fait que croître à la lecture du projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, que nous examinons aujourd’hui dans une version améliorée sur quelques points par l’Assemblée nationale.

Le texte est en effet insatisfaisant pour des raisons qui ont déjà été exposées par certains de nos collègues, notamment parce qu’il n’est pas du niveau de ce que l’on est en droit d’attendre d’une loi de programme. S’agissant de l’outre-mer, s’y ajoute le décalage vraiment trop grand entre ce que semblait annoncer le Président de la République et le contenu du texte.

Je ne peux pas, dans le temps qui m’est imparti, analyser les différentes mesures intéressant l’outre-mer. Je m’attacherai plutôt à souligner quelques points qui méritent, selon moi, une attention particulière, même si la prise en compte de certains d’entre eux passe par d’autres dispositifs législatifs, réglementaires ou budgétaires.

Le premier point que je veux aborder est la nécessité d’une grande politique de prévention des risques naturels, dont le plan Séisme Antilles doit tout naturellement constituer une composante importante. Les grandes lignes d’une première phase de ce plan ont été présentées en janvier 2007 par Mme Nelly Olin. À cet égard, madame la secrétaire d’État, j’aimerais savoir si l’on en a définitivement arrêté le plan de financement.

Par ailleurs, je voudrais attirer votre attention sur l’existence d’un important réseau d’accéléromètres télégérés mis en place par le conseil général de la Martinique et intégré au réseau accélérométrique permanent.

Toujours dans le cadre de la politique de prévention des risques naturels, il est indispensable de se préoccuper du risque de tsunami dans la Caraïbe. M. le ministre d’État a bien voulu, dans cette perspective, cofinancer la quatrième rencontre du groupe intergouvernemental de coordination pour les Caraïbes, qui aura lieu en Martinique les 17, 18 et 19 mars prochain. La France est-elle décidée à s’engager dans le programme qui, sous l’égide de l’UNESCO, devrait aboutir en 2010 à la réalisation d’un dispositif d’alerte opérationnel pour la Caraïbe ?

Le deuxième point que je veux évoquer concerne le plan d’action chlordécone 2008-2010. Je tiens à souligner qu’il doit faire l’objet d’une attention soutenue pour que soit prise en compte toute l’acuité des problèmes posés. Je veux par ailleurs vous rappeler, madame la secrétaire d’État, que le laboratoire départemental de la Martinique est toujours en attente d’un agrément qui pourrait lui permettre d’effectuer les analyses de pesticides sur place au lieu d’avoir à les expédier dans la Drôme…

Le troisième point que je souhaite mentionner est la nécessité, en matière de traitement des déchets, de favoriser le développement de programmes intégrés de coopération régionale afin de réaliser des économies d’échelle.

Le quatrième point concerne la prise en compte et la mise en valeur des initiatives originales prises par les collectivités d’outre-mer. Certaines ont déjà débouché sur de véritables pôles d’excellence régionaux, qui peuvent évidemment jouer un rôle important en matière de coopération régionale.

C’est le cas de la Réunion, dans les domaines de l’agroalimentaire et de la recherche médicale ; de la Guadeloupe, dans le domaine des énergies nouvelles ; de la Guyane, dans le domaine des forêts, mais aussi de la Martinique, dans le domaine de l’étude, du suivi et de la prévention des phénomènes naturels.

Le conseil général de la Martinique s’est en effet doté, depuis 1992, d’un important dispositif d’appareils de mesure et d’un système d’information géographique. Cela l’a amené à envisager la création d’un pôle de compétitivité adossé au pôle PACA et au pôle euro-Méditerranée. Je veux, madame la secrétaire d’État, attirer votre attention sur ce dossier.

Le cinquième point concerne la géothermie. Les résultats remarquables obtenus à Bouillante, en Guadeloupe, devraient, me semble-t-il, inciter à donner au Bureau de recherches géologiques et minières, le BRGM, les moyens suffisants pour effectuer les recherches nécessaires, à la Martinique et à la Réunion, compte tenu des potentialités évidentes existant en ce domaine dans ces deux îles volcaniques.

Enfin, je veux évoquer le formidable potentiel qui existe outre-mer en matière de plantes médicinales. Le recensement doit être poursuivi de manière systématique, mais des garde-fous doivent être prévus contre les risques avérés de bio-piraterie.

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il ne suffit pas de reconnaître l’extraordinaire richesse de la biodiversité de l’outre-mer ; il faut prendre la mesure de l’importance que revêt ce potentiel, alors que se multiplient les cris d’alarme sur la détérioration croissante de la biodiversité et des écosystèmes de la planète.

Il faut, à partir de là, concevoir et engager des politiques qui soient à la hauteur des enjeux.

Cela ne nécessite pas seulement la mise en œuvre de moyens financiers importants - les moyens sont, pour l’heure, nettement insuffisants -, mais aussi le soutien des politiques dynamiques et des initiatives innovantes menées dans les différents territoires ultramarins. Cela implique surtout de prendre conscience de la diversité de ces territoires et, par conséquent, d’admettre la nécessité de leur appliquer des politiques différenciées et adaptées, tout en reconnaissant à leurs peuples un véritable droit à l’initiative.

C’est ainsi que l’on pourra le mieux sauvegarder et promouvoir non seulement la biodiversité des outre-mers, mais, de surcroît, leur diversité culturelle, une diversité qui participe au maintien de la biodiversité mais qui, surtout, peut apporter une précieuse contribution à l’invention de nouveaux modes de vivre ensemble.

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