Le constat dont nous avions tous connaissance, le drame de janvier dernier devaient déclencher une véritable et durable prise de conscience.
Nous sommes tous sur le terrain au quotidien. Je rencontre régulièrement, comme beaucoup d’entre vous, de nombreux professeurs de mon département. Nous connaissons les difficultés qu’ils vivent et combien ils se sentent souvent isolés et démunis pour y répondre. La perte des valeurs républicaines, des valeurs de l’école républicaine, en fait malheureusement partie. L’acceptation, la compréhension, l’appréhension de la laïcité sont au cœur de ce phénomène.
Bien évidemment, cela ne veut pas dire que des problèmes existent dans toutes les écoles, dans tous les collèges et dans tous les lycées de France et de Navarre §– cela n’a d’ailleurs jamais été dans l’esprit des membres de la commission d’enquête, me semble-t-il.
Rappelons qu’il y a eu seize semaines d’auditions, de tables rondes et de déplacements sur le terrain. Les membres de la commission ont réalisé un vrai travail d’analyse approfondi, toutes sensibilités politiques confondues, pour ceux qui ont bien voulu y participer.
La commission a donc été créée à la suite des différents incidents qui ont eu lieu lors de la minute de silence organisée, dans tous les établissements scolaires du pays, en hommage aux victimes des attentats et en signe de rejet de la barbarie.
Ces incidents n’ont évidemment pas été le reflet du soutien et de la solidarité exprimés par les élèves dans leur grande majorité, sur tout le territoire. Ils ont cependant bien eu lieu et les professeurs qui ont dû y faire face n’ont pas toujours été en capacité d’y répondre. Ils n’ont pas toujours su comment réagir, et on peut le comprendre. Aucune formation, aucun élément de langage n’étaient à leur disposition pour les aider à parler de ces événements avec leurs élèves.
Ce n’était pas la première fois que ce genre de problèmes survenait. En effet, déjà, lors des minutes de silence organisées pour les attentats du World Trade Center et à la suite de la tuerie perpétrée par Mohamed Merah, des événements dramatiques de ce type avaient déjà été signalés à plusieurs reprises.
De nombreux jeunes sont aujourd’hui en perte de repères et en recherche d’idéal. Fragilisés, ils ne se tournent pas toujours vers les bonnes personnes pour trouver des réponses. C’est une réalité, et nous devons essayer de trouver des solutions pour endiguer le phénomène.
Il est de notre responsabilité de nous emparer des difficultés que rencontre notre jeunesse pour l’aider. Il nous faut trouver pourquoi les jeunes sont aussi nombreux à se sentir incompris, exclus d’une société, la nôtre, dont ils sont censés être l’avenir.
La réponse à cette question n’est pas simple. Alors, au lieu de rejeter la faute sur les uns et les autres, nous devrions savoir travailler ensemble.
C’est pourquoi je pense sincèrement qu’il était opportun de créer cette commission d’enquête.
Nous ne sommes pas les seuls à nous être inquiétés de cette situation, d’ailleurs. De manière plus large, le ministère de l’éducation nationale lui-même, ainsi que le ministère de l’agriculture se sont également saisis de ce sujet.
La ministre a présenté onze mesures issues de la Grande mobilisation de l’école pour les valeurs de la République, autour de la transmission des valeurs républicaines, de la laïcité, de la citoyenneté, de la culture de l’engagement, de la lutte contre les inégalités, de la mixité sociale et de la mobilisation de l’enseignement supérieur et de la recherche, en précisant que cette grande mobilisation était celle de toute l’école, y compris de l’enseignement agricole et de l’enseignement privé sous contrat.
Vous connaissez d’ailleurs mon engagement tout particulier pour la défense de l’enseignement agricole : ce dernier n’a pas été en reste, plusieurs initiatives ayant été lancées afin d’en mobiliser l’ensemble de la communauté éducative. Trois débats ont notamment été organisés et un plan d’action a été mis en place, pour partie commun à l’éducation nationale et à l’enseignement supérieur, pour partie propre à l’enseignement agricole.
J’en viens plus précisément aux travaux de la commission. Quatre axes de réflexions et de propositions ont été développés.
Le premier axe vise à favoriser le sentiment d’appartenance et d’adhésion de tous aux valeurs de la citoyenneté. La maîtrise et la défense des valeurs de la laïcité et des valeurs citoyennes autour de sujets d’actualité sont primordiales.
Le deuxième axe, justement, tend à restaurer l’autorité des enseignants et à mettre en place une véritable formation des professeurs à la transmission des valeurs de l’école républicaine.
Le troisième axe vise à mettre l’accent sur la maîtrise du français et à veiller à une meilleure concentration des élèves. La maîtrise de la langue est essentielle. Nous avons malheureusement tous constaté le taux croissant d’élèves qui arrivent en classe de sixième avec de réels problèmes d’expression, d’écriture et de lecture. Des évaluations doivent absolument avoir lieu en amont pour que l’on puisse les aider. On en revient à l’éternel problème de la maîtrise du socle commun de compétences.
Le quatrième et dernier axe tend, quant à lui, à mieux responsabiliser l’ensemble des acteurs, que ce soit les familles, les professeurs ou le ministère de l’éducation nationale.
Ces pistes de réflexion et ces travaux ont pour objectif de faire bénéficier les élèves d’actions les aidant à développer une ouverture d’esprit, un respect des différences et d’autrui, ainsi qu’une notion de tolérance, en créant un lien social fort et en travaillant collectivement.
De nombreuses actions ont déjà lieu sur le terrain. Je prendrai pour exemple ce qui se fait dans mon département, la Marne. Nous avons développé de nombreuses mesures afin d’associer pleinement les parents à la mission éducative de l’école, ce qui me semble essentiel. Dans tous les collèges a été mis en place un espace numérique de travail, ou ENT, un espace collaboratif qui permet d’établir un lien virtuel entre le collège, les équipes administratives, les enseignants, les parents et les élèves. Ce lieu permet d’associer les familles de façon plus étroite au dialogue éducatif.
Des actions d’ouverture de ces établissements vers l’extérieur sont également mises en place, avec, par exemple, le dispositif « collèges en scène », qui regroupe dix-huit initiatives.
Nous ne sommes pas tous d’accord sur les solutions à apporter, certes : ce n’est ni la première fois ni la dernière et, quelque part, c’est heureux, car la confrontation des idées est toujours positive. Alors, pourquoi refuser d’échanger et de travailler ensemble sur un sujet aussi important ?