Intervention de Jean-Pierre Vial

Réunion du 14 octobre 2015 à 14h30
Lutte contre le système prostitutionnel — Adoption en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Jean-Pierre VialJean-Pierre Vial, président de la commission spéciale sur la lutte contre le système prostitutionnel :

L’important est de veiller à ne pas priver les services d’enquête des moyens d’action qui leur sont nécessaires. C’est dans cet esprit que la commission spéciale, à l’issue du travail mené en concertation avec les services ministériels concernés et nos collègues députés, a adopté un dispositif renforcé de protection des personnes prostituées qui témoigneront contre leurs réseaux, que Mme la rapporteur vous a présenté à l’instant.

Je ne peux que saluer ce dispositif, inspiré de celui « des repentis », bien qu’il s’agisse en l’espèce de protéger des victimes, et non des délinquants. Cependant, nous devons nous garder de toute naïveté en la matière : il s’agit d’un dispositif très lourd et très coûteux, qui ne bénéficiera en réalité qu’à quelques personnes. Quand on connaît les difficultés des prostituées à se confier, on peut s’interroger légitimement sur leur aptitude à dénoncer.

Je ne ferai, par ailleurs, qu’évoquer les pratiques policières qui associent de plus en plus les acteurs sociaux pour libérer la parole des prostituées.

Un tel dispositif ne pourra donc en aucun cas remplacer l’actuel délit de racolage comme instrument de remontée des filières.

En effet, comme nous le disent et répètent tous les services de police et de gendarmerie, l’abrogation totale du délit de racolage est extrêmement préoccupante du point de vue de la lutte contre les réseaux, tant dans la rue que sur internet. D’après les responsables de la brigade de répression du proxénétisme, un quart à un tiers des 50 à 65 procédures closes chaque année avec succès à Paris en matière de proxénétisme ont pour point de départ des informations recueillies lors d’une garde à vue pour racolage.

Ces mêmes services nous ont précisé, et c’est un point important, que les personnes interpellées dans ce cadre ne faisaient jamais l’objet de poursuites, mais étaient présentées à des associations, souvent pour la première fois.

J’y insiste, car certains n’hésitent pas à dire que le délit de racolage est une pénalisation de la prostituée. Or, je le dis très clairement, ce délit n’est pas la sanction de la personne prostituée, mais au contraire sa protection.

C’est pourquoi nous examinerons ultérieurement un amendement qui vise, sans en revenir à l’actuel délit de racolage, à proposer une solution permettant de ne pas priver les services d’enquête d’un outil essentiel de lutte contre les réseaux.

Nous attendrons également vos explications, madame la secrétaire d’État, sur l’amendement de Mme Jouanno relatif à internet.

Vous vous étiez déjà longuement expliquée en première lecture. Nous avions alors admis qu’il existait des mesures permettant que les missions des services de police ainsi que le suivi soient assurés en tenant compte des dernières dispositions adoptées par le Parlement en matière de sécurité.

Il est donc important que vous nous apportiez des précisions sur ces amendements.

Mes chers collègues, nous devons prendre garde au fait que les lois que nous votons ne valent pas uniquement par leur portée symbolique ou éducative. Elles ont des effets extrêmement concrets, que le législateur a le devoir de prendre en compte.

Le texte qui nous est soumis étant une proposition de loi, il n’a malheureusement pas fait l’objet d’une étude d’impact. Toutefois, les très nombreuses auditions que nous avons menées montrent que les acteurs de terrain, dans leur ensemble, sont très inquiets des effets possibles de ses dispositions. Il est du devoir de notre assemblée de les entendre. C’est la raison pour laquelle nous proposons qu’une évaluation soit faite au cours des deux prochaines années, afin que l’ensemble des mesures adoptées par le Parlement puissent être appréciées.

Madame la secrétaire d’État, si nous avons des divergences sur certaines mesures à mettre en œuvre, nous sommes tous convaincus de la nécessité de protéger les personnes prostituées et de faire régresser la prostitution. Cette évaluation nous permettra, dans deux, ans, d’examiner l’effet des mesures adoptées et, éventuellement, de les corriger.

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