Ma question porte sur les conditions d’accès au revenu de solidarité active, le RSA, qui, dans certaines situations, permettent à des personnes nanties et bien avisées d’obtenir des droits en toute légalité.
Depuis la décentralisation du revenu minimum d’insertion, en 2004, et la généralisation du RSA, le département que je préside, le Calvados, s’est fortement investi dans la gestion de ces dispositifs, et notamment dans l’examen des demandes.
Après plus de dix années de fonctionnement, les services de mon département constatent de plus en plus souvent que des personnes détenant des capitaux importants sollicitent et obtiennent le RSA.
Dans le Calvados, ce phénomène, loin d’être anodin, tend même à se développer. Ainsi, entre 2012 et 2013, le nombre de bénéficiaires du RSA a progressé de 10 %, et, sur cette même période, le nombre de personnes ayant déclaré des placements a progressé de 24 %.
En effet, dans l’évaluation des situations patrimoniales, les intérêts des comptes d’épargne sont pris en compte non pas à proportion de leur valeur réelle, mais au taux forfaitaire de 3 %.
Certains ont parfaitement compris cette opportunité. On trouve même, sur certains blogs, des conseils avisés de ce type : « Quand on est au RSA, il faut privilégier ce type d’épargne. L’idéal, c’est de faire diversion : avoir son compte courant dans une banque, et ses comptes d’épargne non imposables dans un autre établissement, de façon à brouiller les pistes. ».
Je constate également que, pour échapper à la prise en compte de certains placements, des bénéficiaires déposent des sommes importantes – plusieurs dizaines de milliers d’euros – sur des comptes courants. Ils profitent ainsi du fait que la Caisse nationale des allocations familiales, ou CNAF, estimant que l’argent des comptes courants est destiné aux dépenses quotidiennes du foyer, refuse d’intégrer ces sommes dans l’évaluation des ressources !
Dans le système actuel, une personne qui détient 180 000 euros de placements peut donc avoir droit au RSA, et surtout bénéficier des droits connexes.
Cette situation particulièrement choquante ne s’accorde pas aux objectifs de la loi du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion, qui dispose dans son article 1er que ce dispositif « concourt à la réalisation de l’impératif national de lutte contre la pauvreté et les exclusions. »
Dans ce contexte, le président du conseil départemental devrait pouvoir refuser le bénéfice du RSA au motif que le demandeur ne se trouve pas dans une situation de pauvreté, et pourrait donc s’assumer financièrement. Cela éviterait qu’il ne profite d’un système de solidarité destiné aux plus démunis.
Dans le contexte de grave crise sociale que nous connaissons actuellement, et dans la perspective d’une bonne gestion des deniers publics, il conviendrait de réserver le dispositif du RSA aux personnes qui en ont réellement besoin. Il serait ainsi opportun que notre réglementation soit plus précise, par exemple en fixant un montant de capitaux au-delà duquel le RSA ne serait pas accordé – l’indice du seuil de pauvreté calculé chaque année par l’INSEE pourrait constituer une base objective –, mais aussi en intégrant dans le calcul, au-delà d’un certain seuil, les sommes déposées sur des comptes courants.
Cela irait dans le sens d’une meilleure justice sociale.