Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires européennes, mes chers collègues, je concentrerai mon propos sur la question des flux migratoires.
Au cours des dernières décennies, les phénomènes migratoires ont pris une ampleur inégalée. D’un côté, les guerres, les persécutions, la barbarie conduisent au déplacement de populations de plus en plus nombreuses qui s’ajoute à l’émigration liée à la pauvreté et aux changements climatiques. De l’autre, nos sociétés en crise morale, identitaire, sociale, économique et politique ne parviennent plus à intégrer convenablement les migrants et, symétriquement, une partie des migrants ne cherchent plus, eux-mêmes, à bien s’intégrer. Nous en sommes à un stade où notre cohésion sociale et notre cohésion nationale sont à l’épreuve.
En France, les étrangers régulièrement et durablement installés sur le territoire national ont vocation à devenir Français, et plus encore leurs enfants nés en France. Être Français, ce n’est pas une dignité qui nous est attribuée selon nos mérites, c’est réunir un certain nombre de conditions qui se rapportent non seulement à la naissance, mais aussi à la profondeur et à l’intensité des liens avec notre territoire, notre langue, nos valeurs. C’est la loi de la République et cette loi, issue d’un consensus national forgé en 1988 par la commission Marceau Long, exprime exactement, aujourd’hui encore, l’identité française.
S’il nous faut maîtriser de manière urgente et déterminée les flux migratoires, il faut aussi veiller à ne pas diviser les Français et à ne pas confondre étrangers clandestins, étrangers titulaires d’une carte de séjour et Français d’origine étrangère, pas plus que nous ne devons confondre réfugiés et immigrés de la misère.
La voie de la responsabilité est assurément étroite, mais c’est celle que nous devons emprunter pour être en même temps fidèles à nos valeurs et efficaces dans l’action. Et cette action efficace doit actuellement reposer sur trois leviers, dont aucun n’est aisé à manier.
Il faut d’abord agir à la source des flux migratoires. Ceux-ci sont toujours le fruit de l’échec des pays d’origine, échec de la démocratie, échec de l’économie, échec du développement, échec de la paix. Ils sont aussi le fruit de l’impuissance de la communauté internationale dans la prévention et le règlement des conflits, dans l’aide au développement, dans la lutte contre les changements climatiques.
Au cours des années récentes, la France et l’Europe n’ont pas su mobiliser les moyens économiques, financiers, diplomatiques et militaires permettant de réduire ces risques et ces phénomènes, qui se sont au contraire aggravés. Il importe que notre pays soit porteur d’une politique plus audacieuse, plus volontariste face au chaos libyen, face au régime syrien, face à Daech.
Le deuxième levier, c’est le droit au séjour et le respect du droit au séjour. Au moins 500 000 entrées de réfugiés et de migrants économiques ont été comptabilisées en Europe depuis le début de l’année. À l’évidence, l’Europe ne s’est pas donné les moyens de maîtriser ces flux, ni en améliorant les conditions de vie des réfugiés aux frontières extérieures de la Syrie, c’est-à-dire au Liban, en Turquie ou en Jordanie, ni en renforçant efficacement les contrôles en Méditerranée. Les noyades en nombre et l’impunité des organisations criminelles qui en sont responsables sont un défi à la conscience européenne, un défi à l’humanisme qui nous inspire. Jusqu’à présent, force est de le constater, nous n’avons pas été à la hauteur de ce défi.
Or, dans le même temps, moins de 40 % des décisions d’éloignement sont appliquées en Europe, et certains pays ont même renoncé à prendre de telles décisions. De ce fait, les tensions nées d’une immigration incontrôlée ne cessent de s’aggraver, au moment même où nos traditions d’asile en faveur des personnes persécutées devraient être réactivées.
Cette double défaite politique est profondément inquiétante. La situation n’est plus supportable !
C’est pourquoi le Sénat a voulu que les directives européennes en matière de séjour soient strictement appliquées par notre pays. Tel est le sens de notre vote de cet après-midi pour mieux maîtriser l’immigration et faciliter l’éloignement des étrangers qui n’ont pas le droit de rester en France, sans d’ailleurs porter atteinte à aucun des droits fondamentaux que des réfugiés ou des étrangers en situation régulière tirent de la Constitution.
Le troisième levier est le plus étroitement lié à l’actualité immédiate. Le dispositif exceptionnel d’accueil des réfugiés proposé par la Commission européenne comporte encore trop de zones d’ombre. Il devra impérativement être précisé. La France ne peut s’engager à faire venir sur son territoire des demandeurs d’asile qui préfèrent être accueillis dans d’autres États européens.