Intervention de Anne-Marie Payet

Réunion du 23 juin 2009 à 9h30
Questions orales — Conséquences pour les apiculteurs de l'introduction de la tenthrède cibdela janthina à la réunion

Photo de Anne-Marie PayetAnne-Marie Payet :

J’ai en effet souhaité attirer l’attention du ministre de l’agriculture et de la pêche sur les conséquences néfastes résultant de l’introduction à la Réunion de la tenthrède Cibdela janthina, initialement destinée à lutter contre la vigne marronne.

Pour la petite histoire, je précise que cette sorte de ronce a été importée dans notre île, au début du peuplement, par un curé métropolitain mal inspiré qui pensait ainsi pouvoir produire lui-même son vin de messe.

Porté par le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, le CIRAD, et financé par la région, ce projet de lutte contre cette plante envahissante a été lancé en février 2008 après réalisation d’une étude concluant que la larve de tenthrède se nourrit exclusivement de feuilles de vigne marronne, sans aucun risque de propagation aux autres végétaux. Les techniciens du CIRAD pensaient que les zones concernées – à savoir Bois-Blanc et la Rivière de l’Est, sur la commune de Sainte-Rose –, ainsi débarrassées de cette peste végétale, seraient progressivement colonisées par les plantes endémiques.

Je rappelle aussi que CABI Bioscience, organisme de recherche spécialisé dans la lutte biologique contre les espèces envahissantes dont la compétence est reconnue sur le plan mondial, a procédé à une expertise scientifique du programme et a préconisé d’effectuer des tests complémentaires avant la phase de lâcher dans le milieu naturel, ce qui a conduit la région à émettre un avis réservé sur ce projet.

La nécessité de lutter contre les pestes végétales n’est pas contestable, mais il est regrettable que le syndicat des apiculteurs de la Réunion n’ait pas été consulté avant la mise en œuvre du projet. En effet, certains apiculteurs réalisent jusqu’à 40 % de leur production de miel à partir du nectar de la vigne marronne. Or, à aucun moment, leurs pertes économiques potentielles n’ont été chiffrées, et aucun programme de compensation n’a été prévu. Si, faute de nourriture, l’abeille venait à disparaître de ces régions, l’impact sur l’agriculture serait d’autant plus considérable que 60 % de la production légumière et fruitière dépend de la pollinisation par les abeilles. Les pertes seraient donc colossales pour cette filière.

En 2009, le constat est sans appel. Tout d’abord, la biodiversité n’a pas retrouvé sa place. En effet, la tenthrède s’est très bien adaptée à l’île et ses larves détruisent la vigne marronne beaucoup plus vite que le CIRAD ne l’avait prévu, laissant derrière elles de vastes pans de terre nue, très vite recolonisés par d’autres espèces envahissantes, pestes végétales encore plus difficiles à éradiquer tels le tabac bœuf ou le miremia, variété de rose des bois sauvage non mellifère.

De plus, la tenthrède adulte en vient à concurrencer l’abeille. Les études préalables à son introduction s’étaient focalisées uniquement sur les larves : or, devenues adultes, elles sont avides de nectar et concurrencent les abeilles sur leurs plantes de prédilection. Les apiculteurs ont finalement obtenu la suspension des lâchers en avril dernier. Mais, depuis le début de l’année, certains apiculteurs, sur les zones concernées, ont vu leur récolte de miel de baies roses chuter de plus de 80 %. Les fleurs de litchis vont bientôt faire leur apparition : j’espère qu’elles seront épargnées par ces insectes !

Les apiculteurs du département doivent être soutenus. Certains sont en grande difficulté. Je partage leurs préoccupations sur l’avenir de la filière, mais aussi sur l’avenir de la filière fruits et légumes. Dans ce contexte, je vous demande de bien vouloir me faire part, madame la ministre, des mesures que le Gouvernement entend prendre pour remédier à cette situation, notamment pour remplacer définitivement le programme d’introduction de la tenthrède Cibdela janthina à la Réunion par un programme d’éradication dont l’impact sur l’environnement et l’abeille serait minime.

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