Intervention de Elisabeth Doineau

Réunion du 20 octobre 2015 à 14h30
Agressions sexuelles sur mineur — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Elisabeth DoineauElisabeth Doineau :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission de lois, madame Troendlé, auteur de cette proposition de loi, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la semaine dernière, nous examinions dans cet hémicycle la proposition de loi de Michelle Meunier et de Muguette Dini sur la protection de l’enfant.

Le 22 octobre prochain, c’est la proposition de loi tendant à clarifier la procédure de signalement de situations de maltraitance par les professionnels de santé de Mme Giudicelli qui sera débattue.

Aujourd’hui, nous étudions le texte de notre collègue Catherine Troendlé relatif à la protection des mineurs contre les auteurs d’agressions sexuelles.

Attachée à la protection de l’enfance sous tous ses aspects, je félicite nos collègues qui tentent de faire sortir ce sujet de l’angle mort des politiques publiques.

L’enfant représente l’avenir. Permettre à chaque mineur de se développer dans les meilleures conditions est déterminant tant pour la vie du futur adulte que pour notre société. Mais trop souvent l’actualité nous interpelle cruellement.

Les affaires Bastien, Marina, et celles dites de Villefontaine et d’Orgères, qui nous choquent, sont des révélateurs des points de tension, des dysfonctionnements de notre système.

Le constat a été dressé que l’organisation des relations entre l’autorité judiciaire et l’administration de l’éducation nationale était défaillante. Le cadre légal applicable est également porteur d’incertitudes juridiques pour les parquets chargés de la transmission d’informations, dès lors qu’une procédure pénale est en cours. Sur ce point, la proposition de loi prévoit une solution, et je m’en félicite.

La protection de l’enfance, c’est l’école de la rigueur, de la volonté et de l’humilité. Elle demande une attention toute particulière. C’est pourquoi j’ai cosigné la proposition de loi de notre collègue Catherine Troendlé. Je la remercie vivement de s’être investie sur un sujet si difficile.

Cette proposition de loi apporte une réponse forte face aux crimes commis sur des enfants. C’est notre devoir à tous, parlementaires mais pas seulement, d’assurer leur protection face à des adultes ayant un comportement répréhensible.

Concernant ces affaires, je souhaite réaffirmer deux points. D’une part, nous devons adopter la plus grande fermeté face à des crimes commis sur des mineurs. Et, d’autre part, s’il faut préserver un environnement sans danger pour les enfants, il faut aussi respecter les libertés individuelles et l’ordre constitutionnel.

Nous devons donc nous doter d’un dispositif garantissant la plus grande sécurité juridique tout en instaurant un partage d’informations efficace et respectueux de la présomption d’innocence.

En Mayenne, nous avons peut-être une fibre particulière concernant la protection de l’enfant. C’est pourquoi je souhaite remercier sincèrement notre rapporteur, François Zocchetto, pour son travail de qualité sur ce texte. Ses amendements, adoptés par la commission des lois, constituent un apport indéniable pour la future mise en œuvre de cette proposition de loi et pour notre droit.

Le texte initial prévoyait, dans ses articles 1er et 2, de rendre systématique l’interdiction définitive d’exercer auprès de mineurs lorsque la personne a été condamnée pour un crime ou un délit sexuel sur mineur.

Comme l’a très justement souligné notre rapporteur, cela serait entré en contradiction avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur l’individualisation des peines, aux termes de laquelle le juge doit pouvoir adapter la durée et l’importance de la peine.

Dans un État de droit comme le nôtre, nous ne pouvons pas recourir à une justice expéditive, même lorsqu’il s’agit d’affaires dont les victimes sont des enfants. Le juge doit pouvoir trancher la question du caractère temporaire ou définitif de l’interdiction.

Pour autant, cette jurisprudence n’interdit pas les peines obligatoires, à condition que la juridiction puisse y déroger et que la peine soit proportionnée à son objet.

Dans la recherche d’un juste équilibre entre la protection des enfants et le respect de la présomption d’innocence, la commission des lois a modifié l’article 3 relatif à l’information des employeurs en cas de procédure pénale en cours pour des faits de pédophilie. Ainsi, le texte de la commission n’intègre, dans le champ de l’obligation d’information, que les activités placées sous le contrôle direct ou indirect de l’autorité administrative.

Nous pouvons peut-être regretter que ce champ soit ainsi restreint. Mais, selon les mots du rapporteur, il convient de faire preuve de réalisme. Si nous appliquons cette disposition, il s’agira d’une réelle avancée.

Enfin, l’article 5 prévoyait le doublement de la durée d’emprisonnement et de l’amende sanctionnant la consultation d’images ou de représentations de mineurs présentant un caractère pornographique. Je me range à l’avis de notre rapporteur concernant sa suppression.

Il est vrai que l’écart entre la peine moyenne – sept mois d’emprisonnement et 1 500 euros d’amende – et la peine maximale – deux ans et 30 000 euros – doit garder une cohérence et respecter l’échelle des peines.

En conclusion, j’exprimerai un regret dépassant le champ du texte que nous étudions.

Les propositions de loi de Mme Troendlé, de Mme Giudicelli et de Mmes Dini et Meunier constituent certes autant d’avancées. À titre personnel, je regrette pourtant qu’elles n’aient pu être réunies au sein d’une grande loi interministérielle, une loi d’excellence impliquant la justice, les affaires sociales, l’éducation nationale et même la recherche, qui aurait permis d’envisager la protection de l’enfant dans sa globalité.

Néanmoins, le groupe UDI-UC soutient le texte de la commission et le votera.

Émotion et raison sont souvent opposées. Les propos tenus par le rapporteur et par l’auteur de cette proposition de loi montrent que nous sommes parvenus à un juste équilibre entre ces deux notions qui sont bien différentes, mais qui, ici, c’est du moins ma conviction, ne s’opposent pas.

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