Intervention de Monique Cerisier-ben Guiga

Réunion du 6 mai 2010 à 9h30
Élimination des armes à sous-munitions — Adoption d'un projet de loi

Photo de Monique Cerisier-ben GuigaMonique Cerisier-ben Guiga :

L’interdiction d’assister, d’inciter ou d’encourager quiconque à s’engager dans les activités couvertes par la convention implique l’interdiction de la fabrication, de l’offre, de la cession, de l’exportation et de l’importation, du commerce et du courtage, ce qui est une première dans un projet de loi connexe au régime des matériels de guerre, armes et munitions.

Il faut toutefois relativiser un peu ce progrès, dans la mesure où la notion de courtage n’existe pas en droit français, mais nous y reviendrons.

Le projet de loi prévoit des mesures précises de transparence sur la destruction des stocks et la détention d’armes à sous-munitions. Nous vous proposerons d'ailleurs de renforcer un certain nombre de ces orientations de bon sens.

Il conviendrait ainsi d’insister, par exemple, sur l’interdiction faite à toute entreprise de financer d’une manière directe ou indirecte, en France ou à l’étranger, des activités condamnées par la convention d’Oslo. Financer une entreprise fabriquant ou commercialisant des armes à sous-munitions revient à encourager une activité interdite par la convention.

Ainsi, bien que ce point soit implicite, il faut comprendre l’interdiction d’assistance inscrite au paragraphe 1(c) de l’article 1 comme visant les financements des entreprises qui produisent ou commercialisent des armes à sous-munitions. De ce point de vue, les relations très étroites que nous entretenons avec certaines entreprises d’armement israélien qui fabriquent par ailleurs des armes à sous-munitions posent problème. Dès lors, ne respecte pas les obligations prévues par le traité tout établissement financier investissant ou finançant des entreprises engagées dans des activités liées aux armes à sous-munitions prohibées par la convention d’Oslo.

Pour respecter aussi bien l’esprit que la lettre de cette convention et pour éviter tout flou juridique, la France devrait donc prévoir expressément, dans ce projet de loi, l’interdiction de toute forme de financement, qu’il s’agisse de financement direct ou indirect.

Il nous semble également que la définition précise des termes « transfert » et « transit » concernant les opérations de circulation d’armes à sous-munitions d’un État à un autre par voie terrestre, maritime ou aérienne, ainsi que celle de « l’interdiction de courtage » nécessitent quelques explications, la notion de courtage étant peu précisée dans la loi française.

Malheureusement, nous ne pouvons pas ignorer que les États-Unis, la Russie, la Chine, l’Inde, le Pakistan et Israël ne sont pas parties à la convention.

Or, le principe d’interopérabilité inscrit dans la convention autorise bien les États parties à participer à des actions militaires conjointes avec des États qui utiliseraient des bombes à sous-munitions. Ce principe est certes compréhensible du point de vue du réalisme politique et diplomatique, mais il réduit de façon importante la portée juridique et pratique du texte, et nous devons tout faire pour inciter les États non encore signataires de la convention à la ratifier.

Monsieur le ministre, en conclusion, pouvez-vous assurer à la représentation nationale que, à défaut de s’interdire de s’engager dans une coopération et dans des opérations militaires avec des États non parties à la convention – en Afghanistan, par exemple, aux côtés des États-Unis –, la France n’acceptera pas de prendre part à des opérations militaires au cours desquelles seraient employées par nos alliés des armes à sous-munitions ? Si l’on doit comprendre que la France n’exclut pas de s’engager dans des opérations militaires au cours desquelles seraient employées des armes à sous-munitions, je ne suis pas certaine que cette prise de distance avec l’esprit de la convention serait de nature à inciter les États non signataires à devenir parties à celle-ci. Sur ce point, monsieur le ministre, nous demandons des éclaircissements.

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