Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la question qui nous occupe est aussi vieille que la Bible. Pourtant, compte tenu de l’évolution de nos connaissances sur les conséquences des gaz à effet de serre, nous savons que la situation va s’aggraver.
En effet, malgré tous les efforts entrepris – cent cinquante pays responsables de 90 % des émissions de gaz à effet de serre ont déposé leur contribution à la COP 21 –, nous ne sommes pas en situation de garantir la baisse des émissions de CO2 à l’horizon de 2030 ou même de 2050.
C’est là tout l’enjeu de la COP 21 !
Pire, le niveau de la mer s’élèvera et la fréquence des catastrophes naturelles augmentera de plus en plus, ce qui est d’ailleurs notable depuis le début des années soixante-dix, ainsi que le montrent un certain nombre d’études. Outre le fait qu’elles sont plus fréquentes, ces catastrophes naturelles ont des conséquences de plus en plus graves puisque, aujourd’hui, elles font se déplacer deux à trois fois plus de personnes en moyenne qu’il y a quarante ans !
C’est dans ce contexte que nous sommes amenés à réfléchir à la situation des déplacés environnementaux.
Bien entendu, les catastrophes sont de plusieurs types. Certaines sont brutales et entraînent la fuite des individus, comme, par exemple, les inondations ou les tremblements de terre – ces derniers ne découlant pas directement du réchauffement climatique.
D’autres sont des phénomènes plus insidieux et conduisent à la désertification des terres, à des changements d’équilibre dans les secteurs de l’agriculture ou de l’élevage. Ce type de catastrophes ne permet pas de déterminer facilement les motivations des individus qui quittent un territoire. Il est parfois difficile de savoir s’il s’agit de motivations climatiques ou économiques. Dans ce dernier cas, la motivation naît simplement de l’impossibilité d’atteindre un niveau de vie suffisant. Certaines manifestations sont donc prévisibles et continues, quand d’autres se révèlent, au contraire, brutales.
Ces événements rendent également le monde plus imprévisible, pour les compagnies d’assurances notamment, mais aussi pour l’ensemble des acteurs économiques. En réalité, ces catastrophes peuvent tous nous toucher et peuvent se déclencher partout ! Ainsi, l’augmentation du niveau des mers concerne un certain nombre de mégapoles. Je pense, en particulier, à Tokyo, Hong-Kong ou New York. C’est dans un tel contexte qu’il faut examiner la question des déplacés climatiques et s’interroger sur la manière de l’aborder.
Un certain nombre d’études réalisées en 2013 sur des phénomènes climatiques ayant entraîné des déplacements de population montrent qu’il y a 27 millions de déplacés climatiques ou environnementaux en moyenne par an. En 2010, le phénomène a même connu un pic, avec 43 millions de déplacés en raison de catastrophes naturelles. En 2013, on dénombrait 5 millions de déplacés pour le seul archipel des Philippines !
Certaines zones sont particulièrement visées, comme la bande sahélienne, l’Amérique latine, les Caraïbes ou encore l’ensemble de l’Asie du Sud-Est.
Les dernières catastrophes naturelles nous obligent à tirer quelques enseignements.
Premièrement, les migrations liées à des catastrophes naturelles ne sont pas exclusivement provoquées par les catastrophes naturelles en tant que telles. Bien entendu, lorsqu’il s’agit de fuir devant une inondation, le déplacement est immédiat, rapide et s’effectue dans un lieu proche. Mais, sur un plus long terme, ces migrations dépendent aussi de phénomènes migratoires plus classiques qui précédaient l’événement.
Deuxièmement, la migration n’est pas toujours la conséquence de l’impossibilité de s’adapter à une nouvelle situation climatique.
Troisièmement, les migrations qui interviennent à la suite d’un phénomène climatique ponctuel ou d’une catastrophe naturelle peuvent s’inscrire dans la durée. Cela est vrai, en particulier, pour les jeunes, ce qui est source de difficultés pour les territoires concernés lorsqu’ils cherchent à se reconstruire.
Je formulerai une dernière remarque : les personnes qui fuient devant les catastrophes naturelles le font uniquement lorsqu’elles ont les moyens de fuir ! Les individus plus vulnérables restent sur place et rendent la reconstruction de leur pays encore plus difficile.
Il ne faut donc pas seulement s’intéresser à ceux qui fuient et qui s’installent ailleurs. Il faut également développer l’aide en faveur de ceux qui n’ont pas les moyens de migrer, de ceux qui restent sur place parce qu’ils sont les plus démunis. La question qui nous est posée n’est donc pas tout à fait la même que celle du droit d’asile.
Pour toutes ces raisons, il faut se poser la question de la nécessité d’un statut spécifique pour ceux qui sont contraints de quitter leur pays à la suite d’une catastrophe naturelle ou d’une évolution des conditions environnementales là où ils vivent. Ce problème mérite d’être pris en considération, tout en sachant que, vivre dans un État signifie avoir des droits. En effet, on ne parle pas de déclaration des droits de l’homme, mais bien de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen !
Sans État, sans patrie, vous ne pouvez pas exercer vos droits de la même manière ! Il est essentiel de réfléchir à tout cela, notamment dans le cadre de la COP 21. Je salue donc l’excellente initiative du groupe écologiste, qui a fait inscrire cette proposition de résolution à l’ordre du jour.
Il me semble difficile d’envisager une simple insertion des déplacés environnementaux dans la convention de Genève relative au statut des réfugiés. En effet, on a déjà bien du mal à faire respecter cette convention, comme on le voit quotidiennement, la nuit dernière encore, à la frontière entre la Slovénie et la Croatie. Il est donc préférable de ne pas mélanger les thématiques.
Ensuite, on ne peut pas non plus ajouter un simple protocole sur ce sujet dans le cadre de la COP 21, car la situation est plus compliquée. Il existe différents types de déplacés environnementaux, selon qu’il s’agit notamment de personnes fuyant des catastrophes ponctuelles ou des phénomènes qui, s’inscrivant dans la durée, rendent un territoire progressivement inhabitable.
Par conséquent, il me semble que la solution consiste probablement à élaborer une nouvelle convention, même si son adoption obéirait à des contraintes à peu près identiques à celles que l’on rencontre dans les négociations de la COP 21 : les États ont des responsabilités différenciées en matière d’évolution climatique – notre collègue Esther Benbassa l’a souligné – et ne peuvent donc pas être à égalité sur cette problématique du changement climatique. Il est important de prendre en compte l’exigence de protection des personnes déplacées dans le cadre de la COP 21.
Compte tenu de la priorité qui doit être donnée à la résolution de la cause, …